La créativité décortiquée
Pour l’auteur et comédien Emmanuel Schwartz, la créativité, c’est carrément un organe du corps humain. « C’est un poumon, une sorte d’espace spirituel, l’espace de l’imaginaire. C’est un muscle, une manière de voir les choses, une philosophie, un travail », répond-il, le plus naturellement du monde. Concrètement ? « Je me dis, bien naïvement peut-être, que, vivant à une époque de vacuité spirituelle, nos fictions, nos histoires, nos métaphores ont à voir avec cet organe névralgique qu’est cet espace créateur. » En un mot, « ça sert à vivre », dit-il, mais aussi à parler, s’exprimer, comprendre, bref « agir ».
À la grande question : comment nourrir la créativité, il répond que, comme n’importe quel organe, il faut l’« entretenir ». « Moi, c’est la littérature, les spectacles, les divertissements qui me viennent, mais ça peut aussi se nourrir partout : par le jardinage, le ménage, en élevant ses enfants… » Et une panne de créativité, ça arrive ? « Bien sûr, confirme-t-il. Ça fait partie de la respiration d’un créateur qu’il y ait des creux. À un moment donné, on a des idées, puis on n’en a plus. C’est dans des moments de vide que quelque chose se dépose. Ça fonctionne de façon presque scientifique. Comme le climat ou le cycle des saisons. »
Et une vie sans créativité, ça se peut ? « Je ne peux même pas l’imaginer… »
Hélène Godin enseigne la créativité, rien de moins. Elle a cofondé la Factry, une école qui vise à démocratiser les compétences créatrices. « Selon moi, la créativité, c’est un état d’esprit qui se met en marche pour trouver des solutions nouvelles à des problématiques qui nous entourent, dans le but d’améliorer la qualité de nos vies », explique-t-elle. Un exemple ? Un esprit créatif développera de nouveaux produits, des services inusités, qui, ultimement, amélioreront nos vies. Pour nourrir la créativité, elle suggère des trucs tout simples, comme prendre un nouveau chemin pour aller travailler, s’ouvrir à ce qui nous entoure, bref, « s’égarer pour mieux revenir ». « Ça amène le bonheur, le jeu. Il n’y a pas de créativité sans jeu. » En voyage, bien évidemment, le terrain créatif est particulièrement fertile. « On n’est pas pris dans le quotidien, notre mental est capable de capter des choses, faire des liens. » Trois ingrédients sont d’ailleurs essentiels : la curiosité, le jeu et les échanges. Quant à savoir de quoi auraient l’air nos vies sans créativité, elle répond : « plates ! »
D’après le responsable du certificat en création et innovation de l’Université de Montréal, Sylvain Matte, être créatif, c’est tout simplement « avoir des idées originales, différentes, inusitées et parfois farfelues. » Au quotidien, ça sert partout, enchaîne celui qui préfère le titre de « passionné » (plutôt qu’expert) de créativité. Exemple ? « À résoudre des problèmes, relever des défis, saisir des [occasions], atteindre des buts et des objectifs, améliorer les choses et ensoleiller nos vies, en brisant la routine, en trouvant de nouvelles approches, en simplifiant les solutions déjà en place, en remettant en question le statu quo. » Cela étant dit, « on ne peut pas dire comment nourrir la créativité tant qu’on n’est pas tombé dedans », croit-il. Quatre ingrédients sont toutefois essentiels : la curiosité intellectuelle, l’ouverture à la nouveauté, le courage d’essayer et la tolérance à l’échec. « Les plus grands créatifs ont fait des erreurs, rappelle-t-il. Même Steve Jobs s’est fait mettre dehors et est parti incuber. Parce qu’incuber est essentiel à la créativité. Et il est revenu avec un regard nouveau. » Et une vie sans créativité, cela aurait l’air de quoi ? « Le jour de la marmotte, répond le professeur. Un sentiment de déjà-vu, sans savoir ce qu’on a déjà vu. Et sans savoir ce que l’on manque… »
L’Exhibition est présentée du 28 février au 9 mars, au Théâtre La Chapelle.