Hockey

un rêve et ses sacrifices

Michael LaStarza, 14 ans, s'est exilé à 2000 km de chez lui pour aller jouer avec la mythique école Shattuck-St. Mary's, au Minnesota. La LNH est son rêve. Son père et lui sont prêts à faire bien des sacrifices pour qu'il se matérialise. 

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Ils ont brillé à Shattuck

Sidney Crosby

2002-2003

Âge :  15 ans

Fiche :  72 buts, 90 passes, 162 points en 57 matchs au niveau midget « prep »

Repêché au 1er rang par les Penguins de Pittsburgh en 2005

Zach Parisé

DE 2000 à 2002

Âge :  16 et 17 ans

Fiche :  146 buts, 194 passes, 340 points en 125 matchs au niveau midget « prep »

Repêché au 17e rang par les Devils du New Jersey en 2003

Jonathan Toews

DE 2003 à 2005

Âge :  15 et 16 ans

Fiche :  112 buts, 116 passes, 228 points en 134 matchs au niveau midget « prep »

Repêché au 3e rang par les Blackhawks de Chicago en 2006

Nathan MacKinnon

DE 2009 à 2011

Âge :  14 et 15 ans

Fiche :  54 buts, 47 passes, 101 points en 58 matchs au niveau bantam ; 45 buts, 48 passes, 93 points en 40 matchs au niveau U16

Repêché au 1er rang par l’Avalanche du Colorado en 2013

Clayton Keller

DE 2012 à 2014

Âge :  14 et 15 ans

Fiche :  58 buts, 71 passes, 129 points en 60 matchs au niveau bantam ; 36 buts, 41 passes, 77 points en 51 matchs au niveau midget « prep »

Repêché au 7e rang par les Coyotes de l’Arizona en 2016

— Guillaume Lefrançois, La Presse

Hockey

Couper le cordon à 14 ans

Faribault, — Minnesota — C’est l’histoire d’un père et d’un fils unis par la passion du hockey. Le fils est bourré de talent. Et le père est prêt à faire tous les sacrifices possibles pour l’aider à vivre son rêve. Bienvenue dans la vie de Tony et de Michael LaStarza.

Michael, c’est le fils. À sa première année bantam, l’an dernier, il a joué au niveau AAA avec les Lions du Lac St-Louis Sud et a terminé au 6e rang de la Ligue de hockey d’excellence du Québec avec 47 points.

Tony, c’est le père. Un passionné de hockey qui multiplie les efforts pour son fils, et qui possède les ressources pour aller au bout de leurs ambitions. Michael a 14 ans et il travaille depuis déjà quelques années avec des entraîneurs d’habiletés, en plus d’être épaulé par Allan Walsh, le réputé agent de joueurs, qui joue ici le rôle de conseiller familial.

Aux grands maux les grands remèdes. Tony et Michael ont convenu qu’un changement d’environnement serait bénéfique et présenterait un nouveau défi. Sa deuxième année bantam, il la joue avec l’équipe U14 de Shattuck-St. Mary’s, la mythique école du Minnesota.

« On voulait le sortir de sa zone de confort et le faire gagner en maturité », explique Tony, au bout du fil.

La renommée d’une équipe

L’aréna John R. Sumner ne paie pas de mine. Les gradins se résument à quatre rangées de bancs. Les bandes sont noircies par les centaines de tirs qui ratent la cible au quotidien. Et que dire des baies vitrées ? On les remplacerait par du contreplaqué qu’on ne verrait pas moins l’action, tant les marques de rondelles sont nombreuses.

« Ça fait quelque temps qu’on pense à les changer, mais on n’ose pas, car on sait que les jeunes sont fascinés de savoir que certaines de ces marques ont été faites par Sidney Crosby ou Nathan MacKinnon. »

— Une employée de l'aréna John R. Sumner

Justement, ces vedettes sont omniprésentes dans l’aréna. Des photos ici et là, un Jonathan Toews grandeur nature soulevant la coupe Stanley. Dans un corridor, les photos de chaque équipe championne de Shattuck sont affichées. On s’amuse à y chercher les visages connus pour voir de quoi ils avaient l’air ados : Crosby qui n’a pas changé, Toews qui avait déjà son regard sérieux, les jumelles Monique et Jocelyne Lamoureux, qui ont fait leur marque avec l’équipe féminine américaine.

Même s’il y a déjà une quinzaine d’années que ces vedettes sont passées par ici, leur attrait est encore bien réel.

