ÉGOPORTRAIT

Pourquoi se photographier nu ?

Après l’égoportrait, l’égoportrait nu. Si ce genre photographique vous était inconnu il y a quelques jours, la fuite majeure de centaines de photos intimes de stars – et la controverse qui a succédé – vous aura sans doute familiarisé avec un phénomène qui n’a pourtant rien de marginal.

Jennifer Lawrence, Kate Upton, Kirsten Dunst… En tout, plus d’une centaine de personnalités du showbiz américain ont été les cibles de pirates informatiques qui ont pu pénétrer leur iCloud (système de stockage virtuel) et publier, sur le site 4chan, leurs photos les plus intimes.

La fuite a bien entendu suscité son lot de commentaires et d’analyses. De Ricky Gervais à Lena Dunham en passant par Forbes, The Guardian, la BBC ou Time Magazine, nombreux sont ceux qui se sont exprimés sur le sujet.

Ainsi, certains ont soutenu les victimes d’un piratage qui a tout d’une agression et critiqué les défaillances de sécurité du iCloud d’Apple. D’autres se sont au contraire moqués de la naïveté de ces célébrités, qui n’ont pas plus d’intimité dans le monde virtuel que dans le monde réel.

COMMUN

Chose certaine, l’égoportrait nu (en anglais naked selfie) n’est pas réservé aux célébrités de ce monde. Une étude du Pew Research Center publiée en février dernier montre ainsi que le sextage (envoi de photos olé olé par téléphone) n’a rien d’une pratique marginale.

Ainsi, 44 % des jeunes Américains de 18 à 24 ans ont reçu des sextos. Chez nos voisins, les jeunes adultes de la mi-vingtaine à la mi-trentaine comptent parmi les adultes les plus susceptibles de recevoir ce genre de message. À mesure que se répand l’usage des téléphones intelligents, le sextage est par ailleurs une pratique de plus en plus populaire, relève l’étude.

« La nudité n’est pas une grosse affaire. C’est presque "hip" de se montrer nu, ou du moins de se moquer d’être vu nu. »

— Alex, 24 ans

« Mes copines qui sont jeunes, cool et célibataires ont des tonnes de photos d’elles nues. En fait, elles m’en envoient pour faire des blagues, parfois », explique ainsi la jeune Torontoise.

FASCINATION

Banal, donc, l’égoportrait nu n’en suscite pas moins toutes les curiosités. Surtout quand il met en scène une jeune femme de l’envergure de Jennifer Lawrence, l’une des actrices les plus en vue de Hollywood.

« C’est sûr que c’est l’une des nouvelles qui a suscité, chez nous, le plus de pages vues », dit Claudie Saulnier, rédactrice en chef du site de potins et de divertissement Hollywood PQ.

Le week-end dernier, le site québécois a décidé de publier un album des photos partagées sur le site 4chan.

« On est conséquents avec notre ligne éditoriale. On publie ces photos, mais on le fait de manière contrôlée », dit Mme Saulnier.

Il n’y a pas que les stars hollywoodiennes qui soient victimes de ce genre de fuite. Hollywood PQ se fait souvent proposer des photos compromettantes de vedettes québécoises. Mais là, le site a une politique très stricte.

« On ne publierait jamais ça. Ici, le marché est trop petit, et ça aurait un impact direct sur la carrière des artistes. C’est un double standard, mais on ne traitera jamais nos artistes comme les vedettes internationales », reconnaît Claudie Saulnier.

PRIVÉ/PUBLIC

Avec l’avènement des médias sociaux, la barrière entre privé et public devient de plus en plus floue. Et l’intrusion de la vie privée des vedettes dans nos vies quotidiennes devient de plus en plus fréquente, croit Diane Pacom, professeure de sociologie à l’Université d’Ottawa.

« Oui, il y a de l’agression (dans le piratage et la diffusion de ces clichés), mais il y a aussi une démesure dans le vedettariat. La société donne aux vedettes beaucoup de pouvoir, d’argent, d’amour. Ce que je trouve désolant, c’est qu’elles oublient qu’il y a un côté sombre à ça. Tu ne peux pas vivre comme la moyenne des gens. »

http://www.pewinternet.org/2014/02/11/main-report-30/

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