Québécois mort dans sa cellule en Thaïlande

Alexandre Cazes était au cœur d’une enquête du FBI

Un informaticien québécois trouvé mort dans sa prison à Bangkok mercredi était au cœur d’une enquête du FBI sur le site AlphaBay, un des plus grands marchés clandestins en ligne de la planète pour la vente de drogue, d’armes et de données personnelles liées aux fraudes bancaires, selon ce qu’a pu confirmer La Presse.

En Mauricie, plusieurs personnes ont fait part de leur tristesse hier en apprenant la nouvelle. « Mon fils unique est décédé », a écrit sur Facebook la mère d’Alexandre Cazes, en annonçant qu’elle partait pour la Thaïlande.

La police thaïlandaise venait de confirmer aux médias locaux que son fils, un informaticien de 25 ans originaire de Trois-Rivières, avait été trouvé pendu avec une serviette dans la salle de bains de la prison où il était détenu depuis son arrestation à la demande des autorités américaines, le 5 juillet.

Des avoirs de 15 millions

Le Bangkok Post cite un responsable de la police selon qui le suspect devait être extradé pour des accusations reliées au trafic de drogue aux États-Unis. Cazes habitait en Thaïlande depuis environ huit ans et travaillait en informatique, selon la police. Les agents ont saisi quatre voitures Lamborghini et des documents de propriété de trois maisons liées au Québécois. L’évaluation préliminaire de ses actifs atteignait les 400 millions de bahts thaïlandais, l’équivalent de 15 millions de dollars canadiens.

Le jour de son arrestation en Thaïlande, la Gendarmerie royale du Canada (GRC) avait mené des perquisitions chez la mère de Cazes à Trois-Rivières et dans un mini-entrepôt à proximité. L’opération était menée conjointement avec le FBI dans le cadre d’une enquête sur un marché de produits illicites exploité sur le Dark Web, pan de l’internet qui regroupe des sites accessibles avec des logiciels de navigation spéciaux conçus pour protéger l’anonymat des utilisateurs.

Presque simultanément, le site AlphaBay, l’un des plus importants marchés illicites du Dark Web, où les usagers peuvent vendre toutes sortes de marchandises illégales et où des forums permettent l’échange et la vente de données utilisées pour commettre des fraudes bancaires, a disparu.

La Presse a pu confirmer de sources bien informées que tous ces évènements sont liés. L’enquête est toujours en cours, mais la GRC refuse de confirmer quoi que ce soit pour l’instant.

Multiples marchés criminels

« AlphaBay avait 240 000 membres. J’ai été l’un des premiers inscrits, dans le cadre de mon travail de consultant, il y a environ deux ans », révèle Brett Johnson, ancien fraudeur devenu consultant pour le Secret Service américain, puis consultant privé en sécurité.

« Au début, le site était plus centré sur les fraudes, les cartes de crédit volées, les vols d’identité. Et à mesure qu’il devenait plus populaire, le marché de la drogue y est devenu plus important. Il y avait des armes aussi, mais c’était un plus petit marché. »

— Brett Johnson

En entrevue avec La Presse, M. Johnson explique que le fondateur d’AlphaBay, spécialiste des fraudes par carte de crédit connu sous le pseudonyme d’Alpha02, semblait avoir recruté un acolyte surnommé DeSnake pour gérer les aspects informatiques de sa plateforme. Selon ses recherches, DeSnake habitait en Thaïlande et avait un profil identique à celui d’Alexandre Cazes.

M. Johnson se dit convaincu que toute personne condamnée aux États-Unis relativement aux activités d’AlphaBay risque la prison à vie.

Récemment, des reportages ont fait état du rôle du site dans l’épidémie américaine de surdoses mortelles de fentanyl, un puissant opioïde. En juin, le New York Times rapportait qu’AlphaBay comptait 4100 offres de vente de fentanyl ou d’agents similaires. Un trafiquant du New Jersey qui vendait sur AlphaBay sous le pseudonyme de Fentmaster a été arrêté après la mort par surdose d’un jeune homme de 19 ans.

Intelligence supérieure

Le FBI n’a pas dévoilé les accusations exactes auxquelles Alexandre Cazes aurait fait face une fois extradé aux États-Unis. Une connaissance a confié à La Presse qu’il avait visité sa mère à Trois-Rivières cet hiver sans être inquiété. Un constat d’infraction pour excès de vitesse déposé à la cour municipale confirme d’ailleurs sa présence au Québec en janvier dernier.

Ancien élève au cégep de Trois-Rivières en informatique de gestion, le Trifluvien avait enregistré son entreprise EBX Technologies alors qu’il n’avait que 17 ans, le 29 décembre 2008. Il avait donné comme adresse celle de la résidence de sa mère, chauffeuse d’autobus. La ligne téléphonique québécoise et la boîte vocale de l’entreprise fonctionnaient toujours hier.

Sur son profil LinkedIn, Cazes disait avoir conçu un logiciel pour la gestion des ventes dans le secteur de l’automobile. Il disait parler français, anglais, espagnol et thaï. Une amie l’a décrit hier sur Facebook comme doté d’une « intelligence supérieure ».

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.