Chronique

La politique autrement

C’est le rêve de tous les électeurs. Depuis Duplessis. Qu’arrive un jour, sur la scène politique, quelqu’un qui ne sera pas comme les autres. Une personne droite, honnête, sans attache, qui fera de la politique autrement. Pas de la politique de magouilles, de fausses promesses et de copinage. De la politique au service du citoyen. Pas pour son petit profit personnel. Pour le bien-être de la grande collectivité. Sans démagogie. Sans passe-passe. Sans abus de pouvoir.

Ils furent plusieurs à se réclamer de cette étoffe de héros incorruptible. On les a crus durant un temps. C’est tellement tentant. Puis une fois qu’ils ont été en fonction, on a fini par se rendre compte qu’ils étaient comme les autres. Des ratoureux.

Il y a quelques semaines à peine, on était certains d’en avoir trouvé un. Ou plutôt une. Une vraie. Qui allait révolutionner la façon de gouverner. On y a tellement cru qu’on l’a élue. Même si on la connaissait à peine. La voilà propulsée première mairesse de Montréal ! Valérie Plante ! Le sourire le plus rassembleur, depuis celui de La Joconde. Elle allait tout réussir. Un vent de fraîcheur soufflait sur l’hôtel de ville. Plus rien ne sera pareil.

Et puis… Et puis, ç’a pris à peine deux mois. Valérie Plante a présenté son premier budget. Durant la campagne électorale, elle promettait une hausse de taxes qui ne dépassait pas l’inflation. Qu’a-t-elle fait ? Une hausse de taxes qui dépasse l’inflation. Ben voyons. Une pirouette digne des vieux de la vieille. Et quand elle a tenté de se justifier, ç’a été encore pire. Disparu le langage clair et direct. Elle a fait autant de détours qu’un automobiliste montréalais essayant de rentrer chez lui. On n’a rien compris. Dommage. L’auréole de Valérie Plante en a pâli. Est-elle toujours le symbole de la nouvelle politique ? On est moins certains. On garde espoir, mais on est plus sur nos gardes que sur nos espoirs. Pour utiliser une image appartenant au sport préféré de son ex-rival : strike one ! Première prise. Deux autres comme ça, et notre confiance lui sera retirée.

Faut pas devenir cynique pour autant. Il y a des politiciens valeureux, justes et généreux. Souvent, ce sont les moins connus. Peut-être que notre fantasme du politicien idéal, irréprochable, qui fait tout ce qu’il dit et jamais ce qu’il dit qu’il ne ferait pas, est irréaliste. 

Après tout, ce sont des humains. Il y en a des bons, il y en a des mauvais. Et il n’y en a pas des parfaits. Là, comme ailleurs. Faut faire avec. Comme eux font avec nous.

Mais il y a une chose qui doit impérativement changer, si on veut que les gens continuent de croire en leurs représentants. Politiciens, politiciennes, arrêtez de bitcher vos adversaires ! On n’est plus capable d’entendre les libéraux, les péquistes, les caquistes et les Québec solidaires se planter les uns, les autres. Ils passent la moitié de leurs discours à dire que les autres ne sont pas bons, et après ils se demandent pourquoi on les trouve tous pas bons !? Ce sont les politiciens qui font le plus de mal aux politiciens.

Même les sportifs ont plus de respect pour leurs adversaires. À part quelques boxeurs et quelques lutteurs, la règle, c’est de ne pas parler de son adversaire. Parce que ça ne donne rien. Ce n’est pas en disant que les Coyotes de l’Arizona sont pourris que Claude Julien va nous convaincre d’aimer le Canadien. C’est en faisant du Canadien la meilleure équipe possible que l’on va y adhérer.

Si vous voulez faire de la politique autrement, cessez de parler contre les autres. Cessez de nous faire voter par défaut. Pus capable des débats qui ne servent qu’à rabaisser les concurrents. Dites-nous ce que vous avez à nous proposer, expliquez-nous vos compétences, donnez-nous de l’espoir. Votre tâche est trop noble pour la salir avec vos insultes récurrentes. Trop souvent, la santé, l’éducation, l’économie ne deviennent que des prétextes pour des luttes de pouvoir. C’est absurde de chercher à convaincre le citoyen de l’importance du vivre ensemble, quand on passe la moitié de ses journées à s’engueuler avec l’autre côté de la chambre. 

Si les politiciens veulent que le peuple les respecte, qu’ils commencent par se respecter entre eux. Ce n’est pas en passant son temps à démontrer que tous les autres sont des croches, que vous allez nous convaincre que vous n’en êtes pas un.

Faire de la politique autrement, c’est ne pas faire de la politique contre les autres, mais pour les autres. Le plus beau des pays, c’est celui où il existerait une harmonie entre tous les partis. Où le choc des idées ne serait pas un choc nucléaire, mais un choc qui éclaire. Où les oppositions seraient des stimulations.

Vous trouvez ça utopique ? Ce l’est. Mais le rêve devient réalité quand la réalité n’a plus le choix. Et on est rendu là. On en a assez de l’affrontement perpétuel. Trump a passé sa première année au pouvoir à défaire ce qu’Obama avait fait. Et le prochain président passera son temps à défaire ce que Trump aura fait. Et après, on se demande pourquoi on n’avance pas ?

Arrêtez de vous enfarger, les uns, les autres. Marchez. Et l’on suivra celui avec qui le chemin mènera loin.

Quand on élit quelqu’un, il ne devient pas seulement le premier ministre des membres de son parti, il est le premier ministre de tous les Québécois. Et le chef de l’opposition n’est pas seulement le chef de son parti, son rôle va bien au-delà. Il fait entendre sa voix, au nom de tous les Québécois.

Depuis trop longtemps, la politique est synonyme de partisanerie. On mérite mieux que ça. Le western est fini. La droite contre la gauche. Les rouges contre les bleus. Les bons contre les méchants. On en a assez. Pouvez-vous juste essayer que l’on reçoive une éducation, que l’on soit en santé, avec le goût de se dépasser ? C’est déjà ben assez.

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