Train de vie Perspective

La location de propriété avec option d’achat

Johanne rêve d’acquérir un condo, même si sa situation financière est instable. Elle disposera tout de même d’une somme pour la mise de fonds. La location avec option d’achat serait-elle une solution ? Révision (critique) du principe.

TROIS FORMULES

Entente directe entre le locataire-futur acheteur et le propriétaire-vendeur

L’entente inclut un bail et un contrat pour l’option d’achat. Consultez un juriste – avocat ou notaire – avant de vous engager.

Location avec option d’achat d’un condo neuf auprès du promoteur

« Est-ce qu’on paie le juste prix ? s’interroge Me Yves Joli-Cœur, du cabinet De Grandpré Joli-Cœur, spécialiste en copropriété. Si le locataire exerce son droit d’achat, aura-t-il la possibilité de vérifier la qualité de l’administration ? »

Location-achat d’une propriété avec intermédiaire

L’intermédiaire achète la propriété et la loue au futur acheteur, avec option d’achat. Ce service vise les propriétaires en difficulté financière et les acheteurs qui n’ont pas accès pour l’instant aux prêts hypothécaires ordinaires.

Les firmes spécialisées semblent se multiplier. Une rapide recherche sur l’internet fait apparaître une dizaine de sites qui proposent des services de location de maison avec option d’achat. Certains sont liés entre eux.

Quelques-uns ne montrent aucun numéro de téléphone : le seul moyen de communication est une adresse courriel ou un formulaire d’inscription.

« Sur un des sites, je lisais que vous n’avez pas à débourser pour payer les taxes municipales et scolaire. C’est inclus dans le loyer ! Est-ce qu’ils prennent les gens pour des idiots ? », s’insurge Guylaine Lafleur, notaire et planificatrice financière chez Bachand Lafleur Groupe Conseil.

COMMENT ÇA FONCTIONNE ?

Quel est le principe d’une location/achat avec intermédiaire ? Prenons l’exemple de Devenir Proprio, l’entreprise de Joffrey Bélanger, qui pratique cette activité depuis 2012. « Nous avons fait 23 transactions en deux ans », confie-t-il.

Ses services s’adressent aux futurs propriétaires qui ont difficilement accès à un prêt standard : nouveaux arrivants, divorce, faillite ou proposition de consommateur au cours des dernières années…

« Ils ont souvent la mise de fonds pour acheter, mais ils n’ont pas le crédit adéquat pour passer à la banque. »

— Joffrey Bélanger, dirigeant de Devenir Proprio

L’entreprise achète la propriété et la loue au client pour une durée de un à trois ans, au terme de laquelle celui-ci peut la racheter à un prix fixé au départ.

« Le terme est prédéfini par un courtier hypothécaire qui analyse le dossier, pour savoir de combien de temps ils vont avoir besoin pour rebâtir leur crédit et leur situation financière et être aptes à un rachat. »

Le prix de rachat est basé sur la valeur actuelle de la propriété, plus une plus-value annuelle estimée en fonction de son marché – environ 2 % par année, dit-il. « Pour faire notre profit, il faut acheter à rabais. Celui qui paie notre profit, c’est le vendeur motivé qui vend sa maison ou son condo en bas de son évaluation marchande, pour que nous soyons en mesure de la vendre à sa valeur marchande au client qui est dans le besoin. »

La propriété doit donc répondre aux critères de l’entreprise.

Le client doit faire un dépôt initial, calculé en fonction du risque qu’il représente. Il équivaut généralement à environ 5 % de la valeur de rachat. Cette somme sera appliquée en mise de fonds lors du rachat.

Le locataire paie un loyer. « En fonction du prix de rachat, je calcule, avec un intérêt de 4 %, en incluant taxes municipales, scolaire et assurances, combien ça va leur coûter lorsqu’ils achèteront la propriété dans deux ans. » Il suppose un amortissement de 25 ans et il tient compte de la prime de l’assurance prêt hypothécaire de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL). « Comme s’il achetait. »

Son hypothèse : le locataire fait ainsi, aux yeux de son futur prêteur, la preuve de sa capacité à soutenir une hypothèque et ses frais afférents.

