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Explosion du nombre d’affaires de leurre d’enfant

L’exploitation sexuelle par ordinateur mobilise de plus en plus les policiers québécois. De 2011 à 2015, le nombre de cas de leurre d’enfant a triplé comparativement aux cinq années précédentes.

Les corps policiers ont alors rapporté 1312 cas au ministère de la Sécurité publique, contre 401 de 2006 à 2010. Les données de 2015, qui viennent d’être rendues publiques par le Ministère, font état de 372 cas.

Les internautes malveillants traquent leurs victimes sur les réseaux sociaux, comme Facebook, et sur les plateformes de jeu comme Roblox ou Xbox Live.

« Partout où l’on met des jeunes en contact avec des adultes, on crée des occasions pour les criminels. Internet leur facilite énormément les choses, ce qui peut en partie expliquer la hausse de cas », observe Francis Fortin, professeur à l’École de criminologie de l’Université de Montréal et ex-analyste à la section cybersurveillance de la Sûreté du Québec (SQ).

« Dans un parc, si un adulte inconnu approche un enfant, tout le monde trouve ça louche, et on aura le réflexe de porter plainte. En ligne, le réflexe se résume souvent à bloquer la personne, qui pourra continuer de s’essayer ailleurs. »

— Francis Fortin, professeur de criminologie

« Mais la police met de plus en plus d’efforts au niveau des enquêtes, ajoute-t-il, et des plateformes comme Cyberaide facilitent beaucoup la dénonciation. »

Un profil unique

Certains des accusés les plus récents étaient enseignants, éducateurs en garderie, animateurs de camp de jour, ou encore entraîneurs de basketball ou de hockey mineur. Avant leur arrestation, ils n’avaient en général jamais été soupçonnés ou accusés d’avoir commis un crime.

C’est aussi le cas de la majorité (62 %) des internautes impliqués dans un leurre d’enfant, indique un ancien étudiant du professeur Fortin, François Massicotte, qui a pu analyser leur trajectoire criminelle grâce aux banques de renseignements informatisées de la police.

« Les carrières criminelles des internautes qui leurrent des enfants commencent de façon tardive et durent en moyenne moins longtemps que celles des délinquants en général », résume-t-il dans son mémoire de maîtrise.

La grande majorité d’entre eux (76 %) n’avaient pas de carrière criminelle notoire.

« Internet, c’est accessible, abordable et anonyme. C’est facile pour n’importe qui, pas seulement pour les criminels de carrière. »

— Francis Fortin, professeur de criminologie

« Par contre, on dirait que le choc du système judiciaire les arrête à temps, souligne M. Fortin. La cour ordonne souvent de suivre une thérapie. Et avec les peines minimales, tu es certain d’aller en prison ; c’est un message très clair. »

L’étudiant de Francis Fortin a aussi découvert que les hommes qui exploitent des enfants devant leur écran d’ordinateur sont peu susceptibles de passer à l’acte physiquement après leur arrestation.

Ceux qui l’ont fait étaient très majoritairement déjà connus comme agresseurs sexuels hors ligne, avant même de commettre leur leurre. Et ils ont un profil distinct. « Ces spécialistes des crimes sexuels ont une carrière criminelle significativement plus longue, plus chargée et plus grave que ceux n’ayant pas agressé sexuellement », précise M. Massicotte.

« Internet leur a en quelque sorte permis d’ajouter le leurre à leur coffre à outils », ajoute Francis Fortin.

D’après l’analyse de François Massicotte, 76 % des internautes qui leurrent des enfants sont des criminels amateurs, 18 % sont des spécialistes des délits sexuels et 6 % sont des criminels généralistes – très susceptible de commettre un nouveau crime, mais non de nature sexuelle.

Pour mettre votre enfant en garde contre l’exploitation sexuelle par ordinateur :

Pour dénoncer un leurre d’enfant : 

L’infraction de leurre d’enfant a été créée en 2002. En 2012, on l’a assortie de peines minimales. Et en 2015, on a augmenté les peines. Les coupables sont désormais passibles de 1 à 14 ans de prison.

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Qui sont les victimes ?

14,8 ans

Âge moyen des victimes québécoises d’exploitation sexuelle par ordinateur

81 %

Proportion de filles parmi les victimes

La victime la plus jeune avait 7 ans et la plus âgée, 17 ans.

Source : François Massicotte, Université de Montréal

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Qui sont les exploiteurs ?

Plus de 98 % des internautes qui leurrent des enfants sont des hommes. « Lorsqu’une femme est impliquée, c’est souvent comme complice. Ou certaines ont pu séduire un garçon en ligne en lui demandant de se dévêtir pour filmer la scène et faire de l’extorsion », précise le professeur de criminologie Francis Fortin.

Dans les affaires étudiées par son étudiant François Massicotte, les auteurs de leurre étaient arrêtés pour la première fois à l’âge de 33 ans, en moyenne. Le suspect ou l’accusé le plus âgé avait 73 ans et le plus jeune, 13 ans. « Mais les cas de mineurs sont très rares et peu représentatifs », dit-il.

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Où ont-ils été arrêtés ?

Liste des six corps policiers ayant repéré le plus grand nombre de leurres d’enfants en 2015 :

1. Montréal : 52 cas

2. Québec : 33 cas

3. Rouyn-Noranda : 23 cas

4. Saguenay : 22 cas

5. Longueuil : 20 cas

6. Sherbrooke : 19 cas

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Comment la situation évolue-t-elle ?

Hausse du nombre de cas de leurre d’enfant en 10 ans

2015 : 372

2014 : 413

2013 : 246

2012 : 155

2011 : 126

2010 : 121

2009 : 136

2008 : 80

2007 : 41

2006 : 23

Source : ministère de la Sécurité publique du Québec

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