Race

L’olympisme au cinéma

OLYMPIA (LES DIEUX DU STADE)

Le film qu’a tourné Leni Riefienstahl pendant les Jeux olympiques de Berlin de 1936 figure au cœur de Race. La réalisatrice allemande, dont la réputation a toujours été entachée à cause de ses accointances avec le pouvoir hitlérien, a mis à profit une équipe imposante. Elle a aussi utilisé des techniques jusque-là inédites. Présenté en deux parties (Olympia – Fête des peuples et Olympia – Fête de la beauté), ce film documentaire exalte la beauté des athlètes et met de l’avant un esthétisme qui fera école. Supprimées dans les premières versions, les scènes avec Jesse Owens auraient été réintégrées après la chute du régime nazi.

CHARIOTS OF FIRE

Lauréat « surprise » de l’Oscar du meilleur film en 1982, le long métrage de Hugh Hudson est inspiré de la véritable histoire de deux athlètes britanniques concourant aux Jeux olympiques de Paris en 1924. L’un est juif, l’autre, fervent chrétien. Les scènes à l’entraînement sur le bord d’une plage, filmées au ralenti, sont passées à l’histoire. Autant que la célèbre musique de Vangelis qui accompagne les pas de course…

JEUX DE LA XXIe OLYMPIADE

Dirigée par Jean-Claude Labrecque, une équipe formée de Jean Beaudin, Marcel Carrière et Georges Dufaux (sans oublier Labrecque lui-même), a été mandatée pour signer le film officiel des Jeux olympiques de 1976, tenus à Montréal. Fait amusant, on peut voir, à la 69e minute, un plan dans lequel Leni Riefenstahl est en train de suivre, caméra à la main, les compétitions de gymnastique au Forum, dominées par la reine de ces Jeux, Nadia Comaneci. Quarante ans après les Jeux de Berlin, la réalisatrice, alors âgée de 73 ans, était l’invitée d’honneur du Comité organisateur. 

ASTÉRIX AUX JEUX OLYMPIQUES

L’adaptation cinématographique de l’un des plus célèbres albums du tandem Goscinny-Uderzo n'a pas été pas des plus heureuses. Sortie en 2008, cette superproduction, coréalisée par Frédéric Forestier et Thomas Langmann, a été décriée à cause de son caractère fade et dénué d’esprit. La distribution toutes étoiles a bien entendu fait passer la rampe à quelques gags, mais dans l’ensemble, le récit n’était pas à la hauteur des énormes moyens mis à la disposition de ce film. Alafolix, personnage principal de l’histoire, était incarné par Stéphane Rousseau, mais, manque de pot, le rôle ne donnait pas vraiment l’occasion à l’humoriste québécois de se faire valoir.

THE EVERLASTING FLAME

Présenté en primeur mondiale lors de la soirée de clôture du Festival des films du monde en 2009, le film officiel des Jeux de Pékin, tenus en 2008, peut aussi entrer dans la catégorie des films de propagande. Sous la supervision de la réalisatrice Gu Jun, on y travestissait carrément la réalité pour décrire comment le passage de la flamme olympique était accueilli sous les acclamations de la foule partout dans le monde, y compris au Tibet. N’importe quoi.

— Marc-André Lussier, La Presse

ENTREVUE AVEC STEPHAN JAMES

Dans les pas de Jesse Owens

Comme beaucoup de ses contemporains, Stephan James connaissait le nom de Jesse Owens sans trop savoir quel avait été vraiment l’apport historique de l’athlète. D’où, selon lui, l’importance d’un film comme Race.

TORONTO — Jesse Owens est reconnu pour avoir été le premier athlète américain à rafler quatre médailles d’or aux Jeux olympiques dans des épreuves d’athlétisme. Mais son histoire va bien au-delà des exploits sportifs.

Ce natif d’Alabama s’est en effet d’abord distingué sur le plan national une bonne vingtaine d’années avant que commence la lutte pour la reconnaissance des droits civiques des Noirs en Amérique. De surcroît, il est celui qui, en devenant le grand héros des Jeux olympiques de Berlin, tenus dans l’Allemagne nazie, a enrayé la formidable machine de propagande qu’avait mise sur pied Adolf Hitler.

Stephan James, qui l’incarne dans Race, un film réalisé par Stephen Hopkins, ne connaissait pratiquement rien de l’histoire de l’athlète avant d’être choisi.

