Projet de loi 21 sur la laïcité

Pour ou contre en 30 secondes

Le débat autour du projet de loi 21 (PL-21) sur la laïcité de l’État n’est pas inutile. Il permet de préciser les arguments mis de l’avant par les partisans et les opposants de la proposition législative actuelle.

Au fond, ramenés à leur plus simple expression, nous nous trouvons devant quatre nœuds d’opposition. Selon que chacun se place d’un côté ou de l’autre du spectre, on sera plus ou moins sensible aux visées du gouvernement du Québec.

Voici un test pour y voir plus clair : chaque fois, demandez-vous de quel côté vous vous situez.

Quatre lignes de brisure fondamentales

La première ligne de brisure entre partisans et opposants du PL-21 touche aux enjeux identitaires et concerne la lecture que l’on fait des menaces extérieures qui pèseraient sur le Québec et de leurs conséquences locales. Pour les uns, on observerait un retour du fondamentalisme religieux à l’échelle de la planète, et en particulier dans les nations à majorité musulmane. On craint la propagande sournoise des intégristes qui profiteraient de la naïveté des Québécois pour faire progresser ici leur programme idéologique. Pour les autres, on assisterait un peu partout, au contraire, au réveil des populismes de droite. Il importerait donc, au Québec, de faire barrage à un suprémacisme blanc de plus en plus décomplexé en renforçant les droits fondamentaux ainsi que les mécanismes démocratiques.

La deuxième fracture dans le débat autour du PL-21 touche au rapport des Québécois au religieux. Elle concerne l’effet du port d’un signe religieux sur des individus qui n’en arborent pas. Pour ceux qui se disent favorables au PL-21, le port d’un signe religieux entraîne forcément une fermeture chez les individus qui ne partagent pas la croyance associée à ce signe. Ils perçoivent spontanément ce dernier comme une forme de prosélytisme ou d’exclusion. À l’inverse, pour ceux qui s’opposent au PL-21, le port d’un signe religieux provoque chez ceux qui y sont exposés, au pire de l’indifférence, et au mieux une ouverture à l’altérité. Sa multiplication leur semble un indice d’inclusion pour les minorités religieuses dans une société pluraliste.

La troisième ligne de brisure touche aux tensions entre la mise en œuvre de la neutralité et la liberté de conscience et de religion. Pour les partisans du PL-21, tout port d’un signe religieux invalide la laïcité de l’État, car l’État ne doit tolérer la présence d’aucune religion – au moins pour ce qui relève de ses fonctions régaliennes. Pour les opposants au PL-21, la reconnaissance des signes religieux ne dérange en rien la neutralité de l’État, car en admettant l’expression de l’ensemble des religions, l’État se montre indifférent à toutes.

Enfin, il est évident que, en relation aux enjeux d’intégration, la question des femmes musulmanes voilées fait l’objet d’un traitement spécial dans les polémiques actuelles. Les défenseurs du PL-21 assurent que la législation favorisera l’émancipation des femmes musulmanes en discréditant un hidjab qui est d’abord, aux yeux de ces critiques, un symbole d’oppression. Pour leurs détracteurs, la législation québécoise contribuera bien davantage à stigmatiser les musulmans en général, et les femmes musulmanes en particulier. Elle caricaturera un hidjab aux significations multiples et complexes, en plus de brimer le droit de ces personnes à occuper un emploi sans devoir abandonner leur foi.

Les questions essentielles

Dans le présent débat, il importe de noter que les principes sous-jacents aux échanges autour du PL-21 sont autant de lieux possibles de convergence. On s’oppose souvent sur la base d’une entente générale sur ce dont on doit débattre. En somme, on s’accorde sur la nécessité d’affirmer et de garantir la laïcité de l’État, mais on est divisé quant aux modalités par lesquelles il faut procéder pour atteindre cet objectif.

En premier lieu, on croit primordial de défendre la démocratie contre des chevaux de Troie idéologiques. Mais on ne s’entend pas sur le visage de cette menace.

Ensuite, tout le monde insiste sur la nécessité de s’ouvrir à la différence. Mais alors que les uns demandent aux fonctionnaires de faire preuve d’ouverture en refusant de porter un signe religieux, les autres soulignent que ce sont les usagers de services qui doivent passer par-dessus leur xénophobie, dans la mesure où l’impartialité ne résiderait pas dans le signe religieux lui-même, mais bien dans les décisions et actions des fonctionnaires.

Personne ne souhaite voir s’imposer la religion dans la sphère étatique. Mais alors que les uns s’imaginent qu’un seul signe religieux est un signe de trop, les autres voient dans la multiplication des expressions religieuses par les agents de l’État la nullification de leur portée politique ou publique.

Enfin, tout le monde a à cœur l’égalité des hommes et des femmes. Mais tandis que les uns croient y arriver en bannissant le hidjab, les autres pensent que la meilleure façon de promouvoir les droits des femmes est de les accepter telles qu’elles sont, peu importe leur apparence vestimentaire.

Et vous, de quel côté penchez-vous?

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