Chronique  Pierre Karl Péladeau

Un pro de l’économie ?

Pour sa première question à l’Assemblée nationale en tant que chef de l’opposition, un moment semble-t-il important pour les « junkies » de la politique, Pierre Karl Péladeau a opté pour le sujet de l’économie, un choix que les commentateurs ont trouvé habile et dont nous devrions tous nous réjouir en tant que citoyens.

Mais, parce qu’on s’intéressait davantage à la forme plutôt qu’aux faits, on a moins remarqué que la première phrase de sa fameuse question contenait une erreur factuelle importante, ce qui est quand même assez étonnant pour quelqu’un qui devrait être ferré en économie et qui lisait un texte qui avait certainement été rédigé par une équipe.

Voici comment commençait sa question : « Merci, M. le Président. Le Québec est un pays riche, il se classe 17e parmi les pays les plus riches au monde, il devance même la Suède et l’Allemagne. »

Ces chiffres sont étonnants. Dans le classement de tous les pays, le Québec serait plutôt au 27e rang des plus riches du monde. Si on restreint la comparaison aux seuls pays membres de l’OCDE, il serait plutôt au 19e rang, selon les données colligées par l’Institut de la statistique du Québec. Mais comment a-t-il pu classer le Québec devant l’Allemagne et la Suède ? En interprétant mal des données incomplètes de Pierre Fortin qui n’avaient pas fait l’objet de mise à jour.

Au-delà de la question du rang, cette façon de présenter les chiffres est jovialiste, car elle masque le fait que le Québec est en queue de peloton et ne devance, dans le monde industrialisé, que la Nouvelle-Zélande, l’Italie, l’Espagne et le Portugal. Le nouveau chef de l’opposition envoie en outre un message assez peu cohérent. Pourquoi s’alarmer de la performance économique du Québec si elle est meilleure que celle de l’Allemagne ou de la Suède ?

Mais ce n’est pas la seule chose qui étonne dans cette première question. M. Péladeau, qui souhaite à juste titre que le Québec soit « encore plus performant », ajoute : « Je pense qu’il faut aller plus loin et plus vite, qu’il faut doter le Québec d’une véritable politique du plein-emploi. »

La dernière fois qu’un politicien québécois a parlé de plein-emploi, c’était Pauline Marois, lorsqu’elle a brièvement été ministre des Finances du gouvernement Landry, avec un document publié en… 2002. Les économistes ne définissent plus depuis longtemps les enjeux en termes de plein-emploi parce que la démographie a tout changé. À cause de la baisse de la population active, le taux de chômage a tendance à baisser et le grand défi n’est plus de créer des emplois, mais de combattre les effets de la pénurie de main-d’œuvre.

Enfin, toujours dans cette question de quelques lignes, le chef de l’opposition a conclu en disant : « J’offre ma collaboration au premier ministre. Je lui propose de convier les acteurs socioéconomiques à un important rendez-vous où nous pourrons tous contribuer à définir les moyens et les priorités d’un véritable plan de croissance durable. Est-ce que le premier ministre est ouvert à la tenue d’un grand forum économique dès septembre prochain pour doter le Québec d’une véritable politique économique ? »

En politique, les gens ont la mémoire courte. Nous avons eu un sommet économique après la crise, en 2010, à Lévis, présidé par le premier ministre Jean Charest. À la table où se réunissaient leaders syndicaux, représentants du monde des affaires, recteurs et dirigeants d’organismes sociaux, il y avait un grand absent : Pierre Karl Péladeau.

Non seulement était-il absent, mais c’est le matin de ce sommet qu’il avait choisi pour publier sa fameuse lettre ouverte dénonçant le trop grand pouvoir des syndicats. Cette sortie inélégante ressemblait étrangement à une tentative de saboter cette rencontre qui reposait sur les consensus plutôt que sur l’affrontement. Elle était assez virulente pour que l’on puisse douter de sa conversion aux vertus des rencontres socioéconomiques et de la sincérité de sa main tendue.

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