Normes de consommation

Davantage de pollution pour sauver des vies ?

Au début du mois, Donald Trump a confirmé son intention d’annuler le resserrement des normes de consommation des véhicules imposées par l’Agenceenvironnementale américaine (EPA), prévu depuis 2012 par l’administration Obama. Si les effets de ce geste restent incertains, ils se feront toutefois assurément ressentir jusqu’ici.

De « CAFE » à « SAFE »

En 2012, le gouvernement américain avait décidé de suivre la Californie en imposant des normes qui, au plus tard en 2025, devaient réduire à 4,3 L aux 100 km la consommation moyenne de tout le parc automobile, incluant les VUS et les camionnettes. Ces normes, surnommées « CAFE » pour « Corporate Average Fuel Economy », forcent les constructeurs à respecter une consommation moyenne pour l’ensemble de leur gamme, plus sévère pour les voitures que pour les camions. En gelant cette norme au niveau prévu pour 2020, l’administration Trump détend sa cible à environ 6,5 L/100 km. Le gouvernement américain surnomme sa nouvelle norme « SAFE », pour « Safer Affordable Fuel-Efficient Vehicles Rule », et se donne 60 jours pour consulter les diverses parties impliquées avant de légiférer.

Une question de sécurité ?

Ce qui a tout l’air d’un recul sur une norme environnementale majeure aura des effets bénéfiques tangibles, assure la National Highway Traffic Safety Administration (NHTSA). L’autorité américaine du transport prévoit une économie de 500 milliards US en coûts sociétaux divers, et pense qu’elle sauvera 12 700 vies au cours des 10 prochaines années. La logique : en réduisant le fardeau technologique des constructeurs, ceux-ci pourront vendre des véhicules modernes à meilleur prix, accélérant le passage des consommateurs vers des modèles moins énergivores. Même si ces acheteurs troquent une voiture pour un VUS, assure Heidi King, directrice principale de la NHTSA. « En facilitant l’accès à des nouvelles technologies de consommation et de sécurité, nous serons en mesure de sauver des milliers de vies », a-t-elle écrit dans une note interne, plus tôt ce mois-ci.

Le Canada invité à imiter les États-Unis

Lundi dernier, la ministre de l’Environnement et des Changements climatiques, Catherine McKenna, a confirmé à son tour son intention de revoir les normes canadiennes prévues pour la période entre 2022 et 2025, et calquées sur celles qui étaient prévues aux États-Unis jusqu’ici. La révision était prévue depuis 2014, mais à l’époque, Ottawa ne pensait probablement pas avoir à les repenser sérieusement. Dans la foulée de cette annonce, l’Association canadienne des constructeurs de véhicules (ACCV), qui représente FCA, Ford et General Motors, a suggéré au fédéral de simplement s’aligner sur la nouvelle politique américaine. « Le Canada tirera plus de bénéfices environnementaux et de sécurité en accélérant le renouvellement de son parc à partir des véhicules neufs déjà existants », estime Mark Nantais, président de l’ACCV.

Moins d’électriques au catalogue

Pourtant, cet argument du prix d’achat moindre est hautement discutable. La renégociation de l’ALENA risque de faire grimper le coût de la production automobile. Et les opposants à la nouvelle norme SAFE rappellent que le coût d’achat plus élevé de véhicules moins énergivores peut être amorti en moins de trois ans et demi grâce à une consommation réduite en carburant. L’administration Obama prédisait d’ailleurs des économies de plusieurs milliards de dollars par année à la pompe. Dans tous les cas, les constructeurs pourront désormais se contenter d’améliorer légèrement leurs véhicules, en les allégeant, par exemple, plutôt que de les électrifier, estiment les analystes. « De toute façon, les études indiquent que pour faire le plein, les automobilistes sont prêts à payer ce qu’il en coûterait sans une intervention gouvernementale visant à améliorer l’efficacité de leurs véhicules », résume Peter Van Doren, analyste au CATO Institute, un groupe de réflexion américain de droite.

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