Qui est  Bertrand Piccard ?

Bertrand Piccard est né à Lausanne, en Suisse en 1958. Il est le fils de l’océanographe Jacques Piccard et le petit-fils du physicien Auguste Piccard.

Parallèlement à ses études en médecine psychiatrique, où il s’intéresse notamment aux thérapies sous hypnose, il se passionne pour les vols libres en deltaplane et obtient ses licences de planeur, de montgolfière et d’avion.

À sa troisième tentative, il réussit le premier tour du monde en ballon en 1999 (en 20 jours) avec le pilote britannique Brian Jones.

Après plusieurs essais, il réalise un tour de monde entre mars 2015 et juillet 2016 à bord d’un avion solaire qu’il conçoit avec André Borschberg (le Solar Impulse). Il raconte son aventure dans le livre Objectif Soleil, publié en 2017.

Au cours de cette aventure, il établit un record de vol en solitaire sans ravitaillement ni escale. Un vol d’une durée de 5 jours et 5 nuit où il parcourt 8900 km.

Avec son coéquipier André Borschberg, il fonde l’Alliance mondiale pour les technologies propres, qui fait la promotion des énergies renouvelables et du développement durable.

— Jean Siag, La Presse

entrevue avec L’aéronaute bertrand piccard

1000 solutions (rentables) pour la planète

L’aéronaute suisse Bertrand Piccard était à Montréal, hier, pour l’ouverture de l’événement Movin’On, sur la mobilité durable. Celui qui a fait le tour du monde en ballon (en 20 jours !), puis dans un avion solaire (pendant un peu plus d’un an), veut maintenant convaincre les chefs d’État et d’entreprises que les solutions écologiques peuvent être rentables. La Presse l’a rencontré.

Le hasard a fait qu’il porte le même nom que le capitaine de l’Enterprise, vaisseau-vedette dans la série Star Trek. Là ne s’arrêtent pas les comparaisons. Bertrand Piccard, qui a commencé sa carrière comme médecin psychiatre, est lui aussi capitaine. L’aventurier suisse a en effet commandé pendant 16 mois l’avion solaire Solar Impulse, avec lequel il a fait le tour du monde, sans carburant.

Depuis son retour, à l’été 2016, il s’est lancé un autre défi : mettre en place un portfolio de 1000 solutions environnementales, petites et grandes, qui auront une certification de rentabilité.

« Il faut être lucide, les gens changeront leurs habitudes seulement s’ils y voient un avantage personnel, a-t-il martelé hier matin dans le grand chapiteau bondé, monté à l’extérieur de L’Arsenal. Cet avantage est simple : leurs investissements doivent rapporter de l’argent. Tout projet de développement durable ou lié à la protection de l’environnement doit être présenté sous cet angle. »

En entrevue avec La Presse, Bertrand Piccard en rajoute : « Il ne faut pas se battre contre ceux qui font faux, il faut essayer de les motiver à faire mieux, en leur montrant à quel point c’est plus rentable de faire mieux. Dans la moitié des États-Unis, le solaire et l’éolien produisent de l’électricité moins chère que le charbon. Il faut mettre en place des changements globaux, parce qu’on est au bord du gouffre. »

Garantir la rentabilité économique

La première étape consistera à sélectionner les solutions, à les faire expertiser et à les certifier. Une entente de collaboration avec l’incubateur de start-up Canada Cleantech vient d’ailleurs d’être signée.

« Pour la première fois, on aura un label qui garantit la rentabilité économique de solutions environnementales. »

— Bertrand Piccard

Le Dr Piccard se réjouit d’ailleurs que ses partenaires financiers injectent près de 4 millions CAN par année dans sa fondation.

Des exemples de solutions écologiques, il en a plein. Un procédé qui permet de rendre l’eau potable en la faisant passer dans des microchamps électriques. Un processus permettant d’injecter de l’hydrogène dans la chambre de combustion d’un moteur. Une mousse en polyuréthane conçue pour isoler des cabines de pilotage, aujourd’hui utilisée dans les réfrigérateurs pour réduire la consommation d’énergie. Voilà le genre d’initiatives qu’il recherche.