« Je ne mentirai pas : quand mon père m’a parlé de Shattuck, je n’avais aucune idée de ce que c’était, admet Michael LaStarza, rencontré après un entraînement en fin d’après-midi, dans le bureau de l’entraîneur. Puis, j’ai fait mes recherches, j’ai vu qui était passé par ici, Crosby, Toews, MacKinnon, Clayton Keller. Donc on est venus visiter.

« Il n’y avait pas que le hockey. Le campus, les dortoirs, le mode de vie… Ce n’est pas fait pour tout le monde. C’est une routine. Tu vas à l’école, tu peux sauter sur la patinoire le matin, le soir, aller au gymnase. Tu fais tes devoirs, tu manges, tu dors. J’aime ça parce que ça implique toujours du hockey. »

Mais attention : tout ça a un prix. Pour une année complète, on parle d’environ 58 000 $US, un coût qui comprend la saison de hockey, la scolarité, le logement et l’accès à la cafétéria pour les trois repas par jour. De l’aide financière est offerte au besoin, et comme à l’université, les établissements sont parfois prêts à négocier pour attirer de bons joueurs.

De toute façon, Tony LaStarza n’en est pas à un sacrifice près. Ce vice-président chez Filtration LAB, une entreprise de filtres à air, estime avoir déboursé « entre 20 000 $ et 25 000 $ par année » dans le hockey de son fils. C’est sans compter les sacrifices humains au fil des ans. Par exemple, les années où Michael était inscrit au hockey de printemps.

« On devait aller à Toronto chaque fin de semaine, se souvient le paternel. On partait à 5 h le matin, je conduisais, on s’arrêtait déjeuner à Kingston, Michael dormait dans l’auto. On revenait le soir même, on repartait à 17 h et on était à la maison à 23 h. J’ai fait ça pendant cinq fins de semaine, mais ensuite, tant pis, c’était l’avion ! »

« Le premier match de la journée était dur, car mes jambes ne suivaient pas, je venais de passer cinq heures en auto, ajoute Michael. Mon père en a tellement fait beaucoup pour moi. Il vient encore me voir souvent. Je suis très reconnaissant que ma famille m’envoie ici. »

Couper le cordon

Michael LaStarza a de la compagnie à Shattuck. Deux autres Québécois jouent dans une des cinq équipes masculines, et il connaît les deux : son cousin Luca Ricci et son ancien coéquipier chez les Lions Michael D’Orazio, gardien de l’équipe U14. C’est vers eux qu’il se tourne quand il ressent le mal du pays. Le Minnesota a beau avoir le même climat hostile que le Québec, la vie a beau se passer en anglais, sa langue maternelle, c’est tout de même un choc de quitter la maison à 14 ans.

« C’est un gros changement. J’ai dû m’ajuster au hockey et à la vie en dortoir. La nourriture aussi. C’est vraiment excellent ici, mais j’étais habitué à la lasagne et aux pâtes de ma grand-mère italienne ! Quand je joue un mauvais match, j’aime parler à mon père après. Je peux encore le faire, on s’appelle. »

« Je m’ennuie du contact en personne, mais j’aime mieux m’adapter à 14 ans plutôt qu’à 18 ou 19 ans. »

— Michael LaStarza

Et le père, lui ? Pas facile de confier sa progéniture à des étrangers à 2000 km de la maison !

« On est une famille tissée serré, sa maman faisait son lavage, rappelle Tony. Là, il fait son propre lavage, il doit surveiller son alimentation, il est 100 % indépendant. S’il a besoin de shampoing, il prend la navette pour aller au magasin. Pour moi, ma femme et les grands-parents, c’est très difficile. Mais je lui donne beaucoup de conseils. C’est mon fils, mais aussi mon chum. Il manque quelque chose à la maison ! »

Du talent

Jusqu’ici, les sacrifices en ont valu la peine. À l’école, Michael assure avoir « des A partout ». Sur la patinoire, il vient au 2e rang de son équipe avec 34 points en 29 matchs. Tout ça au sein d’une véritable équipe d’étoiles, formée de joueurs qui viennent de partout aux États-Unis, de la Californie au Tennessee, en passant par l’Alaska et le Vermont. « Si mon équipe à l’école secondaire avait joué contre Shattuck, on aurait perdu 25-0 », nous expliquait récemment le gardien du Rocket Charlie Lindgren, dont le frère a joué ici.

