Opinion : Canada-Chine

Plus d’un demi-siècle de relations « passionnelles »

« Le Canada est notre meilleur ami », affirmait l’ancien premier ministre chinois Zhu Rongji en 1998, lors de la visite de Jean Chrétien, exaltant l’amitié entre la Chine et le Canada.

Plusieurs raisons pouvaient expliquer l’optimisme des dirigeants chinois. Le Canada est le premier pays membre du Commonwealth à avoir reconnu au début des années 1950 la République populaire de Chine. Cette reconnaissance a été suivie d’un accord sur la vente de blé signé en 1961 alors que la Chine était frappée par une grave famine. Cet accord est vu par Pékin comme une success-story pour avoir brisé le blocus politique et économique imposé par les États-Unis.

Donc, l’intérêt de la Chine de l’époque pour le Canada était plutôt inspiré par des enjeux géopolitiques. Pour Pékin, le fait de gagner l’amitié du Canada, pays occidental ayant une bonne réputation internationale, avait un effet positif sur l’image de la Chine à l’étranger, d’autant plus que le Canada est un voisin proche mais indépendant des États-Unis.

Aujourd’hui, les aspects commerciaux ont pris le pas sur les enjeux géopolitiques.

La Chine est devenue le deuxième partenaire commercial du Canada, qui se trouve lui-même au treizième rang parmi les partenaires commerciaux de l’empire du Milieu. Les deux pays ont besoin l’un de l’autre. La Chine cherche à améliorer la sécurité de son approvisionnement en or noir tandis que le Canada cherche à renforcer la demande pour ses immenses réserves en cette matière.

L’économie canadienne dépend fortement de son commerce extérieur, et la Chine, qui connaît un boom de sa classe moyenne, constitue un débouché intéressant. Dernièrement, Pékin commence à manifester un fort intérêt pour le marché de l’Amérique du Nord structuré par l’ALENA. Ce qui explique l’essor de l’investissement chinois au Canada, multiplié par 18 de 2005 à 2013.

Pour les raisons que l’on connaît, ces relations bilatérales sont entrées dans une zone de turbulence au début des années 2000. Les rapports entre les gouvernements se sont assombris et la population le constate. Les sondages du Pew Research Center témoignent d’un refroidissement de l’opinion des Canadiens vis-à-vis de la Chine : en 2015, seuls 39 % des Canadiens avaient une vision favorable de la Chine, soit 14 % de moins qu’en 2009.

ADMIRÉ EN CHINE

De façon surprenante, les Chinois sont plus optimistes à l’égard de leur voisin du Pacifique. En 2014, plus de six Chinois sur dix (63 %) avaient une opinion favorable du Canada, ce qui, pour la deuxième année consécutive, classait le Canada en tête de la liste des pays les plus admirés par les Chinois, bien avant les États-Unis qui récoltaient seulement 18 % de vues favorables. Les médias sociaux chinois confirment cette tendance : le compte Weibo de l’Ambassade canadienne est le plus suivi de toutes les ambassades étrangères en Chine, avec 1,11 million de membres.

D’une manière générale, les Chinois ont un a priori favorable pour les « vieilles relations ». Avec son héritage historique (Trudeau père, Norman Bethune, etc.), le Canada bénéficie en Chine d’une image positive. Il a ainsi toutes ses chances de bâtir de nouvelles relations positives avec la Chine.

Certains dossiers qui avancent difficilement auraient besoin d’une grande confiance mutuelle. Actuellement, ce n’est pourtant pas le cas avec les controverses sur la question des droits de l’homme, les restrictions d’investissement d’une société d’État dans l’industrie des sables bitumineux, et l’absence de traité d’extradition pour rapatrier les coupables de crimes économiques.

Rappelons que le Canada est une destination privilégiée pour les fonctionnaires chinois corrompus : le quart des 100 chinois présumés corrompus les plus recherchés par la Chine auraient trouvé refuge au Canada. À l’heure où les deux pays cherchent à tourner la page dans les relations sino-canadiennes, il est urgent pour les dirigeants de recréer un climat de confiance et d’ouvrir de nouveaux dialogues sur ces thématiques.

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