« Il faut autant de petites que de grandes solutions, plaide-t-il. Tout est bon à prendre. Si vous mettez en place toutes les solutions d’aujourd’hui, vous divisez par deux les émissions de CO2. »

Miser sur les mesures incitatives

Autre sujet abordé à Movin’On : la nécessité de mettre en place des mesures incitatives pour diminuer les émissions de CO2. « Imaginez des voies réservées aux voitures électriques, qui dépasseraient toutes les voitures à combustion coincées dans des bouchons, a illustré Bertrand Piccard. C’est de cette façon que les changements durables vont se faire. Quand les gens verront qu’ils ont intérêt à le faire. »

Cela dit, le Dr Piccard admet qu’il vaut mieux réglementer l’environnement pour que les gens cessent de polluer comme bon leur semble.

« La réglementation aujourd’hui est archaïque, regrette le médecin aéronaute. Elle permet l’utilisation de systèmes énergétiques archaïques. Le moteur à combustion, c’est archaïque. Ça a 27 % de rendement, alors que le moteur électrique a un rendement de 97 %. Les maisons sont mal isolées. Les ampoules à incandescence et les radiateurs électriques sont une catastrophe. »

« Il faut revoir notre façon de consommer l’énergie. »

— Bertrand Piccard

D’ici à la fin de l’année, Bertrand Piccard espère que l’Alliance mondiale des solutions efficientes, qui chapeaute son projet, aura en main ses 1000 solutions.

Tournée mondiale en 2019

Le prochain objectif de Bertrand Piccard est d’entamer une tournée mondiale dès 2019 pour rencontrer des chefs d’État et d’entreprise et leur présenter les technologies, produits et processus industriels qui protègent l’environnement tout en étant rentables. « On veut miser sur les projets d’efficacité énergétique et l’utilisation des matières premières, précise-t-il. On va aussi les aider à mettre en place ces solutions. »

« J’ai rencontré plusieurs de ces chefs d’État et d’entreprise, ils savent ce que je fais, ils attendent les résultats, poursuit Bertrand Piccard. C’est à ça que ça a servi, Solar Impulse. Dès le départ, c’était pour moi une manière d’enthousiasmer le monde économique et politique autour de ces questions de technologies propres et d’énergies renouvelables. C’était une façon de crédibiliser ma démarche. »

Bertrand Piccard, qui est un ardent défenseur de l’électrification des transports, croit par ailleurs que le covoiturage, encouragé et valorisé dans de nombreuses villes, n’est pas une panacée. « Même s’il y a moins de voitures sur les routes, celles qui roulent feront plus de kilométrage et pollueront encore plus. C’est un mythe de croire que moins de voitures égale moins de pollution. D’où l’importance d’électrifier les transports. »

Consensus autour de l’hydrogène

Selon ce connaisseur des énergies renouvelables, ce sont les moteurs à hydrogène qui remporteront la bataille contre les batteries électriques.

« Les moteurs à hydrogène rassemblent tous les acteurs, croit Bertrand Piccard. Les compagnies pétrolières peuvent produire et distribuer de l’hydrogène ; les stations-essence peuvent vendre de l’hydrogène ; les consommateurs pourront recharger leur voiture en 2 minutes au lieu de 40 minutes ; et les gouvernements pourront taxer l’hydrogène, donc eux aussi seront heureux. Mais pour l’instant, le coût de l’hydrogène est encore élevé. »

« Les pionniers ont toujours l’air stupides au début, puis avec le temps, ce qu’ils ont fait paraît évident », ironise Bertrand Piccard en prédisant la mise en service d’une flotte d’avions électriques de 50 passagers « dans huit ans et demi ».

« Lorsque j’ai lancé mon projet d’avion solaire sans combustion, des ingénieurs aéronautiques ont été voir le PDG d’Airbus et lui ont dit : “Ne les aidez pas, ils n’arriveront jamais à faire cet avion.” Quand on a construit l’avion, ils sont retournés le voir et ils lui ont dit : “Ne les aidez pas, ils n’arriveront jamais à le faire voler.” Quand il a volé, ils ont dit qu’il allait s’écraser et quand il ne s’est pas écrasé, ils lui ont dit : “Vous devez absolument développer un programme d’avions électriques.” »

Le sommet Movin’On se poursuit jusqu’à demain à L’Arsenal.

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