« Quand j’ai lu le scénario, j’ai été soufflé, confie l’acteur canadien. J’ai voulu en savoir davantage. Ce que j’ai appris m’a évidemment indigné. De comprendre à quel point les Noirs étaient discriminés à cette époque m’a mis en colère aussi. Il était important de prendre tout cela en compte mais en même temps, je devais me glisser dans la peau d’un homme qui, au moment où ces événements se sont déroulés, n’était pas vraiment conscient de l’impact que ses exploits auraient dans la grande histoire du XXe siècle. »

UNE LARGE CONTRIBUTION QUÉBÉCOISE

Révélé grâce à Selma, où il tenait le rôle de John Lewis, jeune militant aux côtés de Martin Luther King, Stephan James s’est ainsi retrouvé au cœur de cette coproduction entre le Québec et l’Allemagne, majoritaire du côté québécois à 67 %. Les deux tiers du tournage de cette production de 30 millions de dollars se sont d’ailleurs déroulés dans la grande région de Montréal.

Bizarrement, Race est le tout premier film dans lequel la vie de Jesse Owens est portée à l’écran. Pour ne pas tomber dans le modèle de la biographie habituelle, les scénaristes, Joe Shrapnel et Anna Waterhouse, s’en sont d’ailleurs tenus aux deux années cruciales de la vie de l’athlète, soit celles qui l’ont mené à Berlin. Aux yeux de l’acteur, ce long métrage prend une résonance particulière au moment même où la question raciale est toujours au premier plan, particulièrement aux États-Unis.

« Il est important de faire des films comme ceux-là, dit-il. Cela nous montre d’où on est partis – de très loin – et de prendre la mesure du chemin parcouru. Cela nous indique aussi qu’on ne peut se permettre de revenir en arrière. Il n’y a jamais de mauvais moment pour faire un film à propos de Jesse Owens, mais je dirais que dans le contexte actuel, avec toute la discussion qui a lieu actuellement, ce film tombe quand même à point nommé.

« Face à toutes les adversités, poursuit-il, Jesse Owens est resté fidèle à lui-même et à ses convictions. Et il a changé le monde. » 

« En tant que jeune homme, cette histoire m’inspire grandement, même si elle s’est déroulée il y a 80 ans. Et elle en inspirera encore d’autres dans 50 ans. »

— L’acteur Stephan James

Dans son film, le réalisateur prend bien soin d’installer le contexte de l’époque. Jeremy Irons incarne Avery Brundage, dirigeant sportif américain (et futur président du CIO), dont les rapports ambigus avec les dirigeants nazis ont toujours fait l’objet de controverses. Face à lui, William Hurt interprète Jeremiah Mahoney, un dirigeant favorable au boycottage des Jeux de Berlin. Owens doit d’ailleurs sa présence dans la capitale nazie à un vote très serré.

À Berlin, l’accent est aussi mis sur le film que la cinéaste Leni Riefenstahl, qui avait réalisé Le triomphe de la volonté deux ans auparavant, tournera pendant les Jeux. Interprétée par l’actrice néerlandaise Carice van Houten, Fräulein Riefenstahl doit travailler en étroite collaboration avec le ministre de la Propagande Joseph Goebbels.

L’AUTRE PERSONNAGE CLÉ

L’autre personnage clé de l’histoire, l’entraîneur Larry Snyder, est campé par Jason Sudeikis. Ancien membre de la distribution habituelle de Saturday Night Live, l’acteur campe ici son premier grand rôle dramatique.

« Ce film est d’une grande pertinence actuellement, déclare-t-il au cours d’un entretien accordé à La Presse. Les Jeux olympiques ont toujours été liés à la politique. Pas plus tard qu’il y a deux ans, les Jeux de Sotchi ont eu lieu alors que des lois discriminatoires envers les homosexuels étaient votées par le Parlement russe. Aussi, je crois que ce film montre l’importance de participer à des Jeux, peu importe les circonstances. Si les États-Unis avaient boycotté Berlin en 1936, Jesse Owens n’aurait jamais eu l’occasion de détourner le scénario qu’Hitler avait anticipé ni de faire sa place dans l’histoire. »

À propos de la question raciale, toujours très sensible, Jason Sudeikis estime qu’un film comme Race peut assurément faire partie de la discussion.

« C’est là depuis ma naissance, il y a 40 ans, fait-il remarquer. Ça indique à quel point il reste encore beaucoup de chemin à faire. Mais en même temps, je reste foncièrement optimiste. Et je crois que ce film l’est aussi, même s’il propose une vision très réaliste. Souhaitons seulement qu’il ne faille pas encore 80 ans avant que les blessures se cicatrisent. »

Race (10 secondes de liberté en version française) est actuellement à l’affiche.

Les frais de voyage ont été payés par Les Films Séville.

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