5 de 8 La tête ailleurs

Travailler à…
New york

La routine serait-elle moins pénible sous d’autres cieux ? Nombreux sont ceux qui rêvent de travailler à l’étranger. Cet été, La Presse présente chaque semaine un Québécois et sa ville d’adoption.

Nicolas Cojocaru-Durand

Ce diplômé de l’Université de Montréal est arrivé aux États-Unis il y a 10 ans, pour obtenir sa maîtrise en finance de l’Université Princeton, au New Jersey. Cela l’a mené à un stage chez Merrill Lynch à l’été 2008, quelques mois avant le début de la crise financière qui allait forcer la firme à se jeter dans les bras de Bank of America. Il s’est ensuite trouvé en emploi dans un fonds spéculatif, où il se spécialisait dans les produits à revenu fixe. Il habitait alors un appartement à quelques mètres de Ground Zero. En 2015, il a imité plusieurs de ses semblables en quittant la frénésie de Manhattan pour changer d’employeur et s’installer en banlieue, à Larchmont.

Emplois recherchés

New York étant New York, « il y a beaucoup de domaines où il y a des emplois, mais je dirais que le numéro un est le monde de la finance », estime M. Cojocaru-Durand.

« C’est sûr que moi, c’est là que j’ai le plus de contacts, mais la plupart des Québécois que je connais sont dans ce domaine-là ou quelque chose de connexe, comme des actuaires ou des comptables. »

Le secteur des technologies financières (fintech) serait particulièrement porteur, selon lui. Les avocats restent aussi nombreux et demandés.

« De façon générale, il y a beaucoup de possibilités et d’employeurs qui ont de gros incitatifs à recruter à l’étranger », résume-t-il.

La paperasse

« Pour un Canadien, ça demeure relativement facile encore aujourd’hui, mais c’est sûr que les choses sont dans les airs. Pourvu que tu aies une lettre d’un employeur qui s’engage à t’embaucher, tu peux te présenter à la douane et faire étamper ton passeport “TN”. »

Il s’agit là d’un statut réservé aux Canadiens et aux Mexicains, dans le cadre de l’ALENA. Il s’applique en particulier à quelques dizaines de classes d’emplois, nécessitant toutes un certain degré d’études, le plus souvent un baccalauréat.

« La difficulté, c’est que ton statut est lié à ton emploi, rappelle M. Cojocaru-Durand. Si tu perds ton emploi, tu dois partir assez vite. »

Dans son cas, il a depuis réussi à obtenir une carte verte grâce à l’aide de son employeur. Il peut donc changer d’employeur ou rester le temps qu’il faut s’il devait perdre son emploi.

Les dollars

À New York, le logement est de toute évidence ce qui est le plus problématique pour les finances des nouveaux venus.

Quand il a obtenu son premier emploi, en 2009, M. Cojocaru-Durand s’est installé dans un appartement de bonne qualité d’environ 650 pi2 avec une chambre qui lui coûtait 2200 $US par mois. Cinq ans plus tard, le loyer en était à 2650 $US par mois.

« Quand les loyers se mettent à monter ici, ça monte pour vrai… »

On peut toutefois obtenir à New York un revenu beaucoup plus élevé, assorti d’impôts moins élevés qu’au Québec, ce qui rend les choses plus faciles.

Les restaurants sont aussi très populaires.

« On entend toujours parler de gens qui rangent leurs livres dans leur four, parce qu’ils ne font jamais la cuisine, et c’est vrai », observe-t-il. Les prix sont généralement comparables à Montréal, sinon un peu plus élevés. Le transport, par métro ou taxi, l’est moins.

Les préparatifs

Il serait intéressant, avant le départ, de prévoir une rencontre avec un spécialiste pour prévoir la gestion de sa situation fiscale et éviter d’avoir de mauvaises surprises, recommande M. Cojocaru-Durand.

Les Canadiens qui emménagent aux États-Unis décident souvent de cesser de se déclarer résidants canadiens, observe-t-il, mais cela implique de couper presque tous les liens avec le Canada, notamment la détention de propriétés immobilières ou de comptes de banque.

« Il faut notamment voir si on pense retourner au Canada un jour. »

Il pourrait aussi être intéressant de s’ouvrir un compte de banque américain à l’avance, histoire de se bâtir un historique de crédit américain, qui ne tient sinon absolument pas compte de ce que vous avez pu faire au Canada.

« Pour ma première carte de crédit, il a fallu que je donne un dépôt équivalent à la totalité de la marge de crédit », témoigne-t-il.

Le bon

Il y a l’offre culturelle presque illimitée et ses innombrables restaurants de toutes les spécialités (« plus de restaurants que de jours dans la vie d’un humain moyen », selon M. Cojocaru-Durand).

Il y a aussi les communautés.

« La ville se divise vraiment en sous-quartiers qui finissent par devenir comme des villages. On finit par rencontrer le même monde. »

C’est d’autant plus vrai que la ville accueille son lot de jeunes professionnels dans la mi-vingtaine avides de se créer un réseau social.

Le moins bon

« C’est lourd à vivre, témoigne-t-il. Il y a tellement de monde que tous les trois mois, au plus, il faut prendre le temps de sortir de la ville et reprendre son calme. Le rythme est effréné, les gens travaillent fort. J’ai vu beaucoup d’amis faire des journées qui commençaient à 8 h et se terminaient vers 23 h, travailler le samedi, aller prendre une bière, mais passer la soirée sur leur BlackBerry. La pression de performer est constante. »

Ils sont d’ailleurs nombreux, selon lui, à quitter Manhattan dès qu’apparaissent les enfants pour s’installer en banlieue, comme il l’a fait lui-même. « Le prix n’est pas comparable et quand je rentre à la maison, c’est tranquille. Il y a une plage, on peut même faire de la voile. »

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