Éditorial : Remaniement ministériel à Ottawa

Province cherche lieutenant

Le Québec n’était déjà pas dans les priorités à Ottawa. Il risque de l’être moins encore à la suite du jeu de chaises musicales auquel Justin Trudeau a convié son équipe, hier.

Plusieurs ministres ont réussi à changer de place lors de l’exercice, mais trois ministres n’ont pu se rasseoir, dont le poids lourds Stéphane Dion.

On peut certes deviser sur les raisons qui ont mené à la brutale expulsion de ce dernier 14 mois après les élections, reste que le Québec perd ainsi son ministre le mieux placé au cabinet.

Et c’est loin d’être une mince perte pour une province qui a trop souvent semblé inaudible au sommet du pouvoir fédéral ces derniers mois…

Le gouvernement Trudeau a effectué seulement le quart de son mandat, et déjà, la liste des dossiers dans lequel il est en porte-à-faux avec le Québec est étonnamment longue.

Il y a Aveos, la voie de contournement à Mégantic et le traitement préférentiel réservé à Muskrat Falls. Il y a ces dossiers où les compétences du Québec ont été foulées, comme les transferts en santé et la protection des consommateurs face aux banques. Et il y a ces enjeux d’importance où les appels du pied du Québec ne semblent même pas se rendre à Ottawa, comme la sélection des sénateurs et l’aide à Bombardier, toujours pas réglée en 2017 !

Autant d’enjeux où le gouvernement manque à l’appel, traîne les pieds ou contredit son « fédéralisme d’ouverture ». Il y a bien sûr quelques dossiers qui ont été réglés à la faveur du Québec, comme la lutte climatique, l’aide à Radio-Canada et les investissements en infrastructures, mais ils sont plus rares que l’inverse.

Certains indices laissent d’ailleurs croire que le Québec est dans l’angle mort d’Ottawa. L’absence de tout représentant fédéral à la dernière annonce sur le train électrique de la Caisse de dépôt, par exemple. Ou le fait que l’important dossier de Bombardier soit piloté par un ministre ontarien plutôt que par Marc Garneau, pourtant responsable des Transports.

Or Stéphane Dion n’était peut-être pas membre du cercle restreint de Justin Trudeau, il était néanmoins l’unique ministre québécois fort d’une expérience ministérielle, le seul qui pouvait frapper à la porte du bureau du premier ministre au besoin, le seul qui ressemblait à un lieutenant du Québec.

Et par l’importance de ses responsabilités, M. Dion avait une voix, un pouvoir d’influence auprès de ses collègues du cabinet que n’ont pas Marc Garneau et Mélanie Joly. Un pouvoir, d’ailleurs, que n’aura pas non plus le nouveau venu François-Philippe Champagne, qui s’occupera d’un ministère de moindre importance.

Le passé nous montre à quel point ce sont les provinces les mieux représentées au cabinet qui tirent leur épingle du jeu, les villes aussi d’ailleurs.

Montréal a reçu une pluie de dollars pour son 350e anniversaire grâce à sa forte présence au sein du cabinet Mulroney. La ville de Québec a eu droit à plus d’infrastructures qu’elle peut en entretenir grâce à Jean Marchand, « colombe » de Trudeau père. Et l’Ouest a profité à plein de l’élection des conservateurs de Stephen Harper.

On aurait pensé, avec l’élection d’un fort contingent de députés québécois, que le premier ministre aurait été sensible, à tout le moins, aux demandes du Québec. Au contraire, son entourage et lui ont choisi de garder une distance avec la province. Une distance qui s’est accentuée hier.

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