Médecine de proximité

Être ouvert à plusieurs solutions

J’ai été surpris par les commentaires faits par le Dr Gaétan Barrette à la suite de la retraite du Dr Marcel Éthier, qui a été pendant plus de 20 ans le médecin de L’Isle-aux-Coudres. Le ministre aurait suggéré qu’une telle pratique dans le futur ne serait pas souhaitable.

Heureusement, deux jours plus tard, il y avait la lettre du Dr Gilles Julien publiée dans La Presse+ (le 21 novembre) qui apportait son support à la pratique d’une médecine de proximité.

Comme économiste, je suis toujours impressionné par la diversité de la taille des entités qui produisent des biens et des services. Il y a des entreprises de très grande taille, de taille moyenne et de très petite taille. Certaines emploient des milliers de travailleurs, certaines, une cinquantaine et d’autres, un seul. 

Cette diversité dans la taille est reliée à de nombreux facteurs, dont (1) le besoin de réaliser des économies d’échelle avec une plus grande taille, (2) le désir d’entrepreneurs d’avoir un meilleur contrôle sur un marché ou sur leurs chaînes d’approvisionnement, (3) la stratégie d’opérer sur un grand marché de consommateurs, ou sur un marché plus petit, (4) et le choix des entrepreneurs de se restreindre à une gamme plus petite de produits ou à une façon de faire les choses plus personnelle ou à un temps de travail plus limité pour avoir plus de temps pour d’autres activités. 

Cette grande diversité engendre de nombreux effets positifs pour les consommateurs et les entrepreneurs. C’est aussi une des raisons pour lesquelles il est important que nos gouvernements mettent en place des mesures pour favoriser la concurrence et pour lutter contre la création de monopoles et d’oligopoles.

Même si une administration publique (un gouvernement, une municipalité, une société d’État ou une agence gouvernementale) préconise certains types d’entités pour offrir des services à la grande majorité de la population, ses gestionnaires doivent demeurer ouverts à d’autres types d’entités pour mieux desservir des groupes de citoyens qui ont des besoins particuliers ou sont dans des situations particulières. 

Par exemple, dans le système public de santé, un gouvernement peut préconiser la création de quelques grands hôpitaux universitaires, d’hôpitaux régionaux et de groupes de médecine familiale. Cependant, le choix d’une telle structure ne devrait pas empêcher la mise en place d’autres types de points de services pour répondre à des besoins particuliers. Par exemple, une telle approche permet de valoriser la médecine de proximité et d’offrir des services dans les régions plus éloignées et peu densément peuplées (comme L’Isle-aux-Coudres) et à des clientèles particulières (comme les résidents des CHSLD).

Exclure divers types de redditions de services sous prétexte qu’on ne trouvera pas d’entrepreneurs ou de travailleurs pour ces différentes façons de faire est une excuse trop facile.

Le Dr Éthier était un cas d’exception et il y en aura d’autres. En fait, une des tendances observées ces deux dernières décennies dans le marché du travail est une plus grande diversité dans l’offre de travail. Il y a beaucoup de travailleurs autonomes, une plus grande diversité d’arrangements quant à l’horaire (à plein temps, à temps partiel), un désir de faciliter la conciliation travail-famille, la retraite progressive et la poursuite d’études…. Si on ne cherche pas et si on ne valorise pas, on ne trouvera pas ou on ne favorisera pas l’émergence de telles solutions particulières.

Moins éloignés qu’avant

Enfin, j’aimerais souligner à quel point, à cause des nouvelles technologies, il est possible d’avoir des entrepreneurs de petites entités de production, ou des travailleurs autonomes, répartis sur tout le territoire qui fonctionnent très bien, qui poursuivent leur formation et qui sont en contact avec des fournisseurs, avec leurs clients, avec des collègues et avec d’autres entités. Et tout cela, à un coût très faible. Par exemple, un médecin, un traducteur et même un économiste qui sont relativement éloignés des grands centres urbains sont beaucoup moins éloignés sur le plan professionnel qu’ils ne l’étaient il y a plusieurs décennies.

En somme, les grands gestionnaires de l’État, qui préconisent une certaine structure de production pour offrir des services à la population, doivent demeurer ouverts à la possibilité d’accepter et même de supporter certaines solutions pour répondre à des besoins particuliers. Peut-être que ces façons différentes de servir la population permettront d’améliorer ces services. On a souvent besoin d’un plus petit que soi.

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