OPINION BÉNÉVOLAT

Faisons entrer le bénévolat dans l’ère du numérique

Pour catalyser l’action sociale, le Canada a besoin d’une base de données centralisée

Étudier à Montréal – classée meilleure ville étudiante du monde – n’a rien d’exceptionnel. Pour certains, cependant, le périple qui les a menés ici est tout sauf banal.

La vie de Lana a changé dramatiquement quand elle a dû quitter son pays natal, la Syrie, à cause de l’intensification de la guerre civile. Avec des membres de sa famille, elle s’est installée tout près, en Jordanie, où elle a vécu trois ans. Au terme d’un exode transformateur et de huit mois d’intense préparation à l’Université Concordia, elle apprendra aujourd’hui qu’elle est admise dans un programme de grade en éducation artistique à la faculté des beaux-arts.

Quand Lana a touché terre à Montréal en septembre dernier, une scène réconfortante l’attendait. Un groupe de sympathisants était venu l’accueillir à l’aéroport international Pierre-Elliott-Trudeau. La chaîne de solidarité qui a porté Lana jusqu’ici compte de nombreux maillons.

Entraide universitaire mondiale du Canada s’occupe de jumeler de jeunes réfugiés avec les universités. Lana était la candidate parfaite. Les coûts de son voyage et de ses cours d’anglais de même que ses frais d’hébergement et de scolarité ont été couverts. Et cela, Lana le doit à ceux qui étaient prêts à donner de leur temps et à contribuer financièrement au fonds d’accueil de réfugiés syriens établi par les Beaux-arts en 2016.

À l’approche de la Semaine nationale de l’action bénévole, il est utile de se rappeler que si notre société est plus forte, plus généreuse et en meilleure santé, c’est grâce à la bonne volonté de gens ordinaires.

Et comme le montre l’histoire de Lana, diverses compétences sont recherchées, que ce soit pour enseigner l’anglais, faire valoir les droits des réfugiés ou recueillir des fonds.

À ce sujet, l’ancien président américain Barack Obama avait d’ailleurs dit dans un de ses discours : « Le changement survient quand des gens ordinaires se réunissent, s’impliquent, s’engagent. »

De nombreux Canadiens ont répondu à l’appel. Selon le site benevoles.ca, chaque année, 12 millions de nos concitoyens investissent en bénévolat un effort dont on estime la valeur à 14 milliards. Les Canadiens donnent en moyenne 154 heures de leur temps chaque année.

Mais par où commencer ? Comment trouver une occasion d’aider qui coïncide avec notre passion et nos capacités ? Malgré la présence de quelque 200 centres bénévoles à l’échelle du Canada, il n’existe au pays aucune base de données centralisée en ligne qui pourrait faciliter un jumelage efficace des bénévoles potentiels et des causes louables pouvant les intéresser.

La mise sur pied d’un système global permettrait de profiter de la connectivité numérique propre à la quatrième révolution industrielle.

Selon Klaus Schwab, fondateur du Forum économique mondial, nous sommes à l’ère où les frontières entre technologie, biologie et monde physique s’estompent de plus en plus. L’intégration est le mot d’ordre. Les notions d’heure et de lieu perdent en importance.

Reprenons l’exemple de Lana. Imaginez une base de données où les concepteurs de sites web pourraient se servir de leur téléphone intelligent pour énoncer leurs préférences en matière de domaines d’intervention – par exemple la crise des réfugiés syriens – et décrire leur expertise. Une base de données consolidée permettrait d’offrir aux bénévoles-utilisateurs des options cadrant avec leurs préférences, selon des paramètres qu’ils auraient eux-mêmes fournis au préalable – liberté à laquelle s’attendent les milléniaux et les enfants de la génération Z. Ce serait donc en quelque sorte un service de rencontres pour bénévoles.

Pour maximiser les retombées, il est utile de mieux connaître les motivations des bénévoles. Oui, Lana a profité de la bonté de purs étrangers, mais ces derniers en ont également retiré quelque chose. Des études ont montré que, dans 70 % des cas, c’est l’altruisme qui constitue le principal facteur de motivation. Reste toutefois une portion notable de bénévoles qui cherchent à parfaire leurs compétences et à rehausser leurs perspectives de carrière. Par ailleurs, selon les médecins, le bénévolat peut aider les membres de certains segments de la population – tendez l’oreille, collègues baby-boomers ! – à vieillir en santé. Ainsi, tout le monde y gagne.

Au cours de la prochaine décennie, la proportion de gens qui auront atteint ou franchi le cap des 65 ans – âge habituel de la retraite – dépassera 20 %. En matière d’usage de l’internet, ce groupe est en train de rattraper les générations plus jeunes. Près de 84 % des personnes de 45 à 64 ans vont sur le web – notamment au moyen d’appareils mobiles. Un outil numérique et personnalisable pour bénévoles connaîtrait sans aucun doute un franc succès auprès des baby-boomers, et non pas seulement auprès des milléniaux et de la génération Z.

Quelle que soit la cause choisie, le bénévolat permet de poursuivre la vénérable tradition de l’action sociale. Dans bien des cas, le don de temps améliore des vies et notre société.

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