Soins palliatifs

Un grand projet de société pour les soins de fin de vie

Comme bien des gens, Christiane Manzini aurait souhaité mourir à la maison, paisiblement. Sa fin de vie aura plutôt été troublée par d’incessants allers-retours à l’hôpital, à l’instar de trop nombreux Québécois. Quatre ans après le décès de sa conjointe, le Dr Gilles Lavigne lance un cri du cœur pour des soins palliatifs plus humains offerts dans la communauté. Un grand projet de société en voie de se concrétiser grâce à la Fondation Gracia.

« Pourquoi êtes-vous ici ? » Cette question banale, le Dr Lavigne l’a entendue mille fois pendant la dernière année de vie de son épouse, emportée par un cancer digestif au bout de huit ans de traitements, de périodes de rémission et de lente agonie. « Chaque fois que Christiane présentait des complications et devait consulter en dehors de l’oncologie, on la renvoyait à l’urgence. Il fallait alors tout réexpliquer. Malgré la gentillesse du personnel, j’ai réalisé à quel point notre système de santé était désarticulé », explique-t-il.

Lui-même habitué au milieu hospitalier – il est chercheur clinicien à l’Hôpital du Sacré-Cœur de Montréal –, le Dr Lavigne n’a aucun reproche à faire en ce qui concerne la qualité des soins dans notre système de santé. Le problème, dit-il, c’est lorsqu’on entre dans la période critique de fin de vie, que personne n’ose nommer parce qu’elle fait peur.

« T’as beau connaître le diagnostic et le pronostic, c’est dur à vivre et à comprendre, même pour les gens du milieu – Christiane aussi était chercheuse. Ç’a pris des semaines avant qu’elle ait une chambre. Il fallait sans cesse repasser par le système de rendez-vous pour obtenir une prise de sang, une radiographie, une consultation. Or, comme il lui restait peu de temps à vivre, il n’y avait pas une minute à perdre ! »

Combien de temps au juste ? Là encore, ce fut la croix et la bannière. « On apprenait les choses par bribes, incapables d’obtenir des réponses claires. C’est la chirurgienne qui avait opéré Christiane des années plus tôt qui a levé le drapeau. Elle l’a prise dans ses bras, sans un mot. Le genre de silence qui en dit long. »

Peiné que sa bien-aimée ait dû errer ainsi à travers les dédales du système, le chercheur s’est pris à rêver : et si on offrait aux patients un lieu où ils pourraient passer leurs derniers jours dans la dignité et la sérénité, avec des soins privilégiés ? L’idée allait rapidement faire son nid au sein de la Fondation Gracia, un organisme dédié aux soins palliatifs et de longue durée, qui travaillait déjà sur un projet conforme au rêve du Dr Lavigne.

Un projet de société est né

Un an après le décès de sa conjointe, en 2017, le Dr Lavigne est nommé directeur par intérim du Centre de recherche du CIUSSS du Nord-de-l’Île-de-Montréal. Il a alors une idée fixe : améliorer les soins de fin de vie. Ça tombe bien, car parmi les organismes chapeautés par le CIUSSS du Nord-de-l’Île-de-Montréal, se trouve la Fondation Gracia. Désireux d’en apprendre plus sur sa mission, il rencontre la directrice générale de la Fondation, Marie-Claude Sauvé. « Une bombe d’énergie ! », s’exclame-t-il.

Madame Sauvé souhaite mettre sur pied une maison de soins palliatifs publique. Ensemble, ils élaborent une vision globale en trois volets. D’abord, un milieu de vie offrant aux personnes en fin de vie les soins d’une équipe multidisciplinaire – de même que des services médicaux identiques à ceux fournis à l’hôpital – et à leurs proches, un soutien exceptionnel. Ensuite, un centre d’accompagnement doté d’un éventail de services gratuits pour les patients qui pourront s’y déplacer puis regagner leur domicile, permettant ainsi de donner un répit à leurs proches. Et enfin, un centre de recherche et de formation pour développer les meilleures pratiques en soins de fin de vie. Trois premières dans le réseau public au Québec !

« La Fondation Gracia ne prend pas la place de l’hôpital, elle vient pallier le manque d’accompagnement en misant sur les forces de la communauté, observe le Dr Lavigne. La population vieillit. Le nombre de Québécois qui nécessiteront des soins palliatifs est en constante progression. Tous les astres sont alignés pour faire de ce projet un succès : le dynamisme derrière la Fondation Gracia, l’appui des décideurs, des intervenants et des chercheurs. Si un être cher peut vivre trois mois de plus à la maison, entouré de soins venant adoucir ses derniers moments, c’est autant de temps de gagné. »

Pour souligner son 25e anniversaire, la Fondation Gracia lance une campagne majeure visant à recueillir 5 millions de dollars afin de réaliser ce vaste projet de société pour les soins de fin de vie dans le réseau de la santé publique au Québec.

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