Chronique

Peu à peu, la philanthropie s’enracine à Montréal

On le sait, c’est une réalité historique et démographique, les Québécois accusent un retard certain par rapport au reste du Canada en matière de philanthropie. Depuis une vingtaine d’années toutefois, on observe un renversement de tendance alors que de plus en plus de gens fortunés canalisent une partie de leur patrimoine vers des œuvres caritatives ou des organismes sans but lucratif.

Le retard des Québécois en matière de philanthropie ne signifie pas pour autant que les Québécois sont plus pingres que l’ensemble des citoyens du reste du Canada. Ce retard s’explique plutôt par une absence de tradition due à notre héritage particulier.

Durant des siècles, l’élan de générosité des Québécois a été freiné tout simplement parce qu’ils n’avaient pas les moyens de s’y adonner. Le peu d’épargne qu’un ménage pouvait se constituer était systématiquement absorbé par l’Église qui prélevait religieusement sa dîme annuelle.

Le Québec d’aujourd’hui compte beaucoup plus de gens fortunés qu’il y a 50 ans seulement et cette nouvelle classe bien nantie a commencé à s’adonner à la philanthropie, pour des raisons tout autant morales que fiscales.

Les derniers résultats financiers de la Fondation du Grand Montréal (FGM) est un bel exemple de l’enracinement progressif mais bien réel de la philanthropie au Québec.

Cette fondation a été cofondée en 1999 par les regrettés Marcel Côté, alors président du groupe Secor, et Pierre Brunet, qui était président de la Financière Banque Nationale.

L’idée était de créer un fonds communautaire destiné à l’amélioration des conditions de vie de la collectivité du Grand Montréal. Il existe aujourd’hui au Canada 191 de ces community funds.

La FGM reçoit les dons de citoyens et d’organismes et crée pour eux des fonds philanthropiques qui réaliseront des distributions d’argent dans tous les domaines : environnement, culture, santé, développement social et communautaire, persévérance scolaire…

« On distribue aux organismes et aux causes que choisissent nos donateurs. Tu peux décider de donner 1 million à la Fondation du Grand Montréal et exiger que cette somme serve à financer un organisme en particulier durant cinq ans », m’explique Yvan Gauthier, PDG de la fondation.

Une année record

La dernière année a été extrêmement prolifique pour la FGM. L’organisme a récolté des dons records de 58,8 millions, la plus importante dotation de son histoire.

Il faut préciser ici qu’un seul individu a donné pas moins de 47 millions à la Fondation, en 2016, un geste posé dans le cadre d’une planification fiscale. Un autre don majeur de 6 millions a été fait par un autre généreux donateur.

La FGM gère aujourd’hui un actif de 248 millions, des fonds qui ont généré un rendement de 8,5 % l’an dernier.

Depuis cinq ans, l’actif de la FGM est passé de 115 millions à 285 millions. Durant cette période, la FGM a généré un rendement annualisé de 9,1 %.

« On réalise chaque année des distributions qui représentent entre 3,5 % et 4,5 % de nos actifs totaux. Certaines années, ça peut être davantage, lorsqu’il y a des demandes spécifiques de certains donateurs. »

— Yvan Gauthier

La FGM ne prélève aucuns frais d’administration sur les dons qu’elle reçoit et ses frais généraux ne peuvent excéder 1 % de la valeur totale des actifs.

« On a une très petite équipe. On ne fait aucune gestion d’actifs, mais on a un comité des placements présidé par Kathy Fazel, de la Banque Royale, et où siège notamment Roland Lescure, de la Caisse de dépôt », précise le PDG de la FGM.

Les gens très fortunés ont tendance à créer leur propre fondation familiale et à vouloir s’en occuper personnellement. Quel est l’avantage de donner à la FGM ?

« On est une plateforme philanthropique qui offre tous les services aux donateurs : gestion, rapports administratifs, investissements, distribution, rapports fiscaux. Les donateurs ont accès en temps réel à leur compte et peuvent suivre tous les processus.

« De plus, nos activités sont supervisées par l’Autorité des marchés financiers », insiste Yvan Gauthier.

L’autre grand avantage de contribuer à la FGM, c’est de pouvoir profiter de sa connaissance du milieu et de son réseau qui regroupe aujourd’hui 509 fonds philanthropiques et fondations.

Le PDG Yvan Gauthier constate sur le terrain l’enracinement de la philanthropie à Montréal et, selon lui, il n’est pas irréaliste de prévoir que la Fondation du Grand Montréal devrait franchir le milliard d’actifs au cours des 10 prochaines années.

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