De cette mensualité, une part sera applicable à la mise de fonds pour l’achat final. « Ce montant varie selon la mise de fonds de départ, la mise de fonds totale qu’il faut accumuler, et dépend aussi du terme de location. »

Les coûts d’entretien de la propriété sont à la charge du locataire. « Ils font faire une inspection au départ et ils décident si la propriété leur convient. » L’inspection de la propriété et l’évaluation de sa valeur sont payées au départ par le locataire.

La mise de fonds – ou la garantie, si vous préférez – est perdue si l’option d’achat n’est pas exercée. Tout comme les mensualités, bien sûr.

Exemple de contrat de location avec option d’achat après un an

Valeur marchande de la propriété au moment de l’achat : 260 000 $

Prix d’achat par l’intermédiaire : 239 900 $

Prix de revente après un an si le locataire exerce son option d’achat : 269 100 $ (plus-value sur un an : 3,5 %)

Dépôt initial applicable à la mise de fonds si l’option d’achat est exercée : 10 000 $

Mensualité : 1675 $

La mensualité inclut : 

• capital et intérêts calculés avec un taux de 4 % et un amortissement sur 25 %

• l’impôt foncier municipal et la taxe scolaire

• l’assurance habitation

Sur la mensualité, une somme de 290 $ sera applicable à la mise de fonds si l’option d’achat est exercée (3480 $ après 12 mois).

Mise de fonds accumulée après 12 mois : 13 480 $ (3480 $ + 10 000 $), soit 5 % du prix de rachat

Cette somme est perdue si l’option d’achat n’est pas exercée.

Source : Devenir Proprio inc.

COMPARAISON

En supposant un appartement loué 900 $ par mois pendant un an, le locataire aurait pu épargner 775 $ par mois (1675 $-900 $), soit 9300 $ après un an plutôt que 3480 $. Sans risque.

La question : pourquoi est-il si urgent d’emménager ?

QU’EN PENSENT-ILS ?

Le président de l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ), Robert Nadeau, rappelle d’abord les responsabilités des courtiers et agents immobiliers.

« Ils ont l’obligation déontologique de révéler leur qualité de courtier à tout intervenant, donc au locataire possible. Ils ne peuvent pas agir comme intermédiaires pour le locataire ni pour le vendeur. S’ils sont intéressés à acheter l’immeuble eux-mêmes, il y a conflit d’intérêts. »

Peut-être le consommateur a-t-il certaines garanties ?

M. Nadeau se montre très circonspect à l’endroit des services de location avec option d’achat. Il a jeté un coup d’œil sur quelques sites. « Je n’aime pas quand il est dit qu’on perd tout si on n’exerce pas son option d’achat. Pour moi, c’est surligné en rouge.

« À défaut, poursuit-il, je dirais à ces locataires-acheteurs d’aller au moins chercher un courtier pour négocier. Sinon, qu’ils fassent examiner auparavant la portée juridique de ce qu’ils vont signer par un notaire ou un avocat. »

« Ça s’adresse à des gens vulnérables, conclut-il. J’ai beaucoup de réserves. »

L’OACIQ confirme – sans vouloir donner plus de détails – que des plaintes ont été déposées à propos de la location avec option d’achat.

L’AVIS D’UN PLANIFICATEUR

Sylvain Tremblay, vice-président du conseil de l’Institut québécois de planification financière et vice-président, gestion privée, chez Optimum gestion de placement, fait également quelques mises en garde.

Dans le cas d’une location de condo neuf avec option d’achat, il recommande de ne faire affaire qu’avec des promoteurs sérieux, à la réputation bien établie, et de consulter un notaire compétent.

Il s’inquiète par ailleurs de la situation budgétaire du locataire-acheteur.

« Pour quelqu’un qui n’est pas capable de bien gérer son budget, s’embarquer dans une structure de financement comme celle-là, ce n’est pas plus avantageux que de s’acheter un condo quand tu n’as pas les moyens de t’en acheter un. »

Enfin, attention aux services d’intermédiaires. « Je serais prudent. Il faudrait que mon dossier soit bien ficelé. Je m’assoirais avec mon planificateur financier et je me demanderais si j’ai les moyens ou non de faire ça. »

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