Télévision

Radio-Canada souhaite s’inspirer de la BBC

La société d’État propose un nouveau modèle d’affaires pour se détacher de la publicité, et ainsi s’investir davantage sur son mandat culturel.

Ottawa — Sans avoir à se soucier de ses revenus publicitaires – qui seraient remplacés par un financement fédéral supplémentaire équivalent –, Radio-Canada serait « capable d’être plus audacieuse », de « prendre plus de risques » et d’investir davantage sur son mandat culturel, selon son PDG.

La société d’État propose au gouvernement Trudeau un nouveau modèle d’affaires basé sur la BBC en Grande-Bretagne : pas de publicité à la télé et sur le web, mais un financement public accru qui remplacerait les revenus publicitaires.

CBC/Radio-Canada a fait cette proposition dans le cadre des consultations du gouvernement Trudeau sur le contenu canadien dans le monde numérique.

Il faudrait actuellement 318 millions supplémentaires pour réaliser ce plan : 253 millions pour compenser la perte de revenus publicitaires à la télé et sur le web, et 65 millions de dépenses supplémentaires pour faire passer la grille télé de 42 à 58 minutes par heure.

« Avec ce modèle, au lieu d’avoir un souci constant de tirer des revenus de toutes nos initiatives – on ne dit pas que c’est la seule chose, mais c’est clair que c’est une préoccupation –, on investirait sur le mandat culturel », a confié Hubert T. Lacroix, président-directeur général de Radio-Canada, en entrevue à La Presse.

« On serait capables d’être plus audacieux, de raconter des histoires différentes, de prendre plus de risques. […] Série noire, les nouveaux acteurs dans Les Simone, le mouvement de notre grille nous différencient de plus en plus des autres radiodiffuseurs qui ont plus de contenu américain aux heures de grande écoute.

« Si nous sommes capables d’être distinctifs avec notre contenu et de laisser les [télés] privées faire plus ce qu’elles veulent faire, avec leur objectif de rentabilité… »

Une « locomotive » culturelle

CBC/Radio-Canada estime qu’un radiodiffuseur public sans publicité et mieux financé (de 34 $ à 46 $ par Canadien par an, comparativement à 114 $ pour la BBC) agirait comme « locomotive culturelle », un peu comme la BBC en Angleterre.

« C’est la première fois qu’on appuie [ce scénario d’un radiodiffuseur public sans publicité] avec des arguments économiques et de contenu, a précisé M. Lacroix. On explique les avantages de devenir un radiodiffuseur public qui serait la locomotive à l’intérieur du nouveau système qu’on veut bâtir. […] Il faut que le nouveau système culturel soit réfléchi [comme an Angleterre avec Creative Britain], que les médias, les auteurs, les créateurs se retrouvent tous autour de la même table avec la BBC comme point central. »

Une télé publique sans revenus publicitaires continuerait de se soucier des cotes d’écoute. Son mandat continuera ainsi de comprendre des émissions de variétés destinées à un large public. « La BBC fait beaucoup d’émissions de variétés, a dit Hubert T. Lacroix. On n’oubliera pas les cotes d’écoute, c’est un reflet de notre pertinence, et on veut faire pertinent pour nos auditoires. »

« Nos grilles vont pouvoir prendre une allure différente, il y aurait beaucoup plus de liberté aux gens qui la contrôlent, en plus de tous les avantages économiques. »

— Hubert T. Lacroix, président-directeur général de Radio-Canada

CBC/Radio-Canada estime que son plan créerait 7200 emplois dans l’économie du pays et qu’environ 158 millions de ses 253 millions en revenus publicitaires seraient redistribués sur les ondes des télés privées.

Dépolitiser le financement

Radio-Canada propose aussi de « dépolitiser » son financement en le fixant sur un horizon de cinq ans, soit la durée de ses licences. « On ne veut plus qu’on associe la couleur d’un parti à notre financement. […] Il faut sortir la politique de notre financement, c’est un point important », a dit Hubert T. Lacroix.

Que pense le gouvernement Trudeau de la proposition de Radio-Canada de devenir un radiodiffuseur sans publicité ? « La présentation de Radio-Canada/CBC sera examinée attentivement et considérée au même titre que toutes les autres. Il est encore trop tôt pour discuter de changements éventuels », a indiqué par courriel Pierre-Olivier Herbert, attaché de presse de la ministre du Patrimoine canadien Mélanie Joly.

Le gouvernement Trudeau poursuit actuellement sa consultation sur le contenu canadien dans le monde numérique.

Citant son étude produite par Nordicity, Radio-Canada rappelle que son financement public de 34 $ par Canadien par an le classe au 16e rang sur 18 radiodiffuseurs publics dans le monde. Radio-Canada n’a jamais diffusé de publicité sur sa chaîne de radio parlée ICI Première. La société d’État a diffusé de la publicité à la radio sur ICI Musique entre 2013 et 2016 avant que le CRTC ne lui retire ce droit l’été dernier.

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