Chronique

Valérie Plante dissipe les appréhensions

Dans le hall de l’hôtel de ville, Valérie Plante lance : « Ça vous dirait de faire l’entrevue dehors ? J’ai le goût de sortir un peu… »

En cet après-midi de semaine, le soleil brille sur Montréal. La mairesse se dirige vers un banc à deux pas de l’imposant édifice où elle gère la métropole depuis novembre dernier. Dès le début de notre entretien, son rire généreux retentit dans l’air frais. Je lui ai simplement fait remarquer que certaines prévisions catastrophiques à la suite de son élection semblent aujourd’hui excessives : non, son administration n’est pas insensible aux grands dossiers sportifs.

Cette crainte, qui se résorbe peu à peu, elle l’attribue notamment à une certaine « méconnaissance » à son endroit, largement attribuable au fait que son entrée en politique demeure récente.

« Je tiens à faire briller la ville à tous les niveaux : économie, mobilité, transport, saines habitudes de vie, infrastructures… Mais aussi soutenir des évènements sportifs majeurs. Ça fait partie des responsabilités qui incombent à la première magistrate de Montréal. »

« Les gens découvrent que dans le fond, j’ai une âme sportive qui a toujours été là. »

— Valérie Plante

Si Valérie Plante n’éprouve pas la passion viscérale pour le sport professionnel de son prédécesseur Denis Coderre, elle en réalise pleinement l’importance pour l’essor de Montréal. Dès les premiers mois de son administration, elle a pris trois décisions majeures.

D’abord, elle a soutenu la candidature de Montréal à la présentation de matchs de la Coupe du monde de soccer de 2026, si la proposition conjointe des États-Unis, du Mexique et du Canada est retenue le mois prochain. Ensuite, elle a accepté l’important dépassement de coûts des rénovations du circuit Gilles-Villeneuve pour mieux accueillir la Formule 1. Enfin, tout en énonçant les limites de la participation de la Ville au projet, elle a appuyé la démarche des promoteurs du retour des Expos après une rencontre très médiatisée.

Cet échange avec Stephen Bronfman et Mitch Garber était particulièrement intrigant. Deux jours avant les dernières élections, les deux hommes ont compté parmi les signataires d’une lettre publique d’appui à Denis Coderre. Cette initiative, même si elle s’en souvient bien, ne l’a pas indisposée. « Je ne suis pas du tout rancunière, lance-t-elle, en souriant. Et puis, c’est moi la mairesse maintenant, alors ça ne change plus grand-chose ! »

La veille de cet entretien, Valérie Plante s’est arrêtée dans un magasin de sport de la rue Sainte-Catherine. Après avoir choisi des poids et haltères pour son fils et elle, elle a aperçu des casquettes des Expos sur un présentoir. Elle en a acheté une, s’en est coiffée et a publié la photo sur les réseaux sociaux. Le retentissement de cette initiative l’a étonnée.

Elle n’est pas la première personnalité politique à être surprise par l’immense intérêt suscité par les dossiers sportifs. Je n’oublierai jamais la colère du premier ministre Jacques Parizeau, au printemps 1995, qui était ulcéré d’être interrogé sur l’avenir des Nordiques durant ses sorties publiques alors qu’il préparait le référendum de l’automne. Cette anecdote n’étonne pas la mairesse.

« Moi, ce qui me donne le goût de me lever le matin, c’est d’améliorer la ville, la question de la justice sociale, comment on fait pour que tous les Montréalais puissent se loger… C’est vraiment ça qui m’habite. Alors quand tu vois qu’un sport crée autant d’engouement, d’émoi et de passion, tu te dis que ce serait bien si cette passion, sans l’enlever au sport, soit aussi transférable à d’autres enjeux sociaux ! »

Cela dit, si sa discussion avec le duo Bronfman-Garber a été sereine, Valérie Plante précise que le dossier en est à ses débuts et que les deux parties ont d’abord appris à se connaître. Des plans précis ne lui ont pas été présentés. Mais elle a été heureuse d’apprendre que les promoteurs ne comptent pas sur l’argent des Montréalais pour investir « dans la brique et le mortier ».

Un récent sondage Léger, publié dans Le Devoir, a démontré que si les Québécois souhaitent revoir les Expos, ils s’opposent massivement à ce que des fonds publics soient utilisés dans l’aventure. Les promoteurs le savent bien et semblent avoir revu leurs plans en conséquence.

Si Valérie Plante est prête à soutenir le projet de retour des Expos, ce n’est évidemment pas à n’importe quel prix. Quand je lui demande si, par exemple, la Ville serait prête à céder un terrain pour construire un nouveau stade, ses réserves sont évidentes : « La Ville n’a presque pas de terrains. Et j’ai des écoles à construire, de l’habitation aussi. Et ces terrains-là, c’est de l’or en barre. Faudrait jaser… Ça n’irait pas comme lettre à la poste parce qu’ils sont une denrée rare. »

En revanche, elle est ouverte aux initiatives susceptibles de renforcer le transport collectif autour d’un futur stade afin de maximiser ses retombées positives.

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Après une quinzaine de minutes à l’extérieur, le vent vif incite la mairesse à retourner à son bureau, différent de celui occupé par Denis Coderre. La vue sur le Vieux-Montréal est magnifique. Aux murs, on retrouve des toiles d’art contemporain appartenant à la collection de la Ville, qu’elle me présente avec plaisir.

Nous nous installons ensuite à sa table de conférence pour discuter du circuit Gilles-Villeneuve. Le mois dernier, l’administration municipale a approuvé le nouveau budget de 76 millions pour la modernisation des infrastructures de Formule 1 dans l’île Notre-Dame, soit 28 millions de plus que prévu.

« Le projet a été bonifié par rapport à celui de 2015, explique Valérie Plante. Les installations seront pour la Formule 1 et autre chose. Je souhaite qu’on valorise l’aspect de l’eau au parc Jean-Drapeau. Le nouveau montage financier est associé à un projet amélioré. »

« La Formule 1 fait partie des attraits de Montréal. Les gens se déplacent pour venir au Grand Prix et c’est bon pour l’économie. Mais encore une fois, l’élément qui m’a convaincue, c’est que ces installations serviront aux Montréalais à d’autres moments. »

— Valérie Plante

En revanche, le projet d’amphithéâtre naturel adopté sous l’ancienne administration ne lui plaît pas, notamment parce que les Montréalais n’ont pas été consultés.

« C’est en marche, on ne peut plus l’arrêter et on va faire avec. […] Je n’aurais jamais autorisé un projet aussi dispendieux, aussi précis et qui répond à certains besoins. Mille arbres ont été coupés, ça me brise le cœur. On dépense des millions pour planter des arbres, on en coupe 1000 de l’autre bord. Pour moi, c’est un non-sens. »

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Mettre fin à l’épisode de la Formule électrique a été une des premières décisions de l’administration Plante. L’affaire a généré beaucoup de réactions.

Mais à peu près au même moment, un autre dossier a été déposé sur le bureau de la mairesse : celui de la Coupe du monde de 2026. Montréal devait-il foncer dans cette voie afin que des matchs soient présentés au Stade olympique si la candidature des États-Unis, du Mexique et du Canada était retenue ? « On est allé voir Québec et Ottawa pour leur demander d’embarquer », explique-t-elle.

Leur réponse a été positive. Aujourd’hui, Valérie Plante estime que le caractère populaire de cet évènement, malgré une facture éventuelle de 69 millions pour Montréal, en vaudra le coup, même si peu de matchs seraient disputés au Stade olympique. Le projet initial prévoit à peine 10 rencontres au Canada. Et deux autres villes au pays, Toronto et Edmonton, veulent aussi leur part du gâteau.

La mairesse rappelle qu’en 2026, on célébrera aussi le 50e anniversaire des Jeux olympiques de Montréal. En clair, l’occasion serait belle de célébrer notre héritage sportif. « C’est cool ! », dit-elle.

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Lorsqu’elle est devenue mairesse, personne n’a douté que Valérie Plante travaillerait au dynamisme du sport de participation à Montréal. L’incertitude existait plutôt à propos de son intérêt pour le « sport spectacle », qui définit aussi une ville.

On sait aujourd’hui une chose : elle saisit parfaitement l’importance de ces dossiers pour la communauté. Elle en connaît les paramètres, les aborde avec confiance et, surtout, une ouverture d’esprit qui dissipe bien des appréhensions.

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