Sécurité internationale

Le poids de l’Occident diminue

Le monde serait-il plus sûr s’il était « désoccidentalisé » ? La question n’est pas utopique, puisque le poids économique et démographique des pays occidentaux diminue avec le temps. Des chercheurs de partout dans le monde ont discuté de cette possibilité, hier, lors de la quatrième édition du Forum St-Laurent, une rencontre qui réunit jusqu’à aujourd’hui, à Montréal, l’expertise francophone sur les enjeux de sécurité internationale. Aperçu.

Le miracle arménien

La grogne sociale qui a eu raison la semaine dernière du premier ministre Serge Sarkissian, en Arménie, est un bon exemple de ce qui arrive quand l’Occident n’est pas impliqué, selon Alexander Baunov, chercheur principal au Centre Carnegie de Moscou. Selon lui, c’est parce qu’il n’y a pas de présence occidentale en Arménie qu’il n’y a pas non plus de présence russe, et le résultat de ce « miracle arménien » est que « les mouvements démocratiques ne sont pas perçus comme des mouvements antirusses », ce qui permet d’éviter une escalade et une instrumentalisation du conflit.

Un poids qui diminue

Le poids économique du Groupe des Sept (G7) à l’échelle mondiale n’est déjà plus ce qu’il était : de 45 % lors de sa création dans les années 70, il est aujourd’hui de 31 %, d’après le Fonds monétaire international, a souligné le diplomate français Nicolas Chibaeff, qui animait les échanges. Citant le livre du diplomate singapourien Kishore Mahbubani, Has the West Lost It ? (L’Occident a-t-il perdu la bataille ?), il a également rappelé que le poids de ces sept grandes puissances économiques devrait continuer de baisser pour atteindre les 20 % à l’horizon 2050, alors que celui des cinq grandes puissances émergentes frôlera les 50 %.

Domination numérique

L’influence de l’Occident pourrait cependant ne pas décroître au même rythme que son poids économique et démographique. La domination des États-Unis dans le monde numérique est immense, a rappelé Gilles Olakounlé Yabi, fondateur et président du laboratoire d’idées citoyen WATHI de Dakar, au Sénégal, ce qui a « des impacts énormes, mais difficiles à saisir sur le continent [africain] », a-t-il expliqué, s’inquiétant de la faiblesse des États en développement dans ce domaine.

Défiscaliser le monde

Plutôt que de désoccidentaliser le monde, il faudrait surtout le « défiscaliser », croit Carlos Milani, professeur de relations internationales à l’Université d’État de Rio de Janeiro. La crise financière de 2008, qui a ébranlé la planète entière, n’est pas née « dans un pays en développement irresponsable », ironise-t-il, « mais bien au cœur du système financier international », les États-Unis.

« Si on veut être sérieux quand on parle de sécurité humaine, il faut toucher ces questions centrales que sont les crises financières [qui sont pourtant absentes du discours occidental]. »

— Carlos Milani, professeur de relations internationales à l’Université d’État de Rio de Janeiro

Le principe du tonneau

Pour continuer à jouer un rôle mondial, les pays occidentaux doivent comprendre qu’ils ne détiennent pas la vérité absolue, pense Carlos Milani, selon qui « l’Occident a du mal à reconnaître le contexte politique, social et culturel de l’autre, comme si le monde ne pouvait pas exister en dehors d’un schéma occidental ». L’Occident doit apprendre le « principe du tonneau », ajoute Er Che, professeur à l’Université de Pékin : « Ce n’est pas la planche la plus grande qui permet de contenir l’eau, c’est la planche la plus courte, donc il faut aider les pays sous-développés à leur façon, pas à la nôtre. »

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