ÉDITORIAL DÉMISSIONS AU CHUM

La gangrène

L’ingérence du ministre de la Santé, Gaétan Barrette, dans les affaires internes du CHUM a déclenché une crise de plus au sein de l’établissement. Mais la source du problème est ailleurs ; le climat y est vicié depuis trop longtemps.

Le comportement intempestif du ministre Barrette heurte le milieu de la santé. Il fonce tête baissée avec des réformes tous azimuts, témoignant de peu de considération pour les bouleversements qu’il provoque au passage.

On attend d’un ministre qu’il soit ferme et déterminé, mais il doit aussi se montrer rassembleur. L’attitude souvent vindicative du Dr Barrette provoque plutôt l’effet contraire.

Quand le bureau du premier ministre doit intervenir personnellement, comme on le voit actuellement, c’est généralement signe d’un problème.

Dans cette énième crise qui survient au CHUM, le ministre a piétiné le processus habituel en intervenant au-dessus du conseil d’administration, dont le mandat est pourtant de nommer les chefs de département. Cette ingérence suscite des interrogations légitimes au moment où la réforme des structures est en train de prendre place.

Cependant, le CHUM est plongé plus souvent qu’à son tour dans la tourmente, et c’est nocif.

Les différends et les chicanes de clocher perdurent depuis sa création, il y a près de 20 ans, à la suite d’une fusion forcée de trois hôpitaux. La valse-hésitation sur le choix d’un site et les délais pour lancer la construction du nouvel hôpital, la succession de directeurs généraux, les problèmes de gouvernance, les récriminations diverses et le déménagement à venir ont gangrené le climat. Deux enquêteurs viennent même d’être nommés pour faire la lumière sur la gestion médicale.

Le CHUM n’est pourtant pas le seul hôpital à vivre des tensions internes, mais parce que c’est le plus grand centre hospitalier du Québec, les crises prennent vite de l’ampleur.

Les médecins ont des velléités qui leur font parfois oublier le bien commun. Ce sont des travailleurs autonomes qui ne sont pas soumis aux mêmes règles que le personnel du réseau. Ils affirment qu’il n’y a pas de chicane, mais c’est bien la mésentente entre deux clans sur le choix d’un chef de département qui semble avoir incité le ministre à intervenir, déclenchant ainsi une crise.

À l’aube d’un déménagement majeur qui entraînera des perturbations évidentes, le CHUM a pourtant besoin de stabilité. Il semblait vivre une période d’accalmie, bienvenue après une administration difficile sous le règne de Christian Paire, puis la présence d’un accompagnateur pendant six mois.

En guise de solution, l’opposition réclame une commission parlementaire, mais c’est au CHUM de régler ses problèmes à l’interne. Quant au gouvernement, qui doit dans l’immédiat payer les pots cassés avec l’administration, il devra un jour entreprendre la nécessaire réflexion sur l’autonomie professionnelle des médecins.

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