Faire garder les enfants par les grands-parents

Vous hésitez à solliciter vos parents pour qu’ils gardent vos jeunes enfants. Trop fatigant pour eux, pensez-vous. Eh bien, détrompez-vous. De nombreuses études démontrent que les enfants ont un impact bénéfique réel sur la santé et la vivacité intellectuelle des aînés. 

Ginette Grégorio aura bientôt 70 ans. Depuis 10 ans, elle se consacre deux jours par semaine à l’aide aux devoirs offerte par un organisme communautaire, et donne des conférences dans des écoles primaires et secondaires. C’est une occupation très valorisante pour elle, qui l’aide à « se sentir encore dans le coup ». « Je trouve ça très gratifiant. Ça vous tient psychologiquement. Les jeunes vous apportent de très bonnes énergies. Ça permet de se tenir au courant du monde, de l’actualité. Mentalement, ça vous évite de vous isoler. »

L’impact des relations entre enfants et aînés fait l’objet de plus en plus d’attention. Certaines études mesurent les effets des interactions entre petits-enfants et grands-parents. D’autres, entre les enfants et les gens âgés qui ne sont pas de leur famille. Mais toutes notent des bénéfices importants sur les plans physique, psychologique et cognitif.

L’une d’elles, du Women’s Health Aging Project in Australia, s’attarde plus spécifiquement aux grands-parents qui gardent leurs petits-enfants. Des chercheurs australiens ont suivi 186 participantes, dont 120 grands-mères, âgées de 57 à 68 ans. Ils ont conclu que les grands-mamans qui s’occupent une fois par semaine de leurs petits-enfants ont moins de risques de développer l’alzheimer ou des problèmes cognitifs.

Selon Daniel Geneau, expert en psychogériatrie à Montréal, cette étude, sans être d’une grande ampleur, prouve encore une fois qu’avec toute stimulation, on arrive à retarder l’apparition de déficits cognitifs.

« Toute activité qui stimule, qui apporte un changement ou oblige à s’adapter est de nature à retarder l’apparition de symptômes », souligne M. Geneau.

Les participantes à l’étude ont passé des tests cognitifs de base : tests neuropsychologiques, d’attention, jeu de mémoire et fonction exécutive. Les grands-mères ayant le mieux réagi gardaient leurs petits-enfants une fois par semaine. Celles qui gardaient leurs petits-enfants cinq jours par semaine se sentaient au contraire débordées et dépassées. Une présence choisie et non imposée aurait donc un effet décisif. « Il faut qu’il y ait la notion de se sentir utile, et non de se sentir utilisé », avance Daniel Geneau.

Pour le neuropsychologue Jocelyn Morettini, spécialisé en psychologie de la santé, c’est la notion de défi qui prédomine dans la relation qu’entretiennent (ou que devraient entretenir) grands-parents et petits-enfants.

« Le jeune nous met au défi. Les grands-parents se font aussi du bien à eux, car ils se mettent au défi. Apprendre est très important à tout âge. »

— Jocelyn Morettini, neuropsychologue

Sans être définitive, l’étude australienne donne un aperçu des possibilités qui existent dans ce domaine, estiment les deux chercheurs. « Est-ce que c’est un raccourci un peu rapide de dire que de garder des enfants ou ses petits-enfants freine la démence ? Peut-être, souligne Daniel Geneau. Mais tout ce qui contribue à augmenter les résultats aux tests cognitifs est considéré comme un facteur pour retarder l’apparition de la démence. » « C’est un indicateur. Même si c’est loin d’être complet. Mais suffisamment pour donner un avant-goût. C’est peut-être un juste retour des choses par rapport à des habitudes de vie ancestrales », croit de son côté Jocelyn Morettini.

Ginette Grégorio estime pour sa part que les jeunes sont curieux et aiment connaître la vie de leurs grands-parents, surtout s’ils ne les voient pas souvent. Et que les deux générations se font du bien mutuellement. « Souvent, les vies de famille n’existent plus, les familles sont éclatées ou dispersées. Les enfants peuvent se confier à nous, et nous pouvons les soutenir. » 

INTERACTION SOCIALE ET VIEILLISSEMENT

L’École de réadaptation de la faculté de médecine de l’Université de Montréal monte actuellement une étude de grande envergure pour établir jusqu’où l’interaction sociale peut prévenir le vieillissement. Elle s’est associée à l’organisme Intergénérations Québec dans ce projet.

Johanne Filiatrault, ergothérapeute et chercheuse à l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal, veut promouvoir les activités intergénérationnelles comme stratégie novatrice pour tempérer le vieillissement. « Je veux prévenir et agir en amont. »

« L’engagement social est un déterminant de la santé. Nos aînés sont souvent en pleine forme et débordent d’énergie. Ils veulent transmettre leur savoir »

— Fatima Ladjadj, directrice de l’OSBL Intergénérations Québec

Une étude américaine publiée en 2011 sur l’engagement social des aînés avait montré d’importants bienfaits sur leur santé physique et psychologique. 

Les résultats étaient probants : le déficit cognitif des personnes âgées engagées dans des activités était réduit de 70 %. « On avait suivi des centaines de personnes âgées et observé un déclin du ralentissement cognitif et aussi moins de détresse et de dépression psychologique. Ça nous avait donné envie d’explorer. »

Mme Filiatrault constate par ailleurs que le rôle de grand-parent est très important, bien que différent, car il implique une notion familiale et donc affective. Ils ne pourraient pas, selon elle, être étudiés au même titre que des personnes âgées qui s’impliquent plutôt auprès de jeunes de leur communauté.

Les enfants stimulent leurs grands-parents…

En faisant de l’exercice avec eux

Se promener, patiner, faire de la balançoire au parc, ce sont autant de pas que le grand-parent ne ferait pas s’il était seul. « Il a été prouvé que faire de l’exercice augmente les résultats aux tests de mémoire de 15 % », note Daniel Geneau.

Les enfants stimulent leurs grands-parents…

En socialisant avec eux

L’interaction humaine est toujours stimulante. « Mais des sujets de conversation différents, un nouveau langage, même comme celui des enfants et des ados, c’est un nouveau monde à suivre, à découvrir. Le défi intellectuel est valorisant », indique M. Morettini.

Les enfants stimulent leurs grands-parents…

En les faisant se sentir utiles

« Se sentir utiles, c’est bon pour le cerveau. Ça a un effet protecteur. Avoir un bon état émotionnel, ça peut prévenir un déclin. On sait qu’une mauvaise santé émotionnelle peut occasionner des problèmes d’attention et de mémoire », soutient M. Morettini.

Les enfants stimulent leurs grands-parents…

En leur apprenant de nouvelles choses

« En vieillissant, on devient moins résistant. Une activité qui demande de rester concentré peut nous fatiguer plus rapidement. Mais le cerveau sera mis au défi d’apprentissage de façon beaucoup plus complexe en jouant au PlayStation, par exemple, qu’en lisant un nouveau livre, si on a toujours été habitué à lire », explique Jocelyn Morettini.

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