A Broken Hallelujah

Leonard Cohen dans sa complexité

Ceci n’est pas une biographie de Leonard Cohen, nous avertit d’entrée de jeu Liel Leibovitz. Publié en 2014, et offert en traduction française depuis peu, son A Broken Hallelujah n’est pas non plus un ouvrage écrit dans la foulée de la disparition de Cohen. C’est plutôt un livre dans lequel l’auteur retrace des influences, des rencontres et des moments qui ont marqué sa vie, faisant de Leonard Cohen un artiste unique.

« Il existe de meilleurs poètes que Leonard Cohen, et des romanciers plus chevronnés. Des compositeurs plus talentueux que lui ont écrit des chansons, ont trouvé la gloire puis ont disparu. Mais Leonard Cohen est toujours là et s’épanouit encore parce qu’il n’est pas vraiment poète, ni romancier, ni compositeur, en tout cas pas fondamentalement. Il est plus complexe, c’est le type d’homme dont les pores absorbent toutes les particules de beauté, de peine et de vérité qui flottent dans l’air autour de nous, mais que peu remarquent », écrit Leibovitz dans l’avant-propos de ce livre qui nous en dit davantage sur Cohen que plusieurs biographies qu’on lui a consacrées, et que l’auteur cite abondamment.

Leibovitz a effectué un travail de recherche colossal. Il a notamment eu accès aux écrits personnels de Cohen archivés à l’Université de Toronto.

Son terrain de jeu est très vaste. Pour tenter de cerner son sujet, il peut citer aussi bien Platon, saint Augustin, Jung, un conte talmudique, T.S. Eliot ou Jacques Attali que causer punk ou rock progressif. L’analyse y cohabite allègrement avec l’anecdote, parfois croustillante, mais jamais superflue. D’entrée de jeu, on accompagne Cohen au bordélique festival de l’île de Wight en 1970, où, contre toute attente, il apaise un demi-million de spectateurs agités, dans le Cuba tumultueux de 1961, où le jeune artiste intrépide et un brin inconscient est sur les traces de Lorca, puis en Israël où, sans trop savoir pourquoi, il débarque au moment où éclate la guerre du Yom Kippour en 1973.

Tout fan qu’il soit, Liel Leibovitz ne trace pas un portrait complaisant de l’artiste auquel il n’avait jamais envisagé de consacrer un livre.

Un léger bémol, toutefois : le lecteur québécois butera sur les St. Urbain Street, Montreal Forum et autres « procureur général de la nation ». On comprendra Leonard Cohen d’avoir insisté pour que Michel Garneau traduise sa poésie afin de lui conserver sa saveur montréalaise.

BIOGRAPHIE

A Broken Hallelujah

Liel Leibovitz

Traduit par Silvain Vanot

Allia

256 pages

3 étoiles et demie

EXTRAIT 

« Il lui a fallu presque une décennie entière pour apprendre comment devenir poète puis cinq ans pour le désapprendre ; en l’espace de trois ans, il a connu le succès en tant qu’écrivain et la spirale de la dégringolade ; à présent, il pense enfin avoir trouvé la forme artistique qui lui permettra d’exprimer ses idées : il va chanter. C’est plus rémunérateur de toute façon et, en tant que prestation publique, c’est une activité éphémère qui coïncide parfaitement avec les idées principales qu’il souhaite partager, idées qui renoncent à tous les lendemains radieux en faveur de la tangibilité du présent. »

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