Alimentation

Le saumon transgénique arrive dans nos cuisines

Ce n’est pas de la science-fiction : il se peut que le filet de saumon que vous avez fait griller sur le barbecue récemment ait été un poisson génétiquement modifié. L’entreprise américaine AquaBounty a annoncé vendredi, en dévoilant ses résultats financiers, qu’elle a mis sur le marché canadien 4,5 tonnes de son saumon AquAdvantage, provoquant l’étonnement des groupes écologistes.

Qu’est-ce que le saumon AquAdvantage ?

Le saumon génétiquement modifié d’AquaBounty est un saumon de l’Atlantique auquel on a greffé un gène de l’hormone de croissance du saumon quinnat du Pacifique. Résultat : sa croissance est plus rapide. Il atteint la taille adulte au bout de 16 à 18 mois, soit environ la moitié du temps de croissance d’un saumon de l’Atlantique.

Les œufs de saumons AquAdvantage sont produits à l’Île-du-Prince-Édouard, mais les saumons transgéniques sont élevés au Panamá. L’entreprise souhaite toutefois commencer à élever ces poissons dans un autre lieu de production à l’Île-du-Prince-Édouard ainsi qu’en Indiana.

Comment savoir où ce produit a été vendu ?

Dans l’état actuel de la loi, il est impossible pour les consommateurs de savoir si le saumon qu’ils achètent est génétiquement modifié. En mai, les néo-démocrates ont déposé à Ottawa un projet de loi qui aurait rendu obligatoire l’étiquetage des aliments contenant des organismes génétiquement modifiés, mais il a été rejeté.

« Pour l’instant, il y a seulement les employés d’AquaBounty qui savent où le saumon a été vendu, illustre Lucy Sharratt, coordonnatrice du groupe Canadian Biotechnology Action. [...] C’est scandaleux que la population n’ait pas cette information. » L’entreprise AquaBounty ne nous a pas rappelée.

Le Canada, seul au monde à vendre ce saumon

C’est en mai 2016 que le gouvernement canadien a approuvé l’utilisation du saumon de l’Atlantique « AquAdvantage » à des fins de consommation humaine. « À l’égard de tous ses autres aspects, le saumon AquAdvantage est identique aux autres saumons issus de l’élevage traditionnel », concluait Santé Canada. Aux États-Unis, la Food and Drug Administration a aussi jugé que le saumon génétiquement modifié était sécuritaire, mais a suspendu son importation jusqu’à ce que des normes d’étiquetage soient mises en place.

Chez Vigilance OGM, on remet en doute les études auxquelles on se fie pour approuver ce produit. « En très grande majorité, Santé Canada se base sur des études menées par l’industrie. On trouve ça très inquiétant que ce soit fait par quelqu’un qui est juge et partie. Il y a l’intérêt commercial qui est en jeu », dit Thibault Rehn, coordonnateur de l’organisme.

Un risque pour les populations sauvages ?

Le fait d’élever des saumons transgéniques pourrait être une menace pour les populations sauvages, explique la coordonnatrice de la Canadian Biotechnology Action. « Si le saumon transgénique s’échappe, il pourrait y avoir un croisement avec le saumon sauvage, mais aussi une compétition pour les ressources », dit Lucy Sharratt.

La députée néo-démocrate de Berthier–Maskinongé, Ruth Ellen Brosseau, a siégé au Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire, à Ottawa, qui s’est prononcé en décembre 2016 contre l’étiquetage obligatoire des OGM. « Des témoins ont soulevé des inquiétudes par rapport à l’environnement, sur les possibilités de contamination du saumon naturel. L’entreprise AquaBounty n’a pas été capable de nous assurer à 100 % qu’il n’y aurait pas de risques de contamination », dit la députée Brosseau.

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