À l’œil, on voit un joueur doté d’un beau coup de patin et d’habiletés certaines avec la rondelle.

« C’est un très bon joueur. Il est vraiment très fort sur la rondelle et sa capacité à la protéger est sa qualité première, estime l’entraîneur-chef de l’équipe, Christian Bragnalo. Il est physiquement mature. Il a un bon tir frappé. Comme tout joueur bantam, même MacKinnon à l’époque, il doit apprendre à jouer sans la rondelle. Mais ses qualités physiques le placent dans l’élite. »

« Le talent, c’est un talent. Ça ne veut pas dire qu’il va se rendre à la Ligue nationale, prévient son père. C’est son rêve et c’est bon qu’il en ait un. Mais dans la vie, ça prend un plan B. L’école est très importante pour nous. »

« C’est mon rêve, c’est mon but. Je veux réussir mon éducation, mais je veux aussi me rendre à la LNH. Ce serait tout un honneur », affirme l’adolescent. Sent-il que son rêve est réalisable ? « Assurément. C’est en haut de la liste. »

Pour l’heure, tous s’entendent sur le fait qu’il aura sa place au hockey junior ou en NCAA, peu importe la voie qu’il choisira. Son année de repêchage dans la LNH est 2022 ; beaucoup d’eau coulera sous les ponts d’ici là.

S’il est repêché, il s’approchera de ses idoles MacKinnon, Patrice Bergeron, Brad Marchand… et à un tout autre niveau, de celui en l’honneur de qui il porte le numéro 9.

« Quand j’étais petit, j’adorais regarder le film Maurice Richard avec mon père.

— Combien de fois tu l'as vu?

— Trop souvent pour compter. On le regardait toujours en français. Les soirs où je n’avais pas de devoirs, on le regardait. Je connais quelques répliques par cœur. Ma préférée, c’est quand son entraîneur lui dit : “I don’t want to see Maurice tonight, I want to see the Rocket.” Ça fait un petit bout que je ne l’ai pas regardé, mais puisqu’on en parle, je vais sûrement le regarder ce soir. »

Hockey

Musique, science, respect

Faribault, — Minnesota — On arrive à Shattuck et on s’attend à débarquer dans un univers 100 % hockey. Mais en descendant de la voiture, la première chose que l’on entend par la fenêtre d’un pavillon, c’est plutôt… un orchestre en répétition !

On déambule. On passe par un petit auditorium bien aménagé, des laboratoires de science dernier cri, un petit local où quatre élèves suivent des cours de piano, le dôme de l’équipe de soccer.

Ils sont 501 élèves inscrits ici ; la taille moyenne d’une classe est de 12 élèves, selon des données fournies par l’école. Les frais d’inscription sont prohibitifs, mais les services sont au rendez-vous.

Des citoyens modèles

On mentionnait Crosby, MacKinnon, Toews et Parisé comme les plus grands noms à avoir joué ici. Au-delà du talent, ils partagent un trait commun : une très grande courtoisie dans leurs rapports avec les médias, et la capacité de répondre intelligemment aux questions. Ce qui n’est pas donné à toutes les vedettes, on vous l’assure. Héritage de leurs années à Shattuck ?

« On montre aux jeunes comment jouer de la bonne façon et on prend notre temps. En classe, ils doivent être respectueux entre eux et envers leurs enseignants. On l’exige. »

« Ça prend des enfants spéciaux pour être ici. »

— L'entraîneur-chef Christian Bragnalo

La discipline est au cœur des valeurs transmises. Un exemple banal : le conducteur de la surfaceuse finit de préparer la patinoire pour l’entraînement des U14. Voyant les portes de la patinoire ouvertes, l’auteur de ces lignes se permet une photo de l’aréna, avec la glace au premier plan. La démarche prend une quinzaine de secondes, jusqu’à ce qu’on remarque que les joueurs attendent après nous pour fouler la patinoire ! Le conducteur ferme les portes ; les jeunes s’élancent aussitôt.

« À notre dernier match, les portes étaient encore ouvertes et ils y sont allés, ils étaient trop enthousiastes, raconte Bragnalo. Alors ils ont commencé à tirer au but, et les rondelles sortaient toutes de la patinoire. Ils savaient pourtant qu’ils n’avaient pas le droit d’y aller, et ils l’ont fait quand même. Donc après le match, je leur ai parlé. Aviez-vous le droit ? “Non, coach, on n’avait pas le droit.” Je les ai bien savonnés ! »

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