AVC

Une révolution et un casse-tête

En 2015, trois nouvelles recherches scientifiques ont littéralement révolutionné la façon dont sont traités les patients avec de graves accidents vasculaires cérébraux (AVC). Les radiologistes d’intervention sont désormais impliqués dans les procédures, créant du coup un véritable casse-tête pour les hôpitaux universitaires du Québec.

Qu’est-ce qu’ont démontré les recherches publiées en 2015 ?

« Elles ont démontré l’efficacité de la thrombectomie. Donc pour certains types d’AVC, il est préférable d’enlever le caillot directement dans l’artère plutôt que de seulement donner de la médication comme on le faisait avant », résume la Dre Jeanne Teitelbaum, neurologue et directrice du service d’AVC à l’Institut neurologique de Montréal. Avec la médication seulement, deux personnes sur dix souffrant d’un AVC grave en mouraient et cinq en sortaient avec des séquelles. En ajoutant la thrombectomie, le nombre de morts chute de moitié et seulement quatre patients sur dix présentent des séquelles. Même si la thrombectomie n’est efficace que sur les plus gros AVC, soit environ 15 % des cas, « ces études ont changé la donne de façon spectaculaire », affirme la Dre Teitelbaum.

Mais qu’est-ce qu’un AVC ?

Il s’agit en gros d’un caillot qui se forme dans un vaisseau et qui bloque l’irrigation du cerveau. Le caillot peut faire jusqu’à trois millimètres de diamètre et deux centimètres de long.

Comment procède-t-on à une thrombectomie ?

« On insère un cathéter par l’aine des patients. Puis on fait cheminer le cathéter jusqu’au cerveau par les vaisseaux. On déploie un “stent” avec le cathéter. Le caillot se prend dans les mailles du “stent” et on le retire. En fait, on va chercher le caillot qui bouche l’artère mécaniquement », explique le Dr Daniel Roy, neuroradiointerventioniste au Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM).

Qui pratique la thrombectomie ?

Toute une équipe est chargée de diagnostiquer les AVC des patients. Mais les trombectomies sont réalisées par les radiologistes d’intervention spécialisés en neurologie. C’est ce qui a changé la pratique de façon draconienne au Québec, mais aussi partout dans le monde, depuis 2015. « C’est une petite révolution », résume le Dr Roy.

Comment cela a-t-il changé la pratique des radiologistes d’intervention ?

Au CHUM, le nombre d’interventions pour des AVC est passé de 40 annuellement à plus de 250. Les trois radiologistes spécialisés dans ce traitement sont fort occupés. Et les budgets sont serrés. À l’Institut neurologique de Montréal, le volume de cas n’a pas réellement augmenté. « C’est que le réflexe de tous les hôpitaux francophones de la région de Montréal est d’envoyer leurs patients au CHUM », résume la Dre Teitelbaum. Mais depuis octobre, de nouvelles directives données à Urgences-santé permettent de rediriger certains patients vers l’Institut neurologique de Montréal.

Ces volumes supplémentaires exercent-ils une pression sur les hôpitaux ?

« Énormément », selon le chef de département de radiologie du CHUM, le Dr Vincent Oliva. Ce dernier estime que les nouvelles interventions liées au traitement des AVC entraînent des dépenses supplémentaires d’environ 1,5 million à son département chaque année. Pour payer pour le matériel et les cathéters, notamment. « Nous subissons des coupes depuis des années dans le réseau, ce n’est pas un secret. Mais ici, avec les AVC, nous devons faire plus avec moins. Ça implique que l’on doit faire des choix dans les services. Ça implique des listes d’attente. Des coupes de techniciens », énumère le Dr Oliva.

Le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, croit quant à lui que l’équipe de radiologistes du CHUM est en mesure d’absorber ces volumes en répartissant les tâches. « Oui il y a une augmentation des interventions. Mais le CHUM doit gérer ses ressources à l’interne. Des décisions doivent se prendre. C’est une question de gestion médico-administrative », dit-il, qui estime que le déménagement du CHUM sera l’occasion de « rebrasser les cartes ».

« On ne parle pas des mêmes budgets, réplique le Dr Oliva. Je manque d’oxygène dans mon budget d’opération. On parle des ressources disponibles pour les interventions. Si on fait plus d’AVC, il faut faire moins d’autres choses. On n’a pas eu d’ajustement pour cette activité coûteuse. »

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