Arts visuels

protestation artistique pour une plus grande diversité au MAC

Des artistes visuels de la diversité montréalaise ont perturbé quelque peu le lancement d’une exposition de Marie Chouinard au Musée d’art contemporain de Montréal (MAC), hier soir, a constaté La Presse. Emmenés par l’artiste longueuillois Stanley Février, ils réclamaient plus de visibilité dans les musées et centres d’art québécois.

Les artistes visuels de la diversité montréalaise sont-ils justement considérés par les musées ? Collectionnés ? Exposés ? Impliqués dans les conseils d’administration ?

L’artiste visuel québécois d’origine haïtienne Stanley Février pense que non. Et il dit avoir fait ses devoirs depuis des années pour constater que les artistes étrangers et québécois « pure laine » tiennent le haut du pavé dans les expositions muséales et les acquisitions d’œuvres.

Il a donc décidé d’utiliser l’expression artistique pour éveiller les consciences et, hier soir, a invité La Presse à venir assister à une performance en ce sens.

En compagnie d’autres membres de la communauté artistique montréalaise, dont la sculptrice et enseignante Maria Ezcurra, les artistes My-Van Dam et Marilou Craft, et la commissaire et historienne de l’art Nuria Carton de Grammont, il a investi le MAC avec une action d’éclat.

Pourvus de cartons sur la tête ou recouverts d’un costume noir et traînant à leurs pieds, comme un boulet, des copies de pages de rapports annuels du MAC, les artistes et leurs supporteurs (notamment des élèves en arts du cégep Marie-Victorin), soit une cinquantaine de personnes, sont entrés dans le musée dans une sorte de procession funèbre.

Arrivés sur les lieux, ils se sont heurtés à des agents de sécurité qui veillaient au bon déroulement du vernissage d’une exposition de la chorégraphe Marie Chouinard, Zéro douze, qui expose au MAC jusqu’au 29 septembre des dessins et des textes dans le cadre du Festival international de littérature.

Mais la direction du musée a laissé les artistes faire leur performance, qui consistait à lire leur « Manifeste des inconnus » et à passer à la déchiqueteuse des exemplaires de rapports annuels du MAC.

Le manifeste tend la main à la « majorité » et réclame plus de justice envers les artistes de la diversité. « Arrêtons de minoriser la différence et attaquons-nous aux causes profondes de l’exclusion systémique dans les arts. Nous sommes les inconnus, les sans-chalets, les sans-papiers, les travailleurs temporaires, les réfugiés, les artistes, les racisé.e.s défenseurs d’une République aux accents multiples », ont-ils déclamé.

Le manifeste ne visait pas seulement le MAC, mais nommait aussi le Musée des beaux-arts de Montréal, le Musée national des beaux-arts du Québec et le Musée d’art de Joliette, et mentionnait les noms de Guy Laliberté, de Robert Lepage, de Phyllis Lambert et de nombreux médias, dont Radio-Canada, Télé-Québec et Québecor.

« Il y a plein d’artistes à Montréal dont on ignore la vraie valeur. Ils sont sous-représentés, et le Musée d’art contemporain a un pouvoir : celui de déterminer qui est artiste contemporain et qui ne l’est pas. »

— Stanley Février

Stanley Février considère que le MAC, puisqu’il reçoit du financement public, devrait exposer plus souvent des artistes québécois représentatifs de la démographie québécoise, plutôt que de se concentrer sur des artistes étrangers.

« Montréal est une ville cosmopolite avec une diversité artistique, et c’est notre argent aussi qui finance le musée, donc on a notre place », dit-il.

Les rapports annuels du MAC des 50 dernières années ont été symboliquement passés au déchiqueteur « pour créer une nouvelle histoire, pour que les prochains rapports du MAC reflètent exactement ce qu’est Montréal », dit Stanley Février, qui a créé un site internet, mac-i.com, qui pastiche celui du MAC tout en faisant la promotion du Manifeste des inconnus et d’artistes de la diversité qui mériteraient, selon lui, d’être exposés dans les musées québécois.

John Zeppetelli, directeur et conservateur en chef du MAC, a accueilli cette manifestation avec bienveillance, et a même échangé quelques minutes avec Stanley Février. Il a promis de faire un suivi des demandes de ces artistes de la diversité.

« On est sensibles aux enjeux de la diversité, a dit John Zeppetelli à La Presse. L’été prochain, nous aurons une exposition, une sorte de triennale, avec des artistes québécois de partout. Les conservateurs Mark Lanctôt et François LeTourneux font actuellement les visites d’atelier. Et, actuellement, on expose les œuvres de l’artiste autochtone Rebecca Belmore, issue de la diversité, et des photographies de Francis Alÿs d’enfants du monde entier, dans le cadre de Momenta. »

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