Chronique

Un petit coup de défibrillateur

La ministre de l’Économie, de la Science et de l’Innovation, Dominique Anglade, a fixé des objectifs ambitieux à la Stratégie québécoise des sciences de la vie dont elle a dévoilé les grandes lignes hier, incluant celui de faire passer Montréal du dixième au cinquième rang des grandes technopoles en sciences de la vie en Amérique du Nord.

Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le dévoilement de cette nouvelle Stratégie québécoise des sciences de la vie s’est déroulé dans l’ancien centre de recherches de la multinationale AstraZeneca, dans l’arrondissement de Saint-Laurent.

Comme plusieurs grandes sociétés pharmaceutiques internationales, AstraZeneca a fermé son centre de recherche montréalais en 2012, mettant fin au travail de quelque 135 chercheurs et techniciens de haut niveau.

Les sociétés Merck et Pfizer avaient, quelques mois plus tôt, pris la même décision, alors que la société Boehringer a suivi quelques mois plus tard en annonçant la fermeture de son laboratoire de recherche lavallois.

Ces décisions des grandes multinationales avaient été motivées en partie par la fin de la protection légale de 15 ans accordée aux brevets sur les nouveaux médicaments au Canada et aussi par la nouvelle approche des grandes sociétés pharmaceutiques qui ont décidé de favoriser leurs activités de recherche et développement en les sous-traitant à des petites sociétés de biotechnologies et à des centres de recherche académique.

En 2012, AstraZeneca a cédé son laboratoire de recherche, tous ses équipements ainsi que trois projets de nouvelles molécules en développement à cinq de ses anciens dirigeants montréalais qui y ont créé l’Institut NÉOMED.

Cinq ans plus tard, l’Institut NÉOMED a développé l’une des trois molécules d’AstraZeneca et vendu sa licence à Belus Santé pour 3,5 millions. L’ancien centre de recherche abrite aujourd’hui 22 biotechs qui emploient 190 personnes.

« On est devenu un super hub, un écosystème de biotechnologies. On sous-loue nos installations et nos équipements à des entreprises qui développent leurs projets, et notre équipe travaille à ses propres projets qui seront par la suite développés par des entreprises de fabrication et de commercialisation », m’a résumé hier Donald Olds, PDG de l’Institut NÉOMED.

Un secteur important à développer

Le secteur des sciences de la vie est important pour l’économie québécoise. Il regroupe quelque 630 entreprises, principalement dans la région de Montréal, qui génèrent 30 800 emplois industriels et des retombées de 5,6 milliards sur le produit intérieur brut du Québec.

Au cours des cinq dernières années, ce secteur a bénéficié d’investissements privés de 3,5 milliards, mais on a tout de même observé un certain ralentissement dans les deux dernières années.

« Montréal a vécu un certain déclin, mais là, on veut relancer le secteur en lui assurant un meilleur encadrement et un meilleur financement pour toutes sortes de projets, que ce soit pour les start-up ou attirer des investissements privés de l’extérieur », m’explique la ministre Anglade.

Son ministère prévoit injecter plus de 200 millions au cours des cinq prochaines années tout en espérant hausser à 4 milliards le niveau des investissements privés que ce financement va favoriser durant la même période.

Québec souhaite accroître les investissements en recherche et en innovation en consacrant 75 millions au Fonds d’accélération des collaborations en santé et 11 millions pour améliorer les processus de recherches cliniques.

Si des grands acteurs mondiaux du secteur pharmaceutique ont fermé leur centre de recherche montréalais, plusieurs continuent d’y réaliser la fabrication de leurs produits de santé en sous-traitance.

On recense une cinquantaine d’entreprises qui fabriquent des médicaments d’origine ou génériques. Le plus gros acteur du secteur reste la québécoise Pharmascience et ses 1500 employés, mais d’autres entreprises pourraient s’implanter dans la région pour y exploiter des usines de biofabrication, la nouvelle tendance dans le secteur.

« C’est une bonne nouvelle pour nous. Québec est prêt à injecter jusqu’à 100 millions pour soutenir des projets d’investissements en biofabrication, et on va pouvoir obtenir un soutien financier pour obtenir des mandats de fabrication pour l’exportation », souligne Perry Niro, président de Pharmed Canada, l’association qui chapeaute les fabricants et les sous-traitants des produits de santé.

Les sciences de la vie ont toujours été bien présentes dans la grande région de Montréal, mais elles avaient besoin d’un petit coup de défibrillateur pour reprendre du tonus et mieux se projeter dans l’avenir.

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