Queues de castor

40 ans de plaisir coupable

La seule évocation des Queues de castor a le pouvoir de nous plonger dans l’enfance et de raviver, au passage, des souvenirs de vacances et de parc d’attractions. Quatre décennies après sa création, la célèbre pâtisserie connaît un essor sans précédent dans son histoire. Qu’est-ce qui en fait le charme ?

En 1978, BeaverTails lançait modestement cette nouveauté qui, malgré des débuts lents, a réussi à se faire connaître jusqu’en Arabie saoudite. Nouveauté ? Pas tout à fait. Enfant, le fondateur de l’entreprise, Grant Hooker, en mangeait déjà le samedi matin, alors que sa mère cuisinait ce « déjeuner spécial » nappé de sirop d’érable et embaumait ainsi la maison de parfums sucrés.

Sa recette gourmande s’est transmise de mère en fils jusqu’à la génération suivante. C’est la fille de Grant, alors âgée de 6 ans, qui a fini par donner son nom au pain frit après avoir observé qu’il avait la forme de l’appendice du castor, nommé à la même époque (1975) emblème officiel du Canada. Les conditions étaient réunies pour songer à en faire commerce.

Avec sa femme, Grant commence à vendre ses pâtisseries dans la région d’Ottawa, puis ouvre un premier magasin au Marché By, dans la capitale nationale, en 1980. Six ans plus tard, la petite entreprise ose un deuxième commerce au Québec, cette fois, sur l’emplacement de La Ronde.

Une histoire de famille

Pino Di Ioia, alors étudiant, y trouve un emploi d’été. Il a 18 ans et est chargé de faire mousser les ventes en donnant des échantillons aux visiteurs du populaire parc d’attractions. « À l’époque, je peux vous garantir qu’on en donnait pas mal plus qu’on en vendait », dit-il en riant. Il décèle malgré tout un avenir prometteur pour cette pâtisserie qui suscite de plus en plus d’intérêt.

Dès sa maîtrise en administration des affaires terminée, il fait l’achat de ce magasin – toute première franchise de BeaverTails – avec deux collègues, son frère jumeau et celle qui deviendra sa femme. « Chaque année, les ventes montaient. On sentait la magie et on pouvait voir qu’il y avait plus à cette histoire », se rappelle l’homme d’affaires, maintenant âgé de 48 ans.

Le dynamique trio achète progressivement plusieurs franchises au Québec et se voit confier la gérance de l’entreprise en 2001, alors qu’elle traverse des moments difficiles. La société mère est alors déménagée à Montréal et huit ans plus tard, Di Ioia et ses partenaires en deviennent propriétaires.

En pleine expansion

« C’est une machine qui roule. Présentement, on ouvre une franchise toutes les deux semaines, affirme Pino Di Ioia. L’entreprise compte 148 succursales dans le monde, réparties entre les unités mobiles, les stands et les magasins BeaverTails – Queues de castor au Québec – ou moozoo, une chaîne de comptoirs de jus et smoothies dont l’entreprise a fait l’acquisition et qui vendent aussi les petits pains frits sucrés.

« Depuis les quatre dernières années, on sent un essor », affirme le PDG. Le marché québécois est saturé, dit-il, mais ailleurs, l’intérêt est présent, particulièrement dans l’Ouest canadien et aux États-Unis, où l’entreprise fait apparemment une percée fulgurante.

Près de 10 millions de queues de castor sont vendues chaque année dans le monde, selon BeaverTails :  en tête de liste, la classique cannelle et cassonade, et ses déclinaisons au citron ou à la pomme, ainsi que la chocolat noisette. À La Ronde, où l’on compte maintenant neuf points de vente, Queues de castor se classe parmi les commerces qui ont les meilleures ventes, avec McDonald’s.

Quand le charme opère

Pino Di Ioia est conscient que le succès de sa pâtisserie ne repose pas uniquement sur son goût, quoiqu’il soit universel, comme celui des beignes. « On ne prétend pas que c’est quelque chose qu’on peut se permettre de manger tous les jours », convient-il. Avec 385 calories dans le cas de la Classique et 572 calories pour l’Avalanche, la plus riche (fromage sucré, s’more et caramel), Queues de castor est un dessert d’occasion.

Son charme réside ailleurs, selon Di Ioia. BeaverTails, qui est maintenant une marque de commerce protégée, est seule à exploiter ce créneau. Elle mise également sur son image canadienne, vendeuse et respectée à l’étranger, et sur son aspect artisanal, puisque les boules de pâte, bien qu’elles soient fabriquées de manière industrielle au Québec, sont étirées à la main et frites sur place.

Toutefois, son principal charme tient de la stratégie d’expansion de l’entreprise, estime Di Ioia. Queues de castor est présente exclusivement dans des endroits touristiques. « Les gens vont souvent se souvenir de ces endroits et des plaisirs qu’ils se sont offerts, et vont le transmettre ensuite aux générations suivantes. »

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.