Chronique 

Je suis glamour, tu es glamour, il est glamour…

Dans le dossier que nous publions aujourd’hui sur la nature du théâtre montréalais, Roy Surette, directeur du Centaur Theatre, affirme que le milieu anglophone des arts de Montréal envie le star-système québécois. « Il est unique au monde », dit-il.

C’est vrai qu’un bassin aussi talentueux de chanteurs, comédiens et animateurs adulés par un public aussi chaleureux et familier, c’est plutôt rare.

Ce star-système est la preuve que la société québécoise n’a besoin de personne en Harley-Davidson ! Au fil des décennies, on s’est créé un univers complètement autonome qui a ses propres codes, sa propre manière d’évoluer.

Nommez-moi un endroit dans le monde où des comédiens glissent avec autant d’aisance du cinéma à la télé, avec un détour par le théâtre.

Bref, je suis fier de ce système. Là où je décroche, c’est quand ce système tient à se prendre pour celui d’Hollywood. J’éprouve à ce moment-là une sorte d’inconfort. Cet inconfort, je l’ai vécu dimanche dernier lors du « tapis rouge » des Gémeaux.

Quelle mauvaise idée de faire défiler les vedettes dans un centre commercial sous un éclairage ingrat ! Les maquilleurs qui ont préparé les invités ont dû se taper une dépression nerveuse dans les jours qui ont suivi.

Cet inconfort, je le ressens aussi quand je vois un reportage photo sur la vente du bungalow de Wilfred LeBouthillier dans un hebdo à potins (on y apprend que le sous-sol est aménagé et que la cour est clôturée). Ou encore quand je tombe sur la chronique Champagne et caviar (???) de Michel Girouard, dans laquelle il ne manque pas de « ploguer » un ami dermatologue, roi du botox à Repentigny.

J’éprouve un inconfort devant ce glamour qui n’en est pas un, car il ne nous ressemble pas. Il est loin de l’authenticité à laquelle la société québécoise tend dans plusieurs domaines. C’est ce qui nous a toujours guidés, toujours inspirés. Pourquoi aller vers cette version similicuir du show-business ?

Que les vedettes arrivent « endimanchées » à un gala télévisé, ça va de soi. Mais depuis quelques années, on leur demande d’imiter les stars internationales qui brillent de mille feux aux Oscars, à Cannes ou au Met Gala. On demande cela à des artistes qui n’ont ni les moyens ni le pouvoir d’égaler leurs confrères internationaux. Et on s’attend à obtenir le même résultat.

Une jeune actrice québécoise a dit un jour, à propos de cette mascarade, que c’était complètement ridicule de demander à une vedette québécoise de rivaliser avec une star hollywoodienne. « On arrive au gala au pas de course et en taxi après avoir donné le bain aux enfants », avait-elle expliqué.

On peut aisément imaginer que le jour des Oscars, Cate Blanchett demande à sa nounou de s’occuper des enfants et qu’elle commence à se préparer vers midi avec son coiffeur personnel, son maquilleur personnel et sa styliste personnelle qui lui fait enfiler une robe Chanel de 28 000 $ dont l’essayage a eu lieu 10 jours plus tôt. Méchant décalage !

Et le public québécois là-dedans ? Il joue son rôle de public. Il bave devant l’une des rares robes de couturier du tapis rouge des Gémeaux (la Gucci de Maripier Morin) et publie des vacheries sur Twitter au sujet de la nuisette en satin vert d’Émily Bégin.

Nous avons des artistes et des créateurs de très grand talent au Québec. C’est un fait. Misons là-dessus et cessons de fabriquer un univers que nous ne pouvons recréer. On cherche à établir des liens avec un monde qui est loin de nous.

Dimanche soir dernier, on a ovationné (avec raison) Josée Boudreault pour son courage à surmonter un AVC. Mais personne ne s’est levé quand, vers la fin du gala, celui qui faisait sa première apparition publique depuis sa nomination à la tête de la plus grande maison d’opéra au monde, Yannick Nézet-Séguin, est venu remettre un prix.

Avant de se fabriquer une version carton-pâte d’Hollywood, commençons par reconnaître les étoiles qui font briller le Québec à l’étranger.

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