Analyse

La campagne du « moineau »

À 87 ans, Carmen Dallaire a pu réaliser le rêve de sa vie il y a deux semaines. Son désir était fort simple : se rendre à Ottawa pour revoir un ancien élève à qui elle a enseigné à l’école primaire il y a une quarantaine d’années à Saint-Georges, en Beauce.

« Je voulais revoir ce moineau-là, comment il s’était tiré d’affaire », lance affectueusement Mme Dallaire, assise aux côtés de son ancien élève, le député conservateur de Beauce Maxime Bernier, dans le bureau de la colline parlementaire de ce dernier.

Toujours captivée par l’actualité, vive d’esprit et ayant le sens de la répartie bien aiguisé, Mme Dallaire habite aujourd’hui à Saguenay, dans une résidence pour retraités. Elle décrit Maxime Bernier, qui brigue la direction du Parti conservateur pour succéder à Stephen Harper, comme « un garçon tranquille ».

« Ce n’était pas un premier de classe, ni un dernier. Il était dans la moyenne. Et souvent, ce sont les élèves dans la moyenne qui vont le plus loin dans la vie, parce qu’ils sont habitués à travailler », souligne Mme Dallaire, qui a œuvré dans l’enseignement pendant 32 ans. 

« Les premiers de classe ont tout cuit dans le bec. Ils n’ont pas besoin de travailler. Maxime, lui, était habitué à travailler fort. »

— Carmen Dallaire

Mme Dallaire, qui a pu réaliser son rêve « important » grâce aux résidences Chartwell, qui offrent chaque année à un de leurs résidants la chance de concrétiser le « rêve d’une vie », n’avait pas revu M. Bernier depuis qu’elle lui avait enseigné au primaire. Le 4 octobre, elle a assisté à la période des questions à la Chambre des communes avant de se rendre à son bureau.

« J’ai pleuré quand je l’ai revu à la Chambre des communes. J’ai ressenti une grande fierté », a-t-elle affirmé en entrevue à La Presse.

Alors que la liste des candidats désirant briguer la direction du Parti conservateur ne cesse de s’allonger – il pourrait y avoir une douzaine de candidats en tout –, Maxime Bernier traite cette longue course qui connaîtra son dénouement le 27 mai 2017 comme un marathon, son sport de prédilection.

« Mad Max », comme il s’est décrit récemment, multiplie les annonces et se démarque de ses adversaires en récoltant plus de dons – il a franchi le cap des 500 000 $ le mois dernier alors que le député conservateur Tony Clement, un ancien ministre lui aussi, a été contraint d’abandonner la course la semaine dernière après avoir recueilli… 12 000 $.

Depuis le début de la course, M. Bernier a proposé d’abolir la taxe sur les gains en capitaux, de réduire le fardeau fiscal des contribuables en éliminant deux paliers d’imposition, de remplacer les transferts fédéraux aux provinces pour la santé par des points d’impôts, d’imposer le libre-échange entre les provinces, de contraindre les fonctionnaires à utiliser le service Uber au lieu des taxis traditionnels dans leurs déplacements et d’abolir la gestion de l’offre, entre autres choses.

« Maxime Bernier a fait une campagne remarquable et remarquée jusqu’ici », soutient un député qui n’a pas encore fait son choix.

Dans les coulisses, le député de la Saskatchewan Andrew Scheer, qui a confirmé son intention de briguer la direction du Parti conservateur le mois dernier, s’est montré inquiet de voir Maxime Bernier multiplier les annonces à saveur économique. « Au rythme où il va, il va occuper tout le terrain économique », a-t-il confié à certains.

Jusqu’ici, neuf candidats ont confirmé leurs intentions de briguer la direction du Parti conservateur. Outre MM. Bernier et Scheer, les autres aspirants sont les députés ontariens Michael Chong, Erin O’Tool et Kellie Leitch, le député albertain Deepak Obrhai et le député de la Saskatchewan Brad Trost. Deux conservateurs de la Colombie-Britannique, Andrew Saxton et Rick Peterson, se sont joints, hier, à la course.

Au moins quatre autres candidats pourraient se lancer dans la course au cours des prochaines semaines, soit les députés Steven Blaney et Lisa Raitt et les anciens députés Chris Alexander et Pierre Lemieux.

Dans les rangs conservateurs, on s’attend à ce que cette course soit essentiellement une lutte entre quatre candidats : Maxime Bernier, Andrew Scheer, Erin O’Toole et Chris Alexander.

Les débats permettront d’évaluer les candidats les plus sérieux. Le premier débat aura lieu à Saskatoon, en Saskatchewan, le 10 novembre, tandis que le deuxième aura lieu dans les deux langues officielles le 6 décembre à Moncton, au Nouveau-Brunswick.

À l’exception de Jacques Gourde, qui appuie Maxime Bernier, et de Denis Lebel, qui est contraint de rester neutre parce qu’il occupe les fonctions de chef adjoint, les députés conservateurs du Québec n’ont pas encore pris position. Ils attendent de voir la liste complète des candidats avant d’afficher leurs couleurs. Mais leur choix sera important, d’autant que c’est au Québec seulement que le Parti conservateur a fait des gains au dernier scrutin.

Mais plusieurs d’entre eux pourraient ne pas appuyer Maxime Bernier. Sa promesse d’abolir le système de gestion de l’offre horripile les députés. « Je n’appuierai JAMAIS un candidat qui voudra abolir la gestion de l’offre », a déjà indiqué le député conservateur de Mégantic-L’Érable, Luc Berthold. Le député Steven Blaney compte d’ailleurs se lancer dans la course pour défendre principalement la gestion de l’offre.

Si Maxime Bernier n’arrive pas à obtenir l’appui de la majorité des députés du Québec, ses adversaires pourraient bien utiliser cet argument pour le faire trébucher avant la ligne d’arrivée.

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