SOCIÉTÉ

Le langage des signes, un GIF à la fois

Depuis plusieurs semaines, on retrouve systématiquement des GIF animés en langue des signes, parmi les plus partagés à partir du site GIPHY. D’où cela vient-il et est-ce pertinent ?

Le site GIPHY, visité par 300 millions d’utilisateurs chaque jour, est témoin d’un phénomène singulier : depuis plusieurs semaines, parmi les GIF les plus populaires, on en retrouve en langue des signes.

En cherchant, on se rend compte que des centaines de GIF en langue des signes ASL (American Sign Language) sont offerts sur GIPHY. Dont une série complète qui met en scène l’acteur Robert DeMayo et qui couvre différents aspects du vocabulaire courant (les couleurs, le langage scientifique, le nom des animaux, etc.). Ils sont d’une facture très sobre.

« À la demande de GIPHY, nous leur avons envoyé quelques centaines de clips que nous utilisons pour Sign with Robert, une série de capsules servant à apprendre l’ASL », explique la productrice Hilari Scar.

La vedette

Toutefois, les GIF en langue des signes les plus populaires sont sans conteste ceux de l’acteur et mannequin Nyle DiMarco. Le mannequin ne se gêne pas pour profiter de ses atouts et ses expressions sont souvent plus originales, voire croustillantes.

L’histoire de ce malentendant est d’ailleurs particulière. Il fait partie de la quatrième génération de sourds de sa famille. Au total, ils sont 25 dans son cercle familial élargi à être malentendants.

Cela ne l’a pas empêché de remporter deux émissions de télé populaires aux États-Unis, dont une de danse : America’s Next Top Model en 2015 et Dancing with the Stars en 2016. Sa popularité se reflète sur les réseaux sociaux avec près de 1 million d’abonnés sur Facebook et 1,7 million sur Instagram. Celui qui affirme avoir « une sexualité fluide » est d’ailleurs considéré comme un ambassadeur par la communauté des sourds et LGBT.

Des GIF utiles ?

Mais au-delà du vedettariat et de l’aspect amusant de ces GIF, sont-ils vraiment utiles ?

Selon ce qu’a pu voir Daniel Forgues, président-directeur général de la Fondation des sourds du Québec, les GIF présentés sur GIPHY sont justes. « Dans les deux cas, c’est bien fait. On ne peut malheureusement pas les utiliser ici, car ce n’est pas la même langue. » Par ailleurs, quelques centaines de GIF seulement sont proposés par GIPHY.

« Pour être en mesure de bien communiquer, cela prend environ 5000 signes », poursuit Daniel Forgues. Il reconnaît toutefois l’impact positif qu’une telle exposition peut avoir sur la communauté des malentendants. « C’est une bonne idée qui n’a pas encore été reprise ici. »

GIF et pédagogie

La nature même du GIF en fait l’outil parfait pour communiquer, à la condition d’être bien utilisé. « L’intention pédagogique doit être claire. Sinon, ça peut devenir une source de distraction », explique Eric Morissette, professeur adjoint praticien au département d’administration et fondements de l’éducation de la faculté des sciences de l’éducation de l’Université de Montréal.

« L’utilisation de GIF va favoriser l’apprentissage, car il y a une répétition, et la répétition aide la mémoire à long terme à s’approprier des concepts. »

— Eric Morissette

L’expert considère par ailleurs que le pictogramme s’approche du GIF, mais avec une notion d’information en plus. « Les psychoéducateurs qui travaillent avec des enfants qui ont un trouble de l’attention ont des procédures dans lesquelles ils utilisent des pictogrammes pour informer rapidement le cerveau de l’enfant du geste à faire. Il y a donc de beaux liens avec le GIF animé soutenu par une intention pédagogique. Quand il y a des applications pour des enfants qui ont de la difficulté à communiquer, c’est encore mieux si c’est animé ! », résume le professeur.

Alors que normalement les interprètes en langue des signes évitent les maquillages et les vêtements flamboyants, à la façon des GIF sobres de Robert DeMayo, ceux de Nyle DiMarco sont plus clinquants.

Cette approche décontractée peut-elle pervertir l’approche pédagogique ? Pas forcement, selon Eric Morissette. « Pour l’avoir essayé auprès d’enfants avec des affiches et pictogrammes plus colorés, j’ai constaté qu’il peut y avoir des bénéfices à mettre plus d’artifices. Dans ce cas, ça rendait l’utilisation d’un protocole plus attirant. Il ne faut toutefois pas que le contenant devienne plus important que le contenu. »

Source : expandedramblings.com

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