Huit questions sur les chargeurs

Ils sont devenus essentiels dans nos vies numériques et, pourtant, on en sait très peu sur leur fonctionnement. Isidor Buchmann, président et fondateur de Cadex Electronics, Kamal Al-Haddad, professeur au département de génie électrique de l’École de technologie supérieure, et Frédéric Nabki, professeur au département d’informatique de l’UQAM, répondent à nos questions sur les chargeurs.

Un chargeur payé 3 $ au dépanneur est-il aussi bon que celui que je paierais plus cher ou qui est livré avec mon appareil ?

Fort probablement pas. Oui, il existe des chargeurs de qualités différentes, ont assuré les trois experts que nous avons consultés, et il vaut généralement la peine d’en acheter un de bonne qualité, quitte à dépenser davantage.

Les mêmes experts ne s’entendent toutefois pas sur les raisons. Deux d’entre eux font valoir les risques de dommages à la pile de votre appareil. L’autre n’y croit pas, mais se méfie des connecteurs qui peuvent endommager la prise de votre téléphone.

« Un connecteur bon marché n’est peut-être pas usiné avec le même degré de précision et ça peut entraîner une usure prématurée sur l’appareil, on voit ça très souvent », prévient Frédéric Nabki.

Un mauvais chargeur peut-il endommager ma pile ?

Oui, selon Isidor Buchmann et Kamal Al-Haddad.

Le rôle d’un chargeur est de convertir le courant alternatif issu des prises murales en courant continu, apte à charger la pile. Dans les faits, explique M. Al-Haddad, un mauvais chargeur peut laisser passer du courant alternatif, inutilisable par la pile. Celui-ci disparaît en pure perte. Pire, il est souvent converti en chaleur. Or la chaleur est l’ennemi numéro un des piles d’appareils mobiles et peut réduire leur durée de vie.

« Une pile prévue pour durer quatre ans peut en durer trois, voire deux », estime-t-il.

Est-ce que les appareils mobiles disposent d’une protection contre de mauvais chargeurs ?

La très grande majorité des appareils mobiles modernes dispose de circuits électroniques qui supervisent eux-mêmes la recharge de la pile. Ils ont notamment pour fonction de doser le courant pour qu’il respecte la courbe qui sera la plus efficace dans le cas particulier de cette pile.

C’est la raison pour laquelle Frédéric Nabki se distingue de nos autres experts en ne croyant pas à un effet à long terme sur la durée de vie de la pile en cas d’utilisation d’un mauvais chargeur.

La qualité d’un chargeur peut-elle avoir un impact sur ma facture d’électricité ?

Oui, mais de façon très minime. M. Al-Haddad évalue qu’un mauvais chargeur peut occasionner des pertes électriques de l’ordre de 3 % à 5 % par rapport à un autre de meilleure qualité. Charger une pile typique de téléphone mobile, d’une capacité d’environ 3000 milliampères/heure (mAh), coûte environ 0,1 ¢.

Comment savoir si un chargeur est bon ou mauvais ?

Le problème, c’est que c’est à peu près impossible à savoir avant de l’acheter et de l’utiliser, puisque les particularités techniques pertinentes ne sont généralement pas fournies, note M. Al-Haddad. Et même celles qui sont écrites ne sont pas nécessairement fidèles à la réalité, rappelle M. Nabki. « S’il devient chaud, son efficacité n’est probablement pas bonne, indique quant à lui M. Buchmann. Un chargeur de qualité ne devrait pas devenir chaud. »

Les chargeurs « rapides » vendus par certains fabricants peuvent-ils réellement faire le travail plus vite ?

Oui. D’abord, il faut savoir qu’un chargeur typique n’utilise qu’une fraction de la capacité électrique d’une prise murale ordinaire. Ceux qui ont à la fois un iPhone et un iPad ont d’ailleurs peut-être déjà constaté que leur tablette se chargeait beaucoup plus lentement s’ils la reliaient à la prise de leur téléphone plutôt qu’à la sienne. C’est que les deux chargeurs n’ont pas la même capacité, pour recharger des piles qui sont elles aussi différentes.

Comment connaître la « vitesse » d’un chargeur ?

En sortant ses lunettes. Parmi les tout petits caractères inscrits sur l’adaptateur du chargeur se trouve généralement la description du courant qu’il fournit à la sortie, exprimée en volts et en ampères. Plus ces deux données sont élevées, plus le travail peut, normalement, se faire rapidement.

La multiplication de données de tension et d’intensité fournit une donnée exprimée en watts, qui est aussi un bon indicateur et que l’on peut trouver sur certains chargeurs, notamment ceux d’Apple. Un chargeur de 5 V et 2 A a ainsi une puissance de 10 W.

Y a-t-il un risque à utiliser un chargeur « rapide » ?

Il est d’abord très important de vérifier que l’appareil est compatible avec la tension (volts) et l’intensité (ampères) fournies par l’adaptateur, ou vous risquez de l’endommager. Le risque est quand même minime. La grande majorité des chargeurs, même plus puissants, peut automatiquement revenir à une tension « standard » de 5 V si elle détecte que l’appareil relié n’en acceptera pas davantage.

Certaines études démontreraient toutefois que ces chargeurs rapides ont un impact négatif sur la durée de vie de la pile. Isidor Buchmann y croit : « Ça cause un stress sur la batterie qui réduit le nombre de fois où elle pourra être rechargée. »

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