Plein air

Faire le ménage sur l’Ama Dablam

L’Ama Dablam n’est pas une des plus hautes montagnes du monde. Ce sommet népalais de 6812 m est toutefois considéré comme une des plus belles montagnes de la planète… si on ne regarde pas tout ce qui traîne autour des camps d’alpinistes.

« En 2018, je guidais une expédition sur l’Ama Dablam, raconte Dominic Asselin, guide et fondateur d’Attitude Montagne. Ça m’a choqué de voir la quantité de déchets et le nombre de cordes fixes abandonnées par les expéditions. »

Ces vieilles cordes fixes posent un danger certain pour les alpinistes.

« Pendant tout le temps que j’étais sur l’Ama Dablam, mon plus gros risque, c’était de choisir la bonne corde et d’être sûr que ça allait tenir, que nous n’allions pas tous mourir parce que nous avions des cordes qui allaient lâcher. »

Dominic Asselin et sa conjointe Isabelle Losier ont décidé de monter une expédition spéciale au printemps 2020 pour nettoyer l’Ama Dablam. Il ne s’agira pas seulement de ramasser les déchets, mais de faire disparaître les cordes fixes dangereuses, d’installer des scellements pour éliminer les ancrages douteux et d’entreprendre un travail d’éducation.

Certains gouvernements réussissent à gérer le problème des déchets sur les montagnes, mais en général, il s’agit de sommets peu techniques. Ou encore, le nombre de sommets est limité. On pense ainsi à l’Aconcagua, en Argentine, ou au Denali, en Alaska.

« Au Népal, il y a tellement de grands sommets utilisés par différents groupes que le pays ne peut pas procéder par réglementation. Il faut y aller avec une prise de conscience des gens. »

— Dominic Asselin, guide et fondateur d’Attitude Montagne

Les alpinistes ont une grande responsabilité.

« Chaque geste qu’ils font pour faire en sorte qu’ils réussissent absolument leur sommet va avoir une conséquence, explique Dominic Asselin. Si quelqu’un se pousse à la limite, au point de ne plus être en mesure de redescendre, cela va obliger son guide à prendre une partie de son équipement. C’est sûr que celui-ci devra abandonner des déchets, de l’équipement. »

Christian Lévesque, ancien rédacteur du magazine Espaces et propriétaire d’une boîte de production, se joindra à l’expédition pour réaliser un film afin de sensibiliser les gens.

Eric Desrosiers, qui faisait partie de l’expédition de 2018 guidée par Dominic Asselin, complétera l’équipe.

« Il connaît déjà l’Ama Dablam et c’est un entrepreneur général, souligne M. Asselin. Il est donc à l’aise avec tout le volet outils manuels. »

Effectivement, il faudra utiliser des perceuses pour installer des scellements (des ancrages fixes). Et pour recharger les perceuses électriques, il faudra une génératrice.

« Nous ne serons pas capables d’apporter une deuxième génératrice. Nous sommes donc en train de regarder si nous pouvons faire une formation pour réparer la génératrice. »

Isabelle Losier est responsable de la logistique, qui sera plutôt compliquée : il faudra apporter environ 590 kg d’équipement sur la montagne et rapporter environ 660 kg de déchets.

« Nous sommes presque à minuit moins une, affirme Mme Losier. Si nous voulons envoyer une partie du matériel par bateau, il faut quasiment l’envoyer en septembre prochain. »

Une fois sur place, Dominic Asselin et Eric Desrosiers coucheront sur la paroi dans un portaledge (une tente suspendue), pour ne pas perdre des heures à monter ou descendre des camps établis. Les porteurs monteront l’équipement et descendront les déchets.

Dans le passé, le fait d’installer des ancrages fixes sur une voie d’escalade ou d’alpinisme a parfois soulevé la controverse.

« Nous nous sommes questionnés là-dessus, indique Dominic Asselin. Mais à l’heure actuelle, on installe déjà des cordes fixes. Pour les ancrages, on enroule des mètres de cordes autour de roches, on utilise des piquets de métal qu’on enfonce dans une fissure, on utilise de vieux pitons. Donc, on le fait déjà. »

Toutes ces cordes restent sur place et s’accumulent au cours des années.

« Que quelqu’un vienne me dire qu’environnementalement ou éthiquement parlant, c’est moins beau de driller un scellement et le coller dans la roche que d’enrouler 20 m de corde autour d’une roche et d’utiliser de vieux piquets, je suis prêt à en discuter. »

L’équipe a commencé à parler de son projet avec le ministère népalais du Tourisme, le parc national Sagarmatha et la Nepal Mountaineering Association.

« Jusqu’ici, ils sont emballés », soutient Dominic Asselin.

Les Québécois veulent que leurs efforts débouchent sur quelque chose de permanent. Ils ont donc lancé un organisme à but non lucratif (OBNL), High Altitude Mountain Cleaners, qui pourra poursuivre le travail sur d’autres montagnes. Mais avant tout, il faudra faire en sorte que les déchets ne s’accumulent pas de nouveau sur l’Ama Dablam.

« Avec l’OBNL, on pourrait former les gens localement », indique M. Asselin.

La création de l’OBNL devrait également faciliter le financement de l’expédition de 2020 sur l’Ama Dablam. Dans le cadre d’une campagne de sociofinancement, l’équipe propose aux donateurs de commanditer un scellement. Un élément n’est pas au programme : le sommet.

« Si nous réussissons à finir le travail rapidement, peut-être que certains tenteront leur chance, mais ce n’est pas l’objectif », précise Dominic Asselin.

Suggestion vidéo

La meilleure skieuse

Le magazine Powder a attribué le prix de la meilleure performance féminine en ski en 2018 à Elyse Saugstad, alors que le magazine Freeskier l’a choisie comme skieuse de l’année. Voici pourquoi.

Le chiffre de la semaine

125

C’est le nombre de kilomètres que les aventuriers Frédéric Dion, Jacob Racine et Daniel Barriault veulent parcourir sur un bout de banquise jeudi, entre Trois-Rivières et Québec.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.