Boissons sucrées hautement alcoolisées

Enfin, du balai !

Pour une fois, ça n’a pas traîné. Les boissons sucrées lourdement alcoolisées seront bientôt beaucoup plus difficiles d’accès pour les mineurs, et Québec aura leurs publicités à l’œil, promet le ministre de la Sécurité publique. Bravo, mais il faut aussi regarder du côté des prix.

Exit le coma en canette. Les boissons dont la forte teneur en alcool est rendue indétectable par l’addition de sucre, comme le Four Loko, et même de caféine, comme le FCKD UP, ne pourront plus être vendues dans les dépanneurs et les épiceries, a annoncé le ministre Martin Coiteux mardi. Les mélanges à base d’alcool de malt titrant à plus de 7 % pourront seulement être offerts dans les succursales de la SAQ… si elle le souhaite.

Québec se dotera aussi d’un système de veille pour repérer les publicités d’alcool sur les réseaux sociaux, ce qui lui permettra de vérifier si elles sont conformes, et d’imposer des amendes dans le cas contraire.

Ces mesures pourront entrer en vigueur avant les élections parce qu’il s’agira d’amendements à un projet de loi déjà sur la table, a indiqué le ministre Coiteux.

Évidemment, on aurait préféré ne jamais voir des aberrations comme le Four Loko et le FCKD UP sur les rayons des dépanneurs, afin que des jeunes de 14 ans comme Athena Gervais ne puissent pas s’en procurer si facilement.

C’est d’autant plus choquant que les dangers de ces mixtures ciblant les jeunes sont connus depuis longtemps aux États-Unis, et que les urgences des hôpitaux québécois ont signalé plusieurs cas de mineurs en état d’ivresse très avancé avec de telles boissons au cours de la dernière année.

Modifier la réglementation dans le but avoué d’exclure une sous-catégorie de produits n’est toutefois pas si simple qu’il n’y paraît. À voir l’attitude des fabricants de ces lucratives potions (leurs publicités contrevenant outrageusement à la réglementation, leur lenteur à retirer leurs produits), il est évident qu’ils n’auraient pas lâché leur proie facilement. Il aura fallu une mort pour refroidir leurs ardeurs, c’est tout dire. Un autre des amendements annoncés, qui permettra au gouvernement de stopper la fabrication et d’ordonner la destruction d’un produit, devrait permettre d’intervenir plus rapidement à l’avenir.

Reste que le Québec est, avec l’Alberta, la seule province à ne pas fixer de prix minimum pour l’ensemble des boissons alcoolisées. Ici, seule la bière est soumise à un prix minimum.

On le sait maintenant : une canette de 568 ml de FCKD UP à 11,9 % d’alcool contient l’équivalent de quatre consommations. Cette boisson qui était offerte en promotion à 3,50 $ la canette permettait donc de se procurer l’équivalent d’un verre d’alcool pour à peine 0,88 $. C’est très peu : avec la réglementation sur le prix minimum de la bière, un verre de bière à 3,5 % coûte au moins 1,64 $, a calculé l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ).

Le ministre Coiteux n’a montré aucun intérêt pour le sujet, faisant valoir que le retrait des dépanneurs était un geste beaucoup plus fort.

Fixer un prix plancher pour l’équivalent d’un verre d’alcool standard serait un changement majeur – trop, sans doute, pour l’inclure dans le projet de loi actuel. Mais il faut poursuivre la réflexion.

Appliquer un prix minimum à l’ensemble des boissons enverrait un signal de modération plus fort et plus cohérent. Et ça rendrait les boissons sucrées à forte concentration en alcool moins abordables, donc moins attrayantes – en particulier aux yeux des jeunes, qui sont très sensibles aux prix. Avec le taux recommandé par l’INSPQ (1,71 $ par verre standard), des boissons comme le FCKD UP ou le Four Loko se vendraient au moins 6,84 $ la cannette, soit presque deux fois plus cher qu’actuellement. Ça mérite d’être exploré.

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