Les paroles de Trump « me tiennent éveillé la nuit »
C’est ce qui devrait nous inquiéter le plus. Les armes nucléaires ne sont pas conçues pour faire la guerre. Leur rôle est de dissuader l’ennemi. Mais lorsqu’on parle de missiles nucléaires de plus faible puissance, le concept est que nous pourrions les utiliser. Ce serait extrêmement dangereux si des politiciens finissaient par croire qu’il est acceptable de pouvoir utiliser une arme nucléaire.
Le fait que Trump a supposément dit derrière des portes closes qu’il ne comprenait pas pourquoi les États-Unis n’utilisaient pas leurs armes atomiques démontre un important manque de compréhension au sujet de la puissance destructrice de ces armes. On n’a qu’à regarder la destruction de Hiroshima et de Nagasaki. Les armes nucléaires ne sont pas comme des fusils. Leur pouvoir de destruction est si énorme que la seule idée de les utiliser pour mener une guerre devrait nous terroriser. D’ailleurs, suggérer d’utiliser ces armes est une idée très récente. Ce n’est pas comme ça que les gens concevaient l’arme nucléaire [avant l’élection de Trump].
Ce que nous devons faire, c’est avoir un dialogue direct, face à face, avec la Corée du Nord, avec l’aide de la Chine, du Japon et de la Corée du Sud. La Corée du Nord voit les États-Unis comme la plus grande menace à son existence. Comme l’écrit l’ex-secrétaire à la Défense Bill Perry : « Nous devons nous parler en premier lieu, et si nécessaire jouer les durs plus tard. » Je suis d’accord avec ça. Aussi, pour leur parler, nous ne pouvons pas les menacer. Lorsque vous vous asseyez avec quelqu’un pour dialoguer et que vous commencez aussitôt à le menacer, ça ne donne pas de bons résultats.
Les gens qui font cette affirmation ne connaissent pas bien leur histoire. En 1994, grâce au travail du secrétaire à la Défense William Perry, les États-Unis et la Corée du Nord avaient conclu une entente pour faire cesser les efforts de la Corée du Nord pour développer l’arme atomique. Et ça a fonctionné : la Corée du Nord a arrêté. Or, lorsque les républicains ont repris le contrôle du Congrès, ils ont tué cette entente en cessant de la financer. Quand les Nord-Coréens ont vu que nous n’honorions pas l’entente, ils ont repris leurs activités. En 1999, M. Perry a entrepris une série de voyages éreintants en Corée du Nord pour essayer de les convaincre de cesser leur travail sur les missiles à longue portée. Perry faisait des progrès. Puis George W. Bush et Dick Cheney ont pris le pouvoir, et ils ont mis fin aux négociations. Publiquement, ils se sont mis à dire que la Corée du Nord faisait partie de « l’axe du mal ». Dans les deux cas, ce sont les États-Unis qui ont saboté les efforts. Quand vous avez deux côtés qui ne se font pas confiance au départ, ce sont des ententes fragiles… Donc on voit que oui, il est possible de conclure des ententes avec la Corée du Nord, à la condition de tenir parole.
Si vous m’aviez posé la question il y a un an ou deux, je vous aurais répondu que ma plus grande inquiétude est que des terroristes mettent la main sur une arme nucléaire, soit en la volant, soit en se procurant le matériel pour la fabriquer. Or, ce qui me tient éveillé la nuit encore plus maintenant, c’est une inquiétude vis-à-vis des gouvernements qui veulent obtenir des armes nucléaires plus petites, ou augmenter notre arsenal nucléaire, sous prétexte qu’il serait plus facile de l’utiliser. Mon souhait, c’est que ce sont des paroles en l’air et que ça ne se concrétise pas. L’administration Trump n’a pas encore diffusé son plan stratégique de défense et sa position sur l’arme atomique. Il est encore tôt, mais ce qui m’inquiète, c’est que sous Obama, le président et ses secrétaires d’État et à la Défense faisaient et disaient des choses qui visaient à réduire la menace des armes nucléaires. Jusqu’ici, on ne voit pas ce genre d’efforts émaner de l’administration Trump.