Éditorial 

Molson ne quitte pas (vraiment) Montréal 

La brasserie a beau traverser le fleuve, elle se pose à quelques kilomètres de ses installations historiques, et surtout, elle demeure dans la région métropolitaine. Une très bonne nouvelle ! 

On ne pleurera quand même pas le départ d’une entreprise qui franchit simplement le fleuve ! On ne déchirera pas notre chemise parce qu’une société déménage ses pénates 10 kilomètres plus loin ! 

Venons-en à l’évidence : Molson ne « quitte » pas Montréal, elle pérennise plutôt sa présence dans la métropole en optant pour Longueuil. Elle consolide sa présence dans la région où elle est installée depuis 230 ans. Elle construit son futur complexe brassicole dans le Grand Montréal… et non pas à Cornwall, Denver ou Trois-Rivières. 

Il faut avoir une vision étroite de la ville pour voir plutôt là un « coup dur » pour Montréal ! Un véritable « coup dur », ça aurait été de déménager la brasserie à 90 minutes de route, comme Molson est en train de le faire à Vancouver en se réinstallant à Chilliwack. 

Ça, c’est de la délocalisation.

Dans le cas qui nous occupe, la brasserie demeure dans la même région économique. Elle traverse un cours d’eau parce que notre géographie est ainsi faite, mais elle reste dans l’agglomération urbaine. 

Et c’est à l’échelle des territoires métropolitains qu’il faut aujourd’hui penser. Quand on est aux États-Unis et qu’on évoque les installations de Pratt & Whitney à Longueuil, on parle de Montréal. Quand Amazon a lancé son appel de candidatures, elle a invité les « régions métropolitaines » à y répondre, pas les municipalités. 

Bien sûr, spontanément, on se dit qu’il aurait été bien que Molson reste dans l’île. Mais cela n’a qu’une valeur symbolique. Surtout quand on s’attarde aux détails du complexe qui sera construit dans l’arrondissement de Saint-Hubert. 

On parle bien sûr d’un lieu de production, mais surtout d’un centre de distribution. C’est de là que partiront les bières brassées sur place, mais aussi les bières importées en grande quantité par bateau, comme la Heineken, la Murphy’s et la Moretti, qui seront entreposées à Longueuil puis acheminées partout au Canada et dans l’est du continent. 

Est-ce que Montréal a vraiment besoin d’un tel centre de distribution ? Est-ce dans l’île qu’on veut multiplier ces grosses boîtes entourées de portes de garage ? Est-ce en zone urbaine que ces installations industrielles ont leur place ? 

Pas vraiment. C’est pour ça que les grosses entreprises comme Jean Coutu et Costco choisissent de construire leur centre de distribution le long des autoroutes dans des secteurs comme Vaudreuil et Beauharnois. Plus commode pour tout le monde. 

De toute façon, ce n’est pas une perte sèche pour Montréal. Si Molson abandonnait un terrain ingrat pour lequel il n’y a pas d’intérêt, ce serait autre chose. Mais là, il est question d’un site incroyable, au bord du fleuve, qui n’attend qu’une reconversion intelligente. 

Et rien n’empêche Montréal de tout faire pour préserver rue Notre-Dame le siège social de Molson et de la fondation du même nom, avec son histoire et ses quelque 400 employés. Et pourquoi ne pas encourager Molson à continuer de brasser de la bière à petite échelle sur le site qu’elle occupe depuis 1786 ? 

Voilà des installations qui ont une valeur symbolique encore plus grande, pour lesquelles l’administration Plante a les coudées franches pour se battre avec vigueur. Quant aux activités industrielles de la plus ancienne brasserie en activité au pays, réjouissons-nous qu’elles demeurent chez nous.

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