OPINION HÔPITAL SAINTE-JUSTINE

Le médecin pédiatre Jean-François Chicoine rappelle les origines de la célèbre institution montréalaise au moment où cette dernière est, selon lui, menacée par sa fusion avec le CHUM.

Opinion : Hôpital Sainte-Justine 

Une raison d’être pour l’éternité

« Qui osera commettre le crime de débaptiser l’hôpital Sainte-Justine pour enfants malades ? », écrit dans une lettre ouverte au Devoir, en 1965, le Dr Robert Favreau, à l’époque doyen des médecins de Sainte-Justine.

Madeleine des Rivières rapporte que la rumeur veut alors que le gouvernement de Jean Lesage accueille positivement la proposition d’un hôpital universitaire qui fusionnerait Sainte-Justine sur son propre site avec les « adultes », et en ne consacrant que 130 lits aux enfants.

Justine Lacoste-Beaubien, de ses 88 ans, réplique alors à Jean Lesage, lui rappelant le credo incarné dans les murs de Sainte-Justine. Dehors, c’est le tollé : appuis pour la sauvegarde de Sainte-Justine par l’ensemble des hôpitaux montréalais, soutien de sommités médicales américaines, participation proactive de journalistes comme Claude Ryan, ainsi qu’un coup de pouce du ministre de la Famille et du Bien-être social… René Lévesque. Lesage se ravise : cette fois, le démantèlement est évité.

Éternel recommencement

Dans un discours prononcé en juin dernier à cette même Chambre de commerce du Montréal métropolitain, qui honorait Justine Lacoste-Beaubien plus de 50 ans auparavant, la direction partagée des établissements nommait maintenant « alliance », pour alliance du CHU Sainte-Justine avec le CHUM, la fusion à concrétiser des établissements.

Pour la majorité des experts concernés, cet inceste légitimé annonce décidément une survie bien ordinaire aux soins pédiatriques du Québec, à la recherche et à l’enseignement de pointe ainsi qu’aux politiques de prévention et de promotion de la santé et de la cause des enfants qui inspirent trop tièdement nos dirigeants.

À voir évoluer les choses dans la « grappe » du CHUM, c’est maintenant Jeanne Mance (1606-1673), cofondatrice de la ville et fondatrice de l’Hôtel-Dieu, qui sera bientôt couronnée cofondatrice de Sainte-Justine, loin devant Justine, Irma et les dames patronnesses !

Plus encore, en forçant le révisionnisme antiféministe, on pourrait presque imaginer l’homme qui nous débarrasserait une fois pour toutes du souvenir de toutes ces bonnes femmes débordantes d’humanité…

« Dieu en ayde », c’est la devise inscrite sur les armoiries d’origine incrustées dans le plancher quand vous entrez par la porte principale du CHU Sainte-Justine. Dieu en aide, oui… mais pendant encore combien de temps ?

Cet été, à l’occasion de notre anniversaire montréalais, racontez notre histoire à vos enfants, faites-le avec détails, passion, dans l’action. Ils se projetteront mieux vers leurs propres avenirs, d’ici à ce qu’ils vous gâtent un jour de leurs petits-enfants.

Grâce à vous, à travers eux et la mémoire de femmes exceptionnelles, Sainte-Justine aura sa raison d’être pour l’éternité.

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