Science

De la vie sur Pluton ?

Boston — « Pluton est la nouvelle Mars. » Telle est la conviction catégorique d’Alan Stern, responsable de la mission New Horizons, qui a scruté pendant six mois la surface de Pluton et de sa lune Charon, à partir de juillet 2015.

Ce que M. Stern veut dire, c’est que les découvertes sensationnelles de la sonde de la NASA rehaussent l’intérêt d’autres missions vers Pluton. « On a vu plein de choses qu’on n’aurait jamais imaginées », expliquait M. Stern, à la mi-février, à la réunion annuelle de l’Association américaine pour l’avancement des sciences (AAAS), à Boston. « Des glaciers en évolution, des interactions entre l’atmosphère et la surface, une stratification des gaz en fonction de l’altitude. Nous avons observé des sommets volcaniques de 4 km, larges de 100 km, qui ont moins de 1 million d’années. »

En résumé, l’astrophysicien de la NASA pense qu’il existe un océan souterrain sur Pluton qui abrite peut-être de la vie bactérienne, qu’il faut y envoyer une sonde d’ici 25 ans qui observera probablement des liquides en surface et – évidemment – qu’il faut redonner à Pluton son statut officiel de planète.

« Il faut revoir la définition de planète pour inclure Pluton, ça n’a pas de bon sens », a expliqué M. Stern, qui est aussi rattaché au renommé institut de recherche Southwest (SWRI), fondé il y a 70 ans par un magnat du pétrole. Découverte en 1930, Pluton a perdu son statut de planète en 2006 en raison de la découverte d’autres objets aussi massifs, sinon plus, dans sa région du Système solaire.

Une lune de Pluton, Charon, a été découverte en 1978. Vers la fin des années 80, un passage de Pluton derrière le Soleil a montré qu’elle avait une atmosphère regroupant au moins trois composés différents, ainsi qu’un gradient de température vertical (une température plus élevée près de la surface, indiquant une certaine densité de l’atmosphère). « Ça a vraiment fait grimper Pluton dans la liste des planètes à explorer, dit M. Stern. Ensuite, il y a eu la découverte des objets de la ceinture de Kuiper (KBO) à partir de 1992. Ça a mené à la rétrogradation de Pluton, mais paradoxalement à plus d’intérêt encore. »

Entre le lancement de New Horizons, en 2006, et son arrivée sur Pluton, quatre autres lunes ont été découvertes, dont deux par l’équipe d’Alan Stern. La sonde va ensuite envoyer des données sur les frontières du Système solaire, qui n’ont reçu la visite que des deux sondes Voyager, lancées il y a 40 ans, avec une capacité de cueillette d’informations 1000 fois inférieure.

Composée de 100 000 objets, dont seulement 1000 ont été formellement identifiés, la ceinture de Kuiper contient des comètes et des planètes mineures (comme Pluton). Il existe 10 planètes naines dans la ceinture de Kuiper et plus de 250 autres candidates à ce statut. L’une d’entre elles, Éris, est légèrement plus massive que Pluton, mais a un diamètre moins grand. C’est la découverte d’Éris, que l’on avait surnommée « la dixième planète », en 2005, qui a précipité la perte du statut de planète de Pluton. Il y aurait en outre de 1000 à 2000 autres planètes naines dans le nuage d’Oort, une zone très éloignée faisant partie du Système solaire dont l’existence n’a pas encore été prouvée.

Un parcours exceptionnel

Alan Stern a travaillé 26 ans sur la mission New Horizons. Tout en analysant les données arrivant au compte-gouttes (5 kbs), il a été recruté par l’équipe scientifique de la mission Europa Clipper, qui va examiner entre 2024 et 2027 la lune de Jupiter, qui abrite un océan souterrain et peut-être la vie bactérienne sous sa surface comme M. Stern le soupçonne pour Pluton. « Je collabore aussi à des projets spatiaux privés », a-t-il ajouté. Une anecdote donne une idée de son acuité et de son énergie. « Je ne suis pas très versé en exobiologie [l’étude de la vie extraterrestre] parce que je n’ai jamais fait de bio de ma vie. Au secondaire, j’ai convaincu le directeur de me donner mon diplôme sans la bio obligatoire parce que je voulais absolument suivre des cours de maths et de physique supplémentaires. »

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.