Santé

Une journée chez les radiologistes du CHUM

Désireux d’en finir avec les nombreux préjugés qui collent à leur profession, les radiologistes du Québec veulent redorer leur blason. Pour démontrer qu’ils travaillent bel et bien avec des patients et qu’ils sont parties prenantes au traitement de toute une série de maladies, des AVC aux blocages veineux, quatre d’entre eux ont accepté de passer une journée avec La Presse.

7 h

Portant complet-veston et cravate, le Dr Vincent Oliva fait son entrée au département de radiologie de l’hôpital Notre-Dame du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM). Dans quelques minutes, le Dr Oliva et son équipe pratiqueront une intervention délicate sur une patiente de 19 ans afin d’améliorer la circulation dans son pied. Après une discussion avec La Presse et une brève tournée de ses collègues, le Dr Oliva va enfiler sa tenue d’intervention, imité par ses collègues, le Dr Patrick Gilbert (à gauche) et le Dr Gilles Soulez (au centre).

7 h 30

Dans le corridor qui mène aux salles d’intervention de radiologie, Alejandra Avellan, 19 ans, attend, couchée sur une civière. Parce qu’elle est née avec une malformation du système vasculaire, le sang circule difficilement dans son pied gauche. D’aussi loin qu’elle s’en souvienne, la jeune femme a toujours eu mal au pied gauche. C’est toutefois à l’adolescence que ses symptômes se sont intensifiés. Au point qu’Alejandra était incapable de marcher. « J’avais tout le temps mal. La nuit, je n’en dormais pas », témoigne la jeune patiente, dont le gros orteil affiche une inquiétante teinte bleutée. Après des années à chercher un diagnostic, la jeune Montréalaise a rencontré le radiologiste Gilles Soulez en 2013. Une rencontre qui a changé sa vie, puisque le spécialiste a rapidement cerné le mal qui la rongeait. Le Dr Soulez a alors entamé une série d’interventions pour soulager Alejandra. Le traitement consiste à insérer un long cathéter en passant par l’artère fémorale d’Alexandra, située dans l’aine. Le cathéter suit ensuite le système circulatoire de la patiente pour se rendre jusqu’à son pied. Une fois sur place, le Dr Soulez détermine à quels vaisseaux s’attaquer et injecte de l’alcool aux endroits problématiques. Depuis trois ans, Alejandra a subi neuf de ces traitements. Ce matin, elle entreprend le dixième. « Généralement, mon état progresse après le traitement », dit-elle. « Elle peut maintenant marcher. Elle travaille », témoigne la mère d’Alejandra, Manon Dupont.

8 h 10

Alejandra signe les formulaires de consentement en prévision de son opération. Elle est ensuite guidée vers la salle d’intervention, où on lui installe sonde et soluté. En attendant le début de l’opération d’Alejandra, à laquelle il participera, le Dr Oliva entre dans une salle d’intervention du département de radiologie et installe un cathéter veineux central (PICC line) à un patient. L’homme dans la soixantaine attend de subir une chimiothérapie. L’accès veineux assuré par le Dr Oliva permettra de faciliter le traitement. Durant l’intervention, qui ne dure que quelques minutes, le patient est réveillé et échange quelques mots avec le radiologiste. Environ neuf fois sur dix, les interventions faites par les radiologistes se font sur un patient éveillé.

9 h 10

Le Dr Oliva, le Dr Soulez ainsi que leur collègue médecin Patrick Gilbert enfilent leur combinaison plombée pour entrer en salle d’intervention. La procédure se fait sous guidage radiologique. La progression des cathéters dans les vaisseaux d’Alejandra sera visible grâce à des images radiographiques prises en continu. Les radiologistes ainsi que leur équipe doivent donc se protéger des rayons. Les radiologistes sont prêts à procéder à l’intervention.

9 h 57

Atteindre le pied d’Alejandra par la voie des vaisseaux est plus compliqué que prévu. Malgré la patience des médecins, le cathéter s’éternise dans le labyrinthe de veines et d’artères de la jeune femme. « Il y a trop d’options. On n’avance pas comme on voulait », résume le Dr Oliva. L’équipe de radiologistes décide donc de passer directement par l’orteil d’Alejandra en y insérant des cathéters.

11 h 30 

L’intervention d’Alejandra est terminée. Deux mètres de cathéter auront été utilisés durant l’intervention. Le Dr Soulez estime que celle-ci a été concluante. Mais au moins deux autres séances seront nécessaires. Alejandra, qui rêve de devenir agente de bord, a encore du chemin à parcourir. Mais grâce aux soins du Dr Soulez et de son équipe, elle pense pouvoir y parvenir.

+12 h

Arrivée au département de radiologie depuis plusieurs minutes, Francine Audette, 64 ans, est nerveuse : c’est la première fois qu’elle sera endormie pour une intervention médicale. Il y a quelques semaines, Mme Audette a été prise de violents maux de tête. Au point de vomir sans arrêt durant la journée. Inquiète, elle s’est rendue aux urgences où on lui fait passer un test d’imagerie médicale. Après d’autres tests, le diagnostic est tombé : Mme Audette souffre d’un anévrisme au cerveau. C’est ainsi qu’elle a rencontré le Dr Daniel Roy, radiologiste d’intervention au CHUM, qui se spécialise en neuroradiologie, soit les interventions à la tête, au cou et à la moelle épinière. Le Dr Roy explique qu’un anévrisme est une sorte de sac qui se forme sur la paroi d’une artère dilatée. Celui de Mme Audette est assez important et fait 1,5 cm. Le Dr Roy et son équipe tenteront aujourd’hui d’intervenir pour tarir l’anévrisme en y injectant des fibres de platine et empêcher qu’il ne se rompe. Là encore, un cathéter sera inséré dans l’aine de la patiente et longera ses vaisseaux, puis son aorte jusqu’à son cerveau, pour finalement atteindre l’anévrisme.

16 h

L’intervention est terminée. Mme Audette a passé une nuit à l’hôpital avant de retourner chez elle. L’intervention a été un succès.

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