ÉDITORIAL CRISE AU MINISTÈRE DES TRANSPORTS

Pourquoi toujours attendre les crises ?

C’est ce qu’on appelle trop peu, trop tard.

Le premier ministre Philippe Couillard a pourtant pris la bonne décision en demandant à la vérificatrice générale d’enquêter sur le processus d’attribution de contrats au ministère des Transports. C’était la chose à faire, d’autant plus que ses rapports sont généralement éclairants.

Mais comme la décision survient tard, très tard, elle donne l’impression d’une opération de relations publiques qui ne convainc personne.

Ce n’est malheureusement pas la première fois que le gouvernement Couillard laisse une crise s’envenimer en regardant la scène se dérouler au ralenti devant lui.

Quand il intervient finalement, après bien des tergiversations et des revirements, il semble mettre le couvercle sur une marmite pleine d’huile dans laquelle le feu est déjà pris. Et qui est déjà incontrôlable.

Ce fut le cas avec l’épisode impliquant Sam Hamad plus tôt ce printemps. C’est encore le cas avec la crise qui secoue le ministère des Transports du Québec (MTQ).

Avouons que la désinvolture initiale des libéraux laisse perplexe. L’affaire a d’abord été traitée comme un problème « administratif ». Le premier ministre s’est ravisé 24 heures plus tard, au point de limoger la sous-ministre Dominique Savoie et le chef de cabinet du ministre des Transports.

Tout cela alors que les informations étaient connues. L’ex-ministre Robert Poëti avait consigné ses inquiétudes dans une lettre remise à son successeur Jacques Daoust. La consultante indépendante Annie Trudel, mandatée pour enquêter sur les pratiques au Ministère, indiquait clairement dans une lettre remise au chef de cabinet du ministre Daoust que non seulement le nouveau cabinet ne semblait pas retenir les mêmes priorités et préoccupations que son prédécesseur, mais qu’elle avait constamment des bâtons dans les roues en voulant faire son travail. Sans compter l’Unité permanente anticorruption (UPAC), qui a reconnu enquêter sur des irrégularités au MTQ.

Les doutes subsistent aussi quant à savoir ce que savait – ou ne savait pas – le premier ministre. S’il a réellement été tenu dans l’ignorance, on peut légitimement s’en inquiéter, surtout qu’il répétait cette semaine que l’attitude de son gouvernement a toujours été « l’action proactive et le manque total de tolérance pour toute déviance sur le plan de l’intégrité ».

Espérons que le rapport de la vérificatrice générale et le dépôt d’un projet de loi pour créer une Autorité des marchés publics permettront de faire la lumière sur ce qui cloche au ministère des Transports.

Pas moins de quatre rapports – celui de l’ancien vérificateur général en 2009, le rapport Duchesneau en 2011, le rapport Charbonneau en 2015 et le dossier consigné par Annie Trudel – n’ont rien changé aux pratiques douteuses.

Qu’en sera-t-il cette fois ?

Le problème en est un de structure, de mauvaise gestion et de manque de ressources.

Les projecteurs sont braqués sur les Transports, l’un des plus grands donneurs de travail de la province, mais pourraient viser bien d’autres ministères.

Il faut changer la culture. Or, ce changement de comportement est non seulement long et difficile, mais il exige une volonté et une clairvoyance en tout temps, pas seulement en gestion de crise.

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