Sexualité

L’a b c du BDSM

Il suffit de placer les lettres BDSM les unes à la suite des autres pour que s’imposent à l’esprit des scènes mêlant cuir, latex, fouet et menottes.

Des images un peu floues, il faut l’admettre, puisque la majorité des gens ne connaissent cet univers qu’à travers la culture populaire : un film de Kubrick, un clip de Rihanna et – bien évidemment – les aventures d’Anastasia Steele et de son cher monsieur Grey.

« Juste des petites menottes du sex shop, c’est aussi du BDSM, mais très soft », juge toutefois Jessica Caruso, professionnelle en sexologie et auteure d’un livre consacré aux pratiques telles que le bondage, la domination, la soumission, le sadisme et le masochisme qui vient de paraître chez VLB éditeur (BDSM – Les règles du jeu). « Si on pense au BDSM de façon moins extrême, il y a quand même beaucoup de monde qui le pratique. »

Prendre plaisir à attacher son compagnon de galipettes à l’occasion fait partie du spectre des pratiques BDSM, donc, mais ce n’est pas l’objet de l’essai de Jessica Caruso. Celui-ci vise plutôt à démystifier les motivations et les codes utilisés par ces gens dont la vie érotique intègre ces pratiques et qui formeraient une communauté d’environ 400 personnes dans la région de Montréal. Bref, son essai n’est pas un guide de nœuds, mais plutôt une initiation théorique à cet univers où se mêlent douleur et plaisir.

JOUER, PAS JOUIR

Jessica Caruso, qui a creusé ce sujet dans le cadre de ses études de maîtrise en sexologie à l’UQAM, se pose d’emblée comme une observatrice neutre. Son livre repose en grande partie sur des discussions avec des adeptes de BDSM et sur les scènes auxquelles elle a pu assister dans des soirées organisées il y a quelques années dans la grande région de Montréal.

Autre précision d’importance : le BDSM n’est pas une pratique sexuelle à proprement parler, selon elle, mais plutôt une activité érotique. 

« Ce qui est sexuel n’est pas que génital, mais quand même axé sur la stimulation des parties génitales et des zones érogènes. Ce qui est érotique peut inclure ça, mais ce n’est pas obligatoire. C’est plus dans l’ambiance, dans la fantasmatique, dans le fait de stimuler les sens et l’imaginaire. »

— Jessica Caruso, professionnelle en sexologie et auteure de BDSM – Les règles du jeu

Ces images de gens vêtus – ou court vêtus – de latex ou de cuir noir ne sont pas fausses, non. Or, le néophyte s’étonnera d’apprendre que les soirées BDSM n’ont rien à voir avec les soirées échangistes ou les orgies libertines. En fait, dans plusieurs cercles, les contacts génitaux sont carrément proscrits. « On peut voir des organes génitaux, il y a exhibition, mais pas de rapports sexuels », précise-t-elle.

Elle a souvent vu des femmes se faire stimuler par des vibrateurs et, à l’occasion, des gens avoir des relations sexuelles de manière très discrète dans un coin. Sans plus. « Les gens voient souvent le fait de jouer en public comme une forme de préliminaires, expose-t-elle. Après, ils rentrent à la maison pour vivre une sexualité plus complète. »

THÉÂTRE VIVANT

« Jeu », « scène », « rôle », les termes employés par l’auteure – et les adeptes – renvoient le plus souvent au monde du théâtre. « C’est pour souligner que c’est un acte qui s’inscrit hors de la réalité. Le soumis n’est pas nécessairement soumis dans la vie et le dominant n’est pas forcément dominant non plus. Ces gens mettent un masque et c’est pour ça qu’on appelle ça un rôle.

« La grande majorité des gens abordent le BDSM comme un jeu. Un peu comme une soirée de meurtre et mystère où on se crée un personnage et qu’on le tient pendant toute la soirée », poursuit Jessica Caruso. L’essence du BDSM repose en fait sur une érotisation des jeux de pouvoir qui se traduit par une stimulation psychologique, sensuelle et physique. « L’objectif du BDSM est d’accentuer les rapports de pouvoir, précise l’auteure d’agir sur eux. »

Une bonne partie de son essai s’attarde d’ailleurs aux rapports de domination et de soumission, dont la déclinaison la plus extrême serait sans doute celle du maître sadique et d’un esclave masochiste. Ces jeux ne sont pas faits « n’importe comment ». « En général, c’est structuré et ces gens savent ce qu’ils font, dit l’auteure. L’objectif, c’est d’avoir du plaisir. »

La clé : le consentement

L’élément central des pratiques BDSM bien régulées est le consentement. Avant de jouer une scène, les joueurs devraient en effet s’entendre explicitement sur ce qui est permis, ce qui ne l’est pas et quelles sont les limites de l’un et de l’autre. Parfois, ces permissions et limites sont même consignées par écrit. « Ce qui est négocié, ce sont les pratiques qu’il est possible de vivre ou non au cours d’une scène, explique Jessica Caruso. Le soumis sait ce qui peut se passer ou non, mais c’est tout. Le déroulement et le contexte dans lequel ça se passe, c’est une surprise. » Le consentement doit par ailleurs être validé au cours de la scène et l’usage d’un code de sécurité (un safeword) est fortement recommandé en cas de malaise. Et non, les adeptes de BDSM ne sont pas au-dessus des lois : en 2013, un homme a d’ailleurs été condamné à la prison au palais de justice de Longueuil après qu’un jeu sadomasochiste ait mal tourné et causé la mort de sa partenaire.

BDSM Les règles du jeu

VLB éditeur Jessica Caruso 222 pages

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