actualités

La mort du jeune cycliste Clément Ouimet mercredi dernier sur la voie Camillien-Houde a suscité de nombreuses réactions. Un hommage senti lui a été rendu hier.

Accident de vélo

Comment rendre Camillien-Houde plus sécuritaire ?

Fermer la voie Camillien-Houde aux voitures. En faire un cul-de-sac au sommet. Baisser les limites de vitesse pour les voitures, et même pour les cyclistes. Instaurer un péage. La tragédie qui a coûté la vie au cycliste Clément Ouimet mercredi sur le mont Royal a relancé la question de la sécurité sur la voie qui traverse la montagne, de son usage et de la cohabitation entre usagers de la route. Aperçu du problème et des solutions proposées.

Le problème

La voie Camillien-Houde, du côté est, et le chemin Remembrance, à l’ouest, donnent accès au parc du Mont-Royal des deux côtés de la montagne. C’est aussi l’endroit favori des cyclistes chevronnés en quête de pentes à grimper. Le parcours est mythique, il fait suer même les meilleurs cyclistes de la planète lors de compétitions chaque année. Le problème, c’est qu’il est aussi devenu une voie de transit pour les automobilistes voulant éviter de contourner la montagne. Ancien président de Vélo Québec, Michel Labrecque le déplorait en 2003. Celle qui lui a succédé, Suzanne Lareau, ajoute qu’en 2014, son organisme a compté jusqu’à 12 000 passages de véhicules chaque jour.

Cohabitation mortelle

Ce trafic complique la cohabitation entre cyclistes et voitures. Cette semaine, Clément Ouimet est mort en descendant la côte Camillien-Houde à vive allure quand un conducteur qui descendait aussi a décidé de faire demi-tour avec son véhicule pour remonter, au sortir d’une courbe. Le jeune cycliste n’a jamais pu l’éviter et l’a percuté de plein fouet, subissant des blessures mortelles. Dans la foulée du drame, le maire Denis Coderre a annoncé la formation d’un groupe de travail réunissant plusieurs intervenants pour trouver une solution et sécuriser la route.

Modifications proposées... en 2009

Déjà en 2009, la Ville de Montréal avait réfléchi à la question de la sécurité des cyclistes sur Camillien-Houde et au trafic de transit. Des documents publics de l’époque déploraient le « caractère autoroutier » de la route traversant le parc et prônaient sa modification en « chemin de parc » plus sécuritaire et plus convivial pour les cyclistes. Hier, la candidate à la mairie Valérie Plante a accusé Denis Coderre d’avoir fait fi de ces constats. « Sur Remembrance, il y avait un pont d’étagement [à l’intersection de Côte-des-Neiges] et on va l’enlever », a dit le maire. C’était là l’une des mesures énoncées à l’époque pour atténuer la circulation puisqu’elle diminue la fluidité à cette intersection.

Créer un cul-de-sac ?

Pour Suzanne Lareau, présidente de Vélo Québec, il faut mettre un terme au trafic de transit sur la montagne. « Il faut réaménager le haut de la montagne pour que tant Camillien-Houde que Remembrance mènent forcément à un stationnement. De cette façon, les voitures ne peuvent pas traverser facilement d’un côté à l’autre. Ça rendrait le passage très peu attrayant pour les automobilistes. Ça serait clair, la montagne est la destination. Et à l’entrée de chaque côté, il y aurait un panneau Cul-de-sac », propose-t-elle. Une voie de passage demeurerait toutefois pour les autobus et véhicules d’urgence.

Guérite de péage

Ottavio Galella, ingénieur spécialisé en circulation, trouve qu’il est inconcevable de passer par la montagne simplement pour transiter d’est en ouest. Mais il ne va pas aussi loin que Vélo Québec. « Une route, ce n’est pas juste fait pour faire passer des camions. Il y a des routes extraordinaires, panoramiques, et c’en est une. Traverser la montagne, lentement, c’est palpitant. C’est plus qu’un parc, c’est un monument. Mais il faut le faire pour admirer le paysage, pas pour gagner du temps. » Il y va d’un mot controversé : péage.

« C’est un parc. Pourquoi ne pas installer une guérite à chaque entrée ? On prend un ticket à l’entrée, et à la fin, on paie. Vous allez voir que les gens vont trouver d’autres options. »

— Ottavio Galella, ingénieur spécialisé en circulation

Fermer la route

L’ingénieur Ottavio Galella ajoute qu’il ne serait pas farfelu de complètement fermer la route sur la montagne chaque jour pendant quelques heures pour accueillir les cyclistes qui s’entraînent. Candidat de l’Équipe Coderre au poste de conseiller de ce quartier, Marc-Antoine Desjardins a proposé jeudi qu’on y crée une « zone d’activité physique exclusive ». Le maire n’est pas allé aussi loin, hier, mais il n’a pas exclu que la route soit fermée à des « heures modulées » pour les cyclistes. Il rappelle qu’il y a un poste de police au sommet de la montagne et qu’il doit être libre d’accès.

Une piste cyclable

Les Amis de la montagne font partie de ceux que le maire a invités dans son groupe de réflexion. Ils proposent « l’aménagement d’une piste cyclable en site propre », explique la porte-parole Eveline Fugère-Trudel. Les cyclistes qui grimpent sur la montagne sont souvent de haut niveau. Une piste étroite comme elles le sont généralement en ville ne sera peut-être pas l’idéal, convient-elle. Mais il y a moyen de l’adapter au type de pratique cycliste propre au mont Royal. Un ingénieur en circulation propose que soit rétrécie la zone réservée aux voitures et qu’une zone tampon soit peinte au sol entre l’espace voiture et l’espace cycliste. « L’accotement actuel, qui est déjà large, pourrait aussi être nettoyé plus couramment », afin que les cyclistes y roulent, plutôt que dans la voie des voitures, ajoute Mme Fugère-Trudel.

Baisser la limite de vitesse

Plusieurs des intervenants cités précédemment prônent également une révision à la baisse de la limite de vitesse pour les voitures. Jusqu’à 15 km/h, avance même l’ingénieur Ottavio Galella. Mais la question des cyclistes est plus délicate. Certains parmi les plus chevronnés atteignent des pointes de 70 km/h dans la descente de Camillien-Houde. Pourraient-ils aussi être soumis à une limite de vitesse ? « Limiter la vitesse des vélos est difficile à faire parce que l’odomètre n’est pas obligatoire sur les vélos. Mais c’est à examiner », convient Suzanne Lareau.

Actualités

Des centaines de cyclistes rendent hommage à Clément Ouimet

« Salut, Clément ! » Cyclistes, proches et amis ont levé les yeux au ciel et ont adressé un dernier au revoir à Clément Ouimet, ce jeune cycliste de haut niveau qui a perdu tragiquement la vie mercredi en s’entraînant sur la voie Camillien-Houde. Hier après-midi, des centaines de cyclistes ont roulé en silence à la mémoire de leur camarade en empruntant le trajet du drame.

« On ne montera plus jamais Camillien-Houde de la même façon. » Marc-Antoine Desjardins, fondateur de Cyclovia Camillien-Houde, l’organisme derrière la commémoration, avait peine à retenir ses larmes sur la ligne de départ. Tout à l’avant, des cyclistes du club Espoirs de Laval avec leur maillot rouge et noir. Clément Ouimet, 18 ans, faisait partie de leur groupe élite.

« Clément a roulé avec nous la moitié de l’été, il a participé à des projets assez importants. C’était un athlète extrêmement prometteur », a indiqué le président du club, Jean Beaudoin. Avant d’attaquer la montée, les cyclistes ont observé une minute de silence. Certains avaient déposé des fleurs à l’entrée de la voie, d’autres roulaient avec des gerbes accrochées à leur dos.

Les minutes précédant le départ étaient chargées d’émotion. Des proches et amis s’étreignaient pendant de longues secondes. Certains, le visage rougi, essuyaient leurs larmes. « C’est une question de soutien, de solidarité. Des mouvements de masse comme ça, c’est pour démontrer aux parents qu’on est là, parce qu’il n’y a pas beaucoup qu’on puisse faire », a confié une amie.

Les parents de Clément Ouimet étaient également sur place. Après le départ donné aux cyclistes, ils ont fait l’ascension à pied, accompagnés de plusieurs proches. L’humoriste Maxim Martin, qui a pris publiquement la parole depuis mercredi, était aussi aux côtés de sa fille, Livia, l’amie de cœur du jeune sportif depuis environ deux ans. La jeune artiste est montée à vélo.

La famille a choisi de vivre son deuil dans l’intimité, entourée des siens. La mère de Clément Ouimet, Catherine Bergeron, est bien connue pour avoir témoigné à plusieurs reprises à la mémoire des victimes de la tuerie de l’École polytechnique. C’est que sa sœur, Geneviève Bergeron, est tombée sous les balles de Marc Lépine, le 6 décembre 1989.

« Un membre de notre grande famille »

« Quand tu es maire de tous les Montréalais, il faut être présent dans les bons et moins bons moments. Je connais Catherine, Livia et Maxim [Martin], alors c’était la moindre des choses pour moi d’être ici », a déclaré le maire sortant, Denis Coderre, qui a participé à la marche jusqu’au belvédère. « De marcher, ça nous permet de réfléchir aussi à tout ce qui est arrivé. »

Le rassemblement a culminé dans le stationnement du lac aux Castors. Pendant un long moment, les proches ont étreint ceux qui s’étaient déplacés. « C’était un membre de notre grande famille », a affirmé Virginie Gauthier, entraîneuse du groupe Espoirs Élite Primeau Vélo. « [On est ici] pour que ça change, ça fait des années que ça devrait changer », a-t-elle ajouté, émotive.

La voie Camillien-Houde est prisée des cyclistes de haut niveau pour l’entraînement. Le soir, ils sont des dizaines à s’exercer sur cette route, « l’une des seules où ça grimpe et où il est possible de faire un effort assez long » sans arrêter. Vélo Québec réclame que le secteur soit fermé au transit de véhicules qui tentent d’échapper aux embouteillages.

Clément Ouimet descendait la voie mercredi quand il a percuté à vive allure une voiture qui effectuait un demi-tour dans un virage, une manœuvre illégale. Il est mort des suites de ses blessures quelques heures après l’accident.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.