Mon clin d’œil

C’est plus payant pour Hillary Clinton d’écrire des livres que des courriels.

CHRONIQUE SYSTÈME DE SANTÉ

Enfin, le CHUM

Dimanche, il s’est passé quelque chose d’important pour Montréal. Après des années de tribulations, le nouveau Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM) au centre-ville, ce grand complexe hospitalier ultramoderne, a enfin été inauguré. Enfin.

Ce n’est pas rien. Avec cet hôpital intelligent, qui s’ajoute à l’autre grande institution, le Centre universitaire de santé McGill (CUSM), Montréal se retrouve, pour un certain temps du moins, à être l’une des villes du monde les mieux dotées en termes d’infrastructures hospitalières de pointe. 

C’est un progrès significatif pour le système de santé et pour les soins, c’est aussi un ajout extrêmement structurant pour la métropole, tant pour sa modernité que sa qualité de vie.

Ce qui m’a étonné, c’est la relative indifférence avec laquelle cela été accueilli. Pas de grosses manchettes, sauf, paradoxalement, dans The Gazette, qui a traité en première page l’inauguration de cet hôpital francophone.

À bien des égards, je peux comprendre pourquoi. On a tellement parlé et écrit sur ce que serait le CHUM qu’il ne reste peut-être plus grand-chose à dire. L’inauguration de dimanche n’était qu’un événement protocolaire.

Et surtout, le cheminement a été si long et si acrimonieux que l’émerveillement a été émoussé. J’ai écrit mon premier texte sur le sujet en… 1994 ! C’était l’Université McGill qui avait eu la vision de fusionner ses hôpitaux universitaires et de les remplacer par un superhôpital. Le gouvernement du Québec et l’Université de Montréal ont suivi le mouvement avec retard. Il a fallu presque un quart de siècle de tiraillements, d’abord, pour les fusions d’hôpitaux, tant chez les anglophones que chez les francophones, une bataille épique pour le choix d’un lieu, une autre sur le mode de construction en PPP, sans compter les retards, les dépassements de coûts, les crises internes au CHUM et la fraude au CUSM. Mais de tels incidents ne sont sans doute pas exceptionnels pour des projets aussi colossaux. Et ce n’est sans doute pas terminé, car il faut maintenant remplir le CHUM, le faire fonctionner, maîtriser ses technologies.

Mais à mon avis, il y a un autre élément qui explique la tiédeur de l’accueil, un signe des temps, la désillusion et la méfiance à l’égard de ce que fait l’État et le monde politique. Ce qui se double, dans le cas de Montréal, d’une morosité qui ne s’efface pas même si la situation ne le justifie plus. Une espèce de cercle vicieux qui fait en sorte que la métropole ne peut pas compter sur la cohésion, la fierté collective et l’enthousiasme dont elle a besoin pour son essor. On l’a vu avec l’autre grand chantier, le Réseau électrique métropolitain.

Il ne s’agit pas d’être bêtement jovialiste. Mais une ville, pour progresser, doit aussi miser sur ses succès. Ce n’est pas possible avec une culture de la baboune. Pour bâtir sur des succès, il faut d’abord être capables de les reconnaître et ensuite de les célébrer.

Il faut « tripper » sur sa ville, se réjouir de ce qui s’y fait de bien.

Cette attitude négative, on l’a vue à l’œuvre récemment avec deux incidents politiques, la sortie de l’ex-chef de Projet Montréal, Luc Ferrandez, qui a comparé le maire Denis Coderre à Kim Jong-un dans le dossier du vélo, et celle de l’avocate Anne-France Goldwater qui, en annonçant son appui à la nouvelle chef du même parti, Valérie Plante, a comparé la gestion de la ville à celle de la Corée du Nord – un thème semble-t-il récurrent – et décrit Montréal comme une ville du tiers-monde. Ce ne sont pas les critiques envers le maire qui me dérangent, aussi ridicules soient-elles, mais le message malsain que ça envoie aux Montréalais, un portait déformé et débilitant de leur ville.

Voilà pourquoi ça vaut la peine de répéter pourquoi l’investissement de 3,6 milliards dans cet hôpital est structurant pour Montréal.

D’abord, au point de vue strictement médical, une amélioration des soins pour les Montréalais et l’ensemble des Québécois, grâce à ses technologies de pointe, mais aussi grâce à la rencontre entre l’architecture et le progrès des connaissances en médecine, qui mène à un environnement plus intelligible pour les patients et surtout, un aménagement plus propice à la guérison, par exemple les chambres individuelles et la fenestration.

Sur le plan urbanistique, cet énorme projet renforcera le centre-ville de l’Est, tout en nous rappelant l’apport durable de l’architecture au développement d’une ville. Sur le plan économique et scientifique, cet hôpital d’enseignement et de recherche, à la fine pointe des progrès technologiques, servira aussi de levier pour le développement des sciences de la vie, l’une des grappes qui font la force de la métropole.

Les équipements collectifs jouent un rôle important pour façonner l’image d’une ville, la rendre plus attrayante et soutenir son potentiel de développement. Le CHUM et le CUSM vont jouer ce rôle pour Montréal, en servant le développement économique par leur modernité et en améliorant la qualité de vie.

Le CHUM en quelques dates

1994 McGill propose de fusionner ses hôpitaux universitaires et de les remplacer par un superhôpital.

2000 Annonce par le premier ministre Lucien Bouchard d’un superhôpital pour le CHUM sur un site à Rosemont.

2004 Vif débat politique sur la proposition de l’Université de Montréal de construire le CHUM sur le terrain de la gare de triage d’Outremont.

2005 Le gouvernement Charest cède aux pressions du ministre de la Santé Philippe Couillard et choisit le centre-ville, sur le site de l’hôpital Saint-Luc.

2006 Lancement des projets du CHUM et du CUSM en mode PPP par le gouvernement Charest.

2017 Inauguration du CHUM.

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