Musique

le pianiste Daniil Trifonov de retour sur scène

Après avoir été victime d’un malaise, mercredi soir, le pianiste russe Daniil Trifonov était du concert d’hier avec l’Orchestre symphonique de Montréal. « [Hier matin], il allait bien et il a pris la décision avec son agent de poursuivre les concerts », dit Pascale Ouimet, chef relations publiques et relations médias à l’OSM. Mercredi, avant le premier concert d’une série de trois, le pianiste de 28 ans s’est senti mal et n’est pas monté sur scène. L’agent du soliste, Glenn Petry, a écrit à La Presse que celui-ci s’était « étiré un muscle », mais que cela n’affecterait pas sa capacité à jouer. Le dernier concert mettant en vedette Daniil Trifonov a lieu ce soir à la Maison symphonique.  — Alexandre Vigneault avec Janie Gosselin, La Presse

Littérature

La voix des femmes mennonites

Quatre ans après son bouleversant roman inspiré du suicide de sa sœur, la Canadienne Miriam Toews revient avec un titre percutant qui fait écho au mouvement #metoo. Ce qu’elles disent est tissé autour d’une série de viols sordides survenus dans une colonie mennonite de Bolivie et qui ont profondément marqué l’écrivaine. Nous l’avons rencontrée à Montréal plus tôt cette semaine.

« Ce livre semble avoir touché une corde sensible », lance Miriam Toews, encore surprise par toute l’attention récoltée par son nouveau roman – son sixième traduit en français.

L’écrivaine, qui a elle-même grandi dans une communauté mennonite du sud-est du Manitoba mais vit depuis plusieurs années à Toronto, a passé les six dernières semaines à faire la promotion de Ce qu’elles disent, d’abord en Allemagne puis aux États-Unis, où le livre vient de paraître et ne cesse de séduire la critique.

Très remarqué dans le paysage littéraire, Ce qu’elles disent a été finaliste aux Prix du Gouverneur général, à l’automne dernier, il est en lice pour le prestigieux prix ontarien Trillium (qui sera remis en juin) et il fera partie des grands titres étrangers de la rentrée littéraire en France, où il sera publié en août aux éditions Buchet/Chastel.

Miriam Toews raconte avoir terminé l’écriture du roman avant que le mouvement #metoo ne prenne forme, ayant commencé à plancher sur le projet dès 2009, lorsque l’histoire de ces viols collectifs, organisés par les hommes d’une colonie mennonite installée en Bolivie, a discrètement fait surface à travers son réseau et dans les pages de quelques médias.

« J’étais triste et en colère quand j’en ai entendu parler, mais je savais que je voulais écrire sur le sujet d’une manière ou d’une autre. Le défi était de réussir à le faire sans recréer les viols, mais en imaginant le contrecoup de cette histoire. »

— Miriam Toews

Elle a commencé à lire et à s’informer sur le sujet, ébranlée par le sort des femmes de la colonie, dont elle ne sait pas ce qu’il est advenu, bien que leurs agresseurs aient été emprisonnés. Puis lorsque sa sœur s’est suicidée, en 2010, elle a tout mis de côté, y compris l’écriture.

« Quand je me suis remise à écrire, tout ce que je voulais faire, c’était d’écrire sur ma sœur », se rappelle-t-elle avec tristesse. C’est ainsi qu’est né l’inoubliable Pauvres petits chagrins (paru en français chez Boréal en 2015).

Une réponse à l’horreur

Le temps passant, Miriam Toews est retournée à ses notes. Le roman est alors devenu une réponse aux violences subies sur plusieurs années par les femmes de cette communauté.

Miriam Toews recrée avec tendresse la solidarité sororale qui unit ces femmes, malgré les dissensions, durant les 48 heures infernales qu’elles ont eues pour choisir entre partir vers l’inconnu et rester auprès de leurs proches et agresseurs.

« Les sujets, réalités et vérités les plus sombres sont ceux qui m’intéressent dans la création. L’écriture me permet de les accepter… C’est un acte de survie, une façon pour moi de donner un sens [aux événements tragiques]. »

— Miriam Toews

Chacune de ses protagonistes possède une personnalité et un caractère particuliers qui lui rappellent une mennonite qu’elle connaît. À leurs côtés, elle a tenu à inclure la présence d’un homme qui, bien que marginalisé par le reste de la communauté, a été chargé par l’une d’entre elles de rédiger le procès-verbal des pourparlers qui mèneront à la décision finale. « Parce que les hommes doivent être inclus dans ces discussions », affirme l’écrivaine.

Alors que les femmes de cette enclave mennonite sont illettrées – un handicap qui complique leur décision –, Miriam Toews confie avoir eu la chance de grandir dans des conditions bien différentes. « Ma famille immédiate était en quelque sorte une anomalie dans la communauté, ouverte d’esprit et intéressée par les arts. Mon père était enseignant et ma mère était une rebelle, juste assez pour pouvoir faire ce qu’elle veut, mais pas assez pour être excommuniée. Mes parents ont toujours encouragé ma sœur et moi à lire et à exprimer nos opinions, et à aller à l’université – ce qui impliquait de quitter la communauté. »

Miriam Toews n’a pas pour autant rompu tous les liens. Sa mère, qui vit avec elle depuis la mort de sa sœur, fait partie d’une église mennonite « sincèrement aimante et inclusive » et organise fréquemment des rencontres dans leur maison de Toronto.

« Mes meilleures amies sont mennonites. Même si ce sont mes cousines, je ne les considère pas comme de la famille, mais bien comme des amies. Je suis en contact avec beaucoup d’écrivains et d’intellectuels mennonites… mais pas tellement avec des mennonites conservateurs et ultrareligieux », dit-elle en riant. « Et eux non plus ne s’intéressent pas à moi, c’est réciproque ! »

Ce qu’elles disent, de Miriam Toews, est en librairie. Son roman précédent, Pauvres petits chagrins, vient par ailleurs d’être réédité dans la collection Boréal Compact.

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