SANTÉ MENTALE

Quand les médias sociaux mènent à la dépression

Nombre de parents s’inquiètent du temps que leurs adolescents passent sur les réseaux sociaux. Une pléthore d’études ont tenté de cerner les effets psychologiques de ces interactions virtuelles. Une nouvelle analyse britannique rassemble 30 d’entre elles et conclut que la pratique est risquée seulement dans deux cas de figure :  si le nombre d'heures qu'on y consacre est « extrême » et si elle est suivie de « ruminations » sur des comparaisons sociales défavorables.

« Dans la vraie vie, on connaît généralement les travers des gens qu’on connaît et avec qui on se compare », explique David Baker, étudiant au doctorat à l’Université de Manchester, qui est l’auteur principal de l’étude parue dans la revue Cyberpsychology, Behavior and Social Networking. « Mais sur Facebook ou Instagram, les gens ne montrent que le meilleur d’eux-mêmes. Les comparaisons ont donc plus de risques d’être défavorables. Les gens susceptibles d’être affectés quand ils se comparent à ces façades parfaites ont plus de risques d’avoir des conséquences en termes de santé mentale. D’autant plus qu’avec les réseaux sociaux, on est face à des milliers de profils de gens qui se montrent sous leurs plus beaux atours. »

L’autre facteur de risque est de passer un temps « extrême » sur les réseaux sociaux. Y a-t-il une limite à ne pas franchir ? « On ne peut pas en établir une pour le moment, il y a trop de facteurs confondants, comme les réseaux sociaux réels d’une personne, les amis et les proches en chair et en os, dit M. Baker. Certains peuvent passer plusieurs heures par jour sur les réseaux sociaux sans avoir un risque accru de dépression. »

L’une des études ayant le plus gros échantillon, parmi les 30 qu’a étudiées M. Baker, regroupait 1800 Américains âgés de 18 à 32 ans. Publiée l’an dernier dans la revue Depression and Anxiety, elle montrait que le risque de dépression augmentait assez rapidement avec la fréquence et la durée des séjours sur les réseaux sociaux. Une simple demi-heure par jour était suffisante. Le quart des cobayes consultaient les réseaux sociaux au moins une fois par jour.

« Contrairement à d’autres études, celle-ci n’avait pas de problèmes méthodologiques importants, commente M. Baker. Mais d’autres, avec des échantillons plus réduits, ont calculé qu’il n’y avait pas d’augmentation de la dépression. Et un nombre important d’études montraient que des facteurs de risque ou protecteurs modulent le lien entre le temps passé sur les réseaux sociaux et la dépression. Les auteurs de l’étude de 2015 disent eux-mêmes que le temps passé sur les réseaux sociaux n’explique pas tout à cause des autres influences. »

Le danger des comparaisons

Une étude sur six concluait que plus on passe de temps sur les réseaux sociaux, plus le risque de dépression augmente. Une proportion légèrement inférieure des 30 études affirmait par contre que ce lien n’existait pas. Et, souligne M. Baker, 2 des 30 études arrivaient à la conclusion contraire : plus une personne passe de temps sur les réseaux sociaux, moins elle a de risques de faire une dépression.

« L’effet protecteur des réseaux sociaux est probablement dû aux groupes d’entraide qu’on y retrouve, dit M. Baker. C’est d’ailleurs la prochaine étape dans l’étude des impacts des réseaux sociaux sur la santé mentale. »

L’autre avenue de recherche est la conception de réseaux sociaux qui diminuent le risque de comparaison défavorable. « C’est le plus gros problème, dit M. Baker. Les gens qui souffrent de se comparer aux gens qui s’exposent sur les réseaux sociaux, et surtout qui sont obsédés par ces comparaisons défavorables pendant des heures après avoir fermé leur ordinateur ou leur téléphone, sont manifestement à risque de dépression. Il pourrait y avoir une manière de détecter ce type de gens ou alors de configurer des réseaux sociaux où les comparaisons sont moins faciles, pour cette clientèle. »

Y a-t-il une différence entre hommes et femmes ? « Rien n’est évident, dit le psychologue britannique. Une étude a par contre observé que les jeunes femmes névrosées sont moins anxieuses si elles fréquentent beaucoup les réseaux sociaux. L’hypothèse était que sur les réseaux sociaux, les règles sociales sont plus simples. La névrose est suscitée par le poids des règles sociales et le sentiment de ne pas parvenir à les respecter. »

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