Santé

« Les patients, on les voit »

Année après année, les radiologistes figurent en tête du classement des spécialités médicales les mieux rémunérées au Québec, avec les ophtalmologistes et les chirurgiens. En 2015, la rémunération moyenne brute des radiologistes québécois a été de 660 000 $.

Régulièrement, les critiques fusent sur ces sommes. On reproche aux radiologistes d’être trop payés alors qu’ils ne font que lire des radiographies ou des scans dans une pièce sombre, loin des patients. Le Dr Vincent Oliva, président de l’Association des radiologistes du Québec, entend ces critiques. Il reconnaît qu’avec leur rémunération, les radiologistes « ne feront pleurer personne ». Mais certaines choses doivent absolument être précisées, selon lui. Principalement, le Dr Oliva martèle que ses membres sont bien plus près des patients que ne le veulent les préjugés.

« Depuis plusieurs années, la radiologie d’intervention s’est développée dans le monde. Le Québec n’y échappe pas, dit-il. Ces radiologistes font des gestes techniques, sous repérage radiologique, en salle d’intervention. Les patients, on les voit. »

Parcourir le corps humain avec un cathéter

Impliqués dans le traitement d’une panoplie de pathologie allant de l’AVC au traitement d’hémorragies pulmonaires ou abdominales, les radiologistes d’intervention utilisent une technique spectaculaire pour traiter leurs patients. Ils entrent dans les vaisseaux des patients et munis d’un cathéter, ils se rendent pratiquement où bon leur semble dans le corps humain à l’exception du cœur pour traiter les maladies.

Pour le Dr Oliva, la radiologie d’intervention n’est ni plus ni moins que « l’avenir de la médecine ». « C’est une approche non invasive. Les patients arrivent le matin et repartent le soir avec un petit trou dans l’aine », dit-il.

Explosion de tests

Mais sur les 650 radiologistes du Québec, seulement de 10 % à 15 % consacrent la majorité de leur temps de pratique à l’intervention.

Qu’en est-il des autres ? Traitent-ils des patients ou des images ? « Les médecins spécialisés en radiologie diagnostique* voient aussi des patients, assure le Dr Oliva. « Ils drainent des abcès, des kystes, ils font des infiltrations, ils posent des sondes dans des tumeurs… La majorité des radiologistes font des interventions dans leur pratique. »

Le Dr Oliva reconnaît qu’une poignée de radiologistes peuvent encore aujourd’hui « lire des radiographies à la chaîne ». Mais il assure qu’ils représentent une minorité. « Et même ces médecins rendent service », affirme le Dr Oliva, expliquant que le nombre de demandes de tests radiologiques a littéralement explosé ces dernières années. Nous sommes le stéthoscope des médecins. Presque tous les patients ont des tests radiographiques ou des scans aujourd’hui. »

En 2016, la RAMQ a remboursé un peu plus de 10 millions d’actes en radiologie. Pour la seule angioradiologie, le nombre d’interventions a bondi de 30 % en 10 ans.

« Le travail de radiologistes, ce n’est plus du 9 à 5. Tu as des gardes. Beaucoup de demandes. La profession a beaucoup évolué. Et on trouve ça important que ça se sache », affirme le Dr Oliva.

Une profession payante

Sur les 25 médecins ayant facturé le plus en 2015, en plus des 10 ophtalmologistes, des 7 obstétriciens-gynécologues et des 2 chirurgiens généraux se trouvent 6 spécialistes de la radiologie diagnostique.

Quand on parle de la rémunération avantageuse de ses membres, le Dr Oliva ne se défile pas : « On est bien payés. Mais on travaille fort. Avec les patients […]. L’objectif n’est pas de faire pitié. Loin de là. Mais juste d’expliquer. »

Le Dr Oliva précise que dans la masse d’argent consacrée chaque année à la rémunération des radiologistes (environ 350 millions en 2015-2016), une partie est consacrée au financement des cabinets de radiologie. De 70 % à 75 % des honoraires payés en cabinet privé servent à payer les dépenses d’opération. Dans les autres spécialités, cette proportion est de seulement 30 %. Car en radiologie, le coût des appareils est nettement plus élevé. Si bien que le revenu net moyen des radiologistes s’élève à 535 000 $, derrière des spécialités comme l’ophtalmologie et la chirurgie cardiovasculaire et thoracique, a révélé La Presse au printemps.

Les radiologistes en ont-ils assez de se faire critiquer sur leur rémunération ? « On parle de gros sous. Personne ne le nie. Mais les préjugés qui sont véhiculés peuvent soulever leur lot de frustrations. Les radiologistes se passionnent pour leur travail. Ce sont des gens engagés, qui aiment leur boulot. Et ça peut être difficile dans ce temps-là de ne pas avoir de reconnaissance », explique le Dr Oliva.

*La radiologie diagnostique est la spécialité médicale qui utilise des techniques d'imagerie pour étudier, diagnostiquer et traiter les maladies. Tous les radiologistes diagnostics peuvent faire des interventions sur les patients. Mais certains complètent une formation supplémentaire afin de réaliser des interventions plus avancées. Ces derniers s'identifient comme des radiologistes d'intervention.

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