Maladie d’Alzheimer

L’équipe interdisciplinaire doit devenir la norme

Traditionnellement, les patients atteints de la maladie d’Alzheimer étaient toujours aiguillés vers un spécialiste. Or, on constate de plus en plus que le réseau de première ligne est mieux placé pour prendre en charge la maladie d’Alzheimer, tout comme de nombreuses autres maladies chroniques. En plus de réduire les coûts, cette approche permet d’offrir des soins plus complets et centrés sur les besoins du patient.

Le Plan Alzheimer Québec, élaboré en 2009, reflète ce virage des soins spécialisés vers la médecine de famille. La mise en œuvre du plan a commencé par un projet pilote dans 42 groupes de médecine de famille (GMF) partout au Québec.

Les résultats de ce projet confirment que les GMF et leurs équipes interdisciplinaires de professionnels de la santé sont en mesure de prodiguer des soins de qualité pour la maladie d’Alzheimer. 

C’est une très bonne nouvelle, non seulement pour les patients, mais aussi pour le système de santé. Dans un contexte où les lits en soins de longue durée sont rares, le maintien à domicile des patients, en toute sécurité et le plus longtemps possible, est un levier crucial.

Le passage vers une équipe élargie de professionnels de la santé en GMF était un élément central du Plan Alzheimer Québec. Les résultats du projet pilote ont ensuite démontré qu’il est essentiel de recourir à des équipes interdisciplinaires – composées de médecins, mais aussi d’infirmières et de proches aidants, de travailleurs sociaux et des Sociétés Alzheimer.

En quoi l’équipe disciplinaire est-elle si adaptée à la prise en charge de l’Alzheimer, et d’autres maladies chroniques ? Tout commence par la connaissance du patient et de son contexte social.

Bien souvent, les infirmières connaissent déjà le patient, l’ayant vu pour le suivi du diabète, de l’hypertension, etc. Au Québec, les infirmières peuvent également procéder aux tests cognitifs, donner de l’information et du soutien aux proches aidants, de même que prescrire des analyses sanguines, des examens d’imagerie, même certains médicaments. Les membres non-médecins de l’équipe sont souvent plus disponibles pour le patient, pour répondre aux questions ou comme personne-ressource en cas d’urgence.

Les travailleurs sociaux, bien au fait des réseaux et ressources communautaires, peuvent faciliter l’accès aux soins à domicile. Les Sociétés Alzheimer offrent aussi divers programmes et initiatives, souvent axés sur le soutien aux proches aidants. Elles jouent également un rôle essentiel en plaidant pour l’adoption de politiques et de mesures favorables aux aînés.

Malgré toutes ces retombées positives, il reste des obstacles importants à la mise en place réussie des équipes interdisciplinaires.

Les membres de l’équipe, dont les médecins, pourraient avoir besoin d’une formation d’appoint. Les contraintes habituelles demeurent sur le plan du financement et de la disponibilité des services – la demande pour les soins à domicile, notamment, est très élevée, ce qui prolonge les temps d’attente.

Les ordres professionnels qui régissent les professions de la santé ne s’entendent pas toujours sur les meilleures pratiques à adopter. La communication au sein de l’équipe peut aussi être entravée par la diversité des parcours de formation et des points de vue. En outre, les rôles des professionnels sont en évolution constante. L’expérience démontre qu’une définition trop stricte ou trop rigide des rôles des différents membres freine les soins collaboratifs en limitant la capacité d’adaptation de l’équipe.

Pour que la première ligne atteigne son plein potentiel en matière de soins de l’alzheimer, l’équipe interdisciplinaire doit devenir la norme, et non un autre projet pilote. Sans surprise, on a observé que dans les cliniques qui comptaient déjà sur des équipes interdisciplinaires pour d’autres maladies chroniques, comme le diabète, les médecins faisaient confiance plus rapidement à leurs coéquipiers et adoptaient plus volontiers des protocoles de délégation des soins. Former ensemble les différents professionnels de la santé favorise donc l’esprit d’équipe et la collaboration.

Au moment où le Plan Alzheimer Québec est étendu à l’ensemble de la province, le gouvernement et les gestionnaires devraient favoriser la souplesse et la polyvalence de ces équipes, au lieu de leur imposer des restrictions inutiles. Ce n’est que dans ces conditions que nous pourrons poursuivre sur l’élan du projet pilote, au grand avantage des personnes qui souffrent de la maladie d’Alzheimer.

* Howard Bergman est professeur et directeur du département de médecine de famille de l’Université McGill ; Isabelle Vedel est professeure adjointe de médecine de famille à l’Université McGill. Ils dirigent l’équipe canadienne de services de santé/amélioration du système de soins de la démence.

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