L’enseignante Kathya Dufault, qui a dénoncé publiquement les conditions de travail dans lesquelles elle exerçait son métier, a reçu l’appui de nombreux collègues et syndicats d’enseignement, hier. La commission scolaire de la Seigneurie-des-Mille-Îles (CSSMI) nie toutefois vouloir la congédier parce qu’elle a parlé à un journaliste.
Kathya Dufault est cette enseignante de Rosemère qui, en octobre, a confié au chroniqueur de La Presse Patrick Lagacé les raisons pour lesquelles elle souhaitait quitter la profession, citant notamment le manque de ressources et la gestion de plus en plus difficile d’élèves avec des troubles d’apprentissage ou de comportement.
La commission scolaire qui l’emploie lui a récemment fait parvenir une « intention de résiliation d’engagement », soit « une façon polie de dire qu’on veut la congédier », dit l’avocat du Syndicat de l’enseignement des Basses-Laurentides, Bernard Provencher.
« Ils ont repris chacun des paragraphes de l’article de Patrick Lagacé et les ont décortiqués. Ils en font des allégués qui vont servir à démontrer un manque de loyauté. Ce sera à eux de faire la preuve. »
— Bernard Provencher, avocat du Syndicat de l’enseignement des Basses-Laurentides
C’est faux, affirme la commission scolaire. Dans une déclaration transmise aux médias par courriel, la directrice des communications soutient que « ce n’est pas la libre expression qui est en cause dans ce dossier ».
« Jamais aucun employé de la CSSMI n’a été congédié pour avoir parlé aux médias, écrit France Pedneault. […] Nous pouvons simplement dire que si l’ensemble des éléments de ce dossier avait été partagé publiquement, cela aurait suscité bien moins d’intérêt. »
La CSSMI a-t-elle une autre raison de vouloir congédier Kathya Dufault ? Notre question est demeurée sans réponse.
Tant dans les rencontres avec l’employeur que dans les documents qui ont été remis à l’enseignante, le « lien de confiance » entre l’employée et la commission scolaire, le tort fait à l’école secondaire où elle travaillait et les propos qu’elle avait tenus dans les médias ont été évoqués, soutient l’avocat de l’enseignante.
« À moins que je sois un imbécile fini, avec ce que j’ai devant moi, rien ne me permet de penser que Mme Dufault cache des choses », dit Bernard Provencher.
« Les enfants n’ont pas les services auxquels ils ont droit »
Hier midi, quelques dizaines de manifestants se sont réunis devant les bureaux de la CSSMI à Saint-Eustache pour offrir leur appui à Kathya Dufault. Celle-ci était présente à la manifestation organisée par son syndicat, mais ne parle plus aux médias.
Une enseignante en adaptation scolaire de cette même commission scolaire a décrié le manque de services pour ses élèves.
« On le vit dans toutes les classes. Les enfants n’ont pas les services auxquels ils ont droit. Si les parents connaissaient les conditions dans lesquelles sont leurs enfants, je pense que plusieurs d’entre eux seraient ici aujourd’hui pour réagir. »
— Julie, qui n’a pas voulu donner son nom de famille par peur de représailles
Un enseignant de la commission scolaire Marguerite-Bourgeoys qui a aussi refusé de s’identifier partage le même avis. « Tout le monde se voit dans ce qu’elle a décrit », a-t-il dit.
La présidente de l’Alliance des professeures et professeurs de Montréal, qui représente près de 10 000 enseignants de la Commission scolaire de Montréal, dit que ses membres ont toujours peur de subir des représailles en dénonçant des situations vécues dans les écoles.
« On ne peut pas taire la réalité des enseignantes et des enseignants. Il faut comprendre pourquoi ils sont à bout, pourquoi les conditions d’apprentissage des élèves sont compromises. On ne peut pas taire ça, l’école publique appartient à tous les citoyens et les citoyennes », dit Catherine Renaud.
L’avocat de Kathya Dufault s’attend à ce que la direction générale de la CSSMI entérine le congédiement de l’enseignante d’ici au 16 décembre. « Ils vont procéder au congédiement de madame, je vais contester par grief, et on va se retrouver devant le tribunal en septembre prochain », dit Bernard Provencher. En attendant de connaître son sort, l’enseignante travaille dans une